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Plan Pauvreté
À bout de souffle ?

18/02/2015

Deux ans après le lancement du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, François Chérèque (Igas), chargé de son suivi, dresse un bilan mitigé de son application. À l’instar des acteurs du secteur, qui réclament à l’unisson une redynamisation, voire un approfondissement des engagements gouvernementaux.

L'action des pouvoirs publics n'a pas été à la hauteur de l’urgence sociale en 2014. Tel est le bilan, amer, du plan Pauvreté dressé par le collectif Alerte fin janvier 2015. Ce, peu avant la remise à Matignon du rapport de François Chérèque, inspecteur général des Affaires sociales (Igas), missionné pour évaluer les deux ans de mise en œuvre [1]. Lancé début 2013 à l’issue d’une large concertation avec les associations, syndicats et collectivités, ce plan pluriannuel se voulait ambitieux. Une soixantaine d’orientations, impliquant une dizaine de ministères, autour de sept thématiques, allant de l’accès aux droits, aux soins, au logement, jusqu’à l’emploi… Une politique volontariste qui devait faire de la lutte contre l’exclusion le « fil rouge » du quinquennat de François Hollande. Qu’en est-il à mi-chemin du mandat présidentiel ?

Du côté des acteurs associatifs, le respect de certains engagements nationaux, tels que la revalorisation progressive du RSA socle, est certes souligné. Mais sur d’autres aspects, la circonspection règne. Et Alerte de pointer la trop lente montée en charge de la garantie jeunes, ou les contours indéfinis de la future prime qui doit résulter de la fusion du RSA activité et de la prime pour l’emploi (PPE). Avec les précautions rédactionnelles de rigueur, François Chérèque et ses collègues de l'Igas ne disent pas autre chose…

Une politique en échec

Il est un domaine où « l’échec » est patent, affirment les inspecteurs : l’hébergement et le logement. Hausse continue des crédits d’urgence, ineffectivité du droit au logement opposable (Dalo), renoncements sur la garantie universelle et l’encadrement des loyers de la loi dite Alur, objectif annuel de 150 000 nouveaux logements sociaux non atteint, faible part de financements de l’État dans les prêts locatifs aidés d’intégration (PLAI)… « C'est un ratage complet », assène Bruno Grouès, coordinateur d’Alerte et conseiller technique en charge de la lutte contre les exclusions à l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux (Uniopss). Au cœur des critiques ? La poursuite de la gestion saisonnière de l’hébergement… dont la fin était pourtant un promesse majeure du plan. « Il y a un décalage entre les instructions ministérielles et le maintien sur le terrain de la politique au thermomètre, juge Florent Gueguen, directeur général de la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (Fnars). Le plan pluriannuel doit être renégocié, en intégrant notamment une loi de programmation de places d’hébergement et de logements très sociaux. »

En outre, il prévoyait l'étude d'un « statut unique » pour le secteur « accueil, hébergement et insertion » (AHI) afin de rompre avec la segmentation et l'empilement des dispositifs allant de la veille sociale à l'insertion vers le logement. « Un autre enjeu est qu’à terme tous les lieux d’hébergement proposent un accompagnement », explique Florent Gueguen. La Fnars a livré ses propositions en la matière à la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) l’automne dernier, en vue du rapport gouvernemental qui devait être remis au Parlement fin 2014… et qui était toujours en cours de finalisation fin février dernier.

Scepticisme des acteurs

« La conjoncture difficile et le manque de volonté politique se conjuguent pour concourir à la catastrophe », résume Bruno Grouès. Ce alors que les remèdes à l’engorgement actuel sont connus, rappelle-t-il : « Ouvrir des centres d’hébergement plutôt que poursuivre le gaspillage de dépenses publiques que constitue le recours à l’hôtel. » Début février, le ministère du Logement a dégainé un plan triennal de réduction des nuitées hôtelières, qui s'appuie sur le logement accompagné. Il prévoit ainsi la création de 13 000 places en maisons relais, pensions de famille, appartements partagés, intermédiation locative… Des annonces qui laissent sceptique Jean-Marc Prieur, chargé de mission Politique du logement des personnes défavorisées à la Fédération des Pact : « Ces mesures ne vont pas assez loin. La fin du recours à l’hôtel ou de la gestion saisonnière ne se décrètent pas… » « Les solutions alternatives à l’urgence ne sont pas assez développées, renchérit Gilles Desrumaux, délégué général de l’Union du logement accompagné Unafo. Il est paradoxal de prôner l’orientation prioritaire vers le logement tout en baissant les crédits de cnotre secteur dans la dernière loi de finances. Tant que ces budgets ne seront pas sanctuarisés, le problème ne sera pas résolu. »

