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Exclusion
« La reconnaissance ne peut pas être que symbolique »

22/04/2020

Les acteurs de la lutte contre l’exclusion ne bénéficient pas du même soutien que les autres, selon le directeur de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS), Florent Guéguen. Qui tire déjà de premiers enseignements de l'épidémie de coronavirus.

Comment le secteur fait-il face ?

Florent Gueguen. Jusqu’ici, il tient le choc. Avec la sidération des premiers jours, on a certes assisté à la fermeture de services de première ligne (accueils de jour, plateformes de premier accueil d’asile…) due notamment au retrait de salariés et de bénévoles âgés. Mais depuis, la situation s’est améliorée, en particulier dans les centres de distribution alimentaire qui ont peu à peu rouvert. Du côté de l’hébergement, la majorité des structures a continué, voire renforcé, ses activités. En clair, dans ce pays, aux côtés des acteurs du sanitaire, ceux du privé non lucratif ont assuré la protection des plus démunis. C’est une fierté, mais aussi une première leçon : celle de la reconnaissance due aux professionnels, qui ne peut être seulement symbolique. Nous militons donc pour le versement d’une prime, que l’État doit totalement prendre en charge. Car tout cela n’est possible que grâce au dévouement et au militantisme des travailleurs sociaux, pourtant confrontés à de nombreuses difficultés.

Comment réussissent-ils à organiser l’activité ?

F. G. C’est compliqué, même si, à ma connaissance, aucun centre d’hébergement n’a fermé. Toutefois, beaucoup ont dû suspendre des activités, les structures fonctionnant avec 30 à 40 % d’effectifs en moins. Parce que des personnels sont malades (ou à risques) ou qu’ils doivent garder leurs enfants, le secteur ne bénéficiant pas du système de garde mis en place pour le sanitaire (même si, ici et là, quelques préfets l’ont étendu à leur intention). Enfin, reste le plus problématique, en particulier en hébergement collectif : l’absence de matériels de protection, source de tensions. À ce jour, les masques chirurgicaux commandés par l’État ne parviennent pas au champ Accueil-Hébergement Insertion (AHI) qui n’est toujours pas considéré comme prioritaire. Si les associations réussissent à s’en procurer en petites quantités, la question de la protection des salariés et des bénévoles reste entière.

Les gestionnaires en sortiront-ils financièrement indemnes ?

F. G. C’est un vrai sujet. Nous avons obtenu la sanctuarisation des financements pour les activités tarifées ou subventionnées, y compris celles qui ont dû être arrêtées. Pour autant, nous sommes en train de chiffrer les surcoûts liés à la crise, que l’État doit absorber (intérim pour remplacer les absents, matériel de protection, équipement informatique, alimentation…). Des consignes nationales sont nécessaires pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté quand les structures iront demain négocier leur budget. Car ces dépenses auront un impact sur les prix de journée. C’est pourquoi nous réclamons aussi, pour 2020 et 2021, la suspension des tarifs plafonds, mécanique insoutenable dans ce contexte.

La crise a-t-elle aussi été l’occasion d’obtenir des avancées sur lesquelles capitaliser ?

F. G. En effet. Elle a d’abord permis l’émergence de nouveaux partenariats avec le sanitaire, le contexte ayant révélé les carences existant sur la prévention, le dépistage et l’accès aux soins des sans domicile. Une fois passée l’épidémie, il serait nécessaire de préserver la plus-value qu’offrent les 88 centres spécialisés ouverts pour les SDF avérés Covid + ne nécessitant pas d’hospitalisation. En les transformant, par exemple, en lits LHSS-LAM afin de renforcer l’offre d’hébergement médicalisé pour les malades chroniques ? Même chose pour les équipes mobiles sanitaires déployées par les agences régionales de santé (ARS) : leur pérennisation à terme renforcerait l’accompagnement des personnes à la rue, hébergées ou en logement accompagné. Autre avancée notable, la mobilisation de l’État en matière d’hébergement. Outre la prolongation, à notre demande, de la trêve qui a permis le maintien des places hivernales et le report des expulsions, il a été volontariste sur la réquisition de places en hôtel – 9 500 mi-avril. Cet effort a permis de résorber la crise de l’hébergement des familles à Paris, prouvant ainsi qu’il n’y a pas de fatalité au sans-abrisme ! Reste les hommes seuls isolés, toujours source d’inquiétudes : cumulant les problématiques, ils restent les plus difficiles à accompagner et pourtant les plus en danger aujourd’hui. Il nous faut réfléchir à des solutions nouvelles avec le ministère qui réunit les fédérations deux fois par semaine.

Les dispositifs d’aide alimentaire ne sont-ils pas une première réponse pour ce public ?

F. G. Le déploiement des chèques-services est un bon outil, mais le volume est trop faible vu les besoins. En outre, la question alimentaire devient prégnante aussi pour les familles des classes populaires, faute d’accès à la cantine et en raison des baisses de revenus liées à la perte d’activité. Si l’aide exceptionnelle de solidarité, débloquée par le gouvernement mi-mai, est bienvenue, elle est aussi trop modeste : 150 euros pour une personne seule censés couvrir les besoins de deux mois de confinement ! Son montant doit être revu et le soutien prolongé. D’autant que de trop nombreux publics en sont évincés (allocataires de l’Aspa, de l’AAH, 18-25 ans…). Enfin, cette mesure ne doit pas nous exonérer d’une réflexion sur la revalorisation des minima sociaux, RSA en tête.

Propos recueillis par Gladys Lepasteur






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