Un ancrage territorial fragile

Au-delà des moyens financiers, le plan souffre d’une appropriation variable par les collectivités et les services déconcentrés. Un point soulevé tant par les associations que par l’Igas. La lente élaboration dans les départements des diagnostics dits « à 360 ° » témoigne des lacunes de l’animation territoriale du plan. Destinés à évaluer offre et besoins locaux en matière d’hébergement et de logement, ils doivent être généralisés d’ici mi-2015 [2]. « Outre le retard pris, nos adhérents sont parfois difficilement associés à leur réalisation, note Gilles Desrumaux. Et la place de cet outil reste à trouver : quelle sera par exemple son articulation avec les plans d’action départementaux ? » Pour renforcer l'ancrage des politiques de lutte contre la pauvreté, l'Igas suggère que la DGCS pilote en 2015 une mission d’appui aux territoires.

Autre front de bataille, où les pouvoirs publics sont très attendus ? L’emploi. Présenté par le ministère du Travail en février, un autre plan, centré sur le chômage de longue durée, répond partiellement aux attentes du secteur associatif (lire l’encadré).

Une nouvelle impulsion nécessaire

Parallèlement, le gouvernement a promis pour le mois de mars « une feuille de route actualisée » du plan Pauvreté. Sa présentation pourrait-elle être associée au comité interministériel de lutte contre les inégalités préparé par le ministère de la Ville, prévu concomitamment ? Une interrogation d’actualité, tant les réponses publiques distillées sur le terrain de l’exclusion sociale apparaissent disparates [3].

Pourtant, « la gouvernance est un enjeu majeur, analyse Bruno Grouès. Le portage interministériel du plan est une priorité pour sa poursuite. » Les membres d'Alerte, qui devaient être reçus à Matignon le 19 février, comptent bien obtenir sa redynamisation. Au-delà, c’est la question de sa vocation même que pose le secteur. « Il ne faut pas céder à la tentation d’enfermer les publics dans des dispositifs spécifiques, plaidait François Soulage, président du collectif, en janvier. L’horizon doit rester l’accès aux services de droit commun. »

[1] Évaluation de la 2e année de mise en œuvre du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, rapport de l'Igas, janvier 2015

[2] Circulaire n° DGCS/SD1/DHUP/DIHAL/2014/22 du 18 août 2014

[3] Contactées, la DGCS et la Dihal n'ont pas répondu à nos sollicitations.

Justine Canonne

Un plan de soutien aux chômeurs de longue durée

« Prévenir, aider, accompagner. » C’est sur ce triptyque que repose le plan relatif au chômage de longue durée dévoilé par le ministre François Rebsamen le 9 février. Au rang des mesures ? Un ciblage des contrats de professionnalisation sur les demandeurs d’emploi seniors ou peu qualifiés, la levée des « freins sociaux » (santé, logement…) au retour à l’emploi, l’abondement du compte personnel de formation (CPF) des chômeurs (220 millions d’euros prévus en 2015). Ce plan s’appuie aussi sur les acteurs de l'insertion par l'activité économique (IAE) : leur « médiation active » doit en particulier permettre de sécuriser l’embauche en entreprise de publics en insertion. Des points que Pierre Langlade, président de la Fédération Coorace, veut voir contractualisées par les partenaires sociaux : « Si l’État se contente d’impulser, la portée sera limité. Aussi faut-il un accord national interprofessionnel (ANI) et des engagements fermes des branches professionnelles pour l'insertion de ces personnes. »

Repères

141 500 personnes sans domicile en France métropolitaine en 2012, selon l'Insee.

Plus d’un million de demandeurs d’emploi de longue durée, inscrits au Pôle Emploi en catégorie A (sans activité) en continu depuis au moins douze mois, fin 2013.

55 504 bénéficiaires du Dalo restaient à reloger au 30 juin 2014 (rapport Igas).

Publié dans le magazine Direction[s] N° 129 - mars 2015






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