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Cpom
Sur la touche

23/04/2025

La discussion sur l’avenir du contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens pour les Ehpad doit être l’occasion de le repenser pour tout le secteur, plaident les acteurs. Un même souhait : sortir de la standardisation et lui redonner son rôle dans le dialogue de gestion.

« Escroquerie », « usine à gaz », « bonne blague »… À lire les commentaires laissés à la suite de notre sondage (ci-contre) sur le contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (Cpom), celui-ci ne semble plus avoir beaucoup de supporters. Il rencontre même de sérieux adversaires, y compris les agences régionales de santé (ARS). Face à « un processus de négociation et d’adoption lourd et complexe », ces dernières demandent sa suppression pour les Ehpad, résume la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS). Qui a sifflé la mi-temps, soit une pause dans les signatures et l'ouverture de discussions sur son avenir avec les représentants du grand âge et les conseils départementaux. Dix ans après la loi actant le remplacement progressif des conventions tripartites, le sort des Cpom en Ehpad est scruté par l'ensemble du secteur. Premiers à l'avoir expérimenté, ces établissements seront-ils les premiers à tester une nouvelle forme de dialogue de gestion ? « On observe un coup d’arrêt global des négociations, beaucoup de gestionnaires sont dans l'attente », confirme la consultante et formatrice Alicia Renaux.

Sous le feu des critiques

Pourquoi cette remise en cause dans les Ehpad ? Le retard accumulé dans les signatures, initialement prévues jusqu'au 31 décembre 2021, est éloquent. Malgré son caractère obligatoire, le taux de « Cpomisation » ne dépassait pas les 40 % en 2022. La même année, la commission des Affaires sociales du Sénat réaffirmait ses constats [1], formulés en 2018 : manque de moyens humains dédiés à la contractualisation, inadéquation des modalités de financement avec la pluriannualité, impact limité sur la recomposition de l’offre… Déjà en 2024, l’administration indiquait son souhait de retravailler la démarche et décalait la fin des signatures à décembre 2026.

Les trois options sur la table désormais ? Suppression, simplification en maintenant l’obligation ou simplification en les rendant optionnels. « Nous sommes attentifs aux positions des différentes parties. Les fédérations ont exprimé leur opposition à la suppression », précise la DGCS. Le Cpom a donc encore des défenseurs. « Nous avons interrogé notre réseau et avons été assez surpris : il y a un vrai attachement à l’outil qui permet un temps de discussion avec les tutelles, témoigne Annabelle Vêques, directrice générale de la fédération Fnadepa. Mais quand on creuse, on s’aperçoit que l’avis des gestionnaires dépend des territoires. » Une ambivalence que confirme Alicia Renaux : « Toutes les ARS et tous les conseils départementaux n’ont pas la même approche. En outre, l’outil est lourd à mettre en place. Mais si l’on s’en empare, il peut devenir un véritable levier de priorisation budgétaire et de dialogue stratégique avec les financeurs. » 

« Mes plus belles années »

Les fédérations patronales comme Nexem et la Fehap en sont convaincues, tout en regrettant une procédure de plus en plus standardisée et descendante. « Nous avons de moins en moins de libertés. En donnant aux autorités la possibilité de reprendre les excédents, les pouvoirs publics sont revenus sur la logique de libre affectation des résultats. Tout le travail fait pour dégager des marges de manœuvre a été mis à mal. On navigue à vue avec une annualité budgétaire », déplore Marie Aboussa, directrice du pôle Offre sociale et médico-sociale de Nexem.

Une évolution qui dépasse le seul champ des Ehpad. Dans l’accueil, hébergement, insertion (AHI), « la démarche a été accompagnée au début, puis le Covid et la guerre en Ukraine sont passés par là. Ce n’était plus la priorité et le “M” de Cpom a disparu. La pluriannualité n’est plus au rendez-vous avec une loi de finances rectificative qui vient boucher les trous par-ci par-là », tacle Emmanuel Bougras, responsable du service Stratégie de la Fédération des acteurs de solidarité (FAS).

Sur le terrain de l’aide à domicile, même constat. « En 2012, j’ai été l’un des premiers à signer. Le principe était d’adapter la qualité et la quantité de l’accompagnement aux besoins du territoire, raconte Dominique Villa, directeur général de l’association Aid’Aisne. C’était un vrai contrat entre deux acteurs voulant porter une action. » Autre avantage alors ? L’autonomie dans l’affectation des moyens. « Cela représente mes plus belles années de travail : ce Cpom nous a permis de créer une des premières expériences de baluchonnage en France », illustre-t-il encore. Avant de sortir le carton rouge : « Aujourd’hui, on ne réfléchit plus que par appel à projets. Nous devons faire avec l’enveloppe donnée. La règle a été détournée en partant du financement et en inscrivant des obligations que les structures ne peuvent pas tenir. C’est devenu un jeu de dupes. »

Redonner du sens

À qui la faute ? « En même temps que l’on a généralisé la démarche, on a complexifié son cadre », s’agace Jean-Pierre Hardy, qui fut à la tête du bureau de la réglementation financière et comptable de l’ex-Direction générale de l'action sociale. Celui qui se présente comme le « père des Cpom médico-sociaux » tient à revenir sur l’objectif de simplification initial : « La liberté de gestion et la souplesseFace à la multiplication des structures, nous avions prévu qu’il soit pluri-établissement, par pôle. Notre but était de permettre de mutualiser des moyens et des personnels.» Puis « le goudron est venu gâcher le baril de miel ». À savoir ? L’état prévisionnel des recettes et des dépenses qui impose un budget par établissement historique, la reprise des excédents, sans compter, pour les Ehpad, « une dizaine d’annexes qui mélangent les anciennes et nouvelles réglementations ».

La majorité des acteurs plaident donc pour un retour aux sources. « À l’essence même de la démarche : qu’est ce qui fait qu'on conventionne ensemble ? Cela témoigne aussi du rapport de confiance qui n’existe plus. Il faut se remettre autour de la table et bâtir quelque chose avec une âme », prône Dominique Villa. « Et de simple ! » insistent de concert Annabelle Vêques et Emmanuel Bougras, pour ne plus avoir à renseigner « 50 fois les mêmes informations » dans des tableaux Excel, ni cumuler les indicateurs obligatoires.

Faciliter la fongibilité

Autre impératif pour les acteurs : réintroduire une vraie fongibilité. Une tactique engagée dans l’AHI, assure la délégation interministérielle dédiée, la Dihal. « Depuis l’arrêt des tarifs plafonds en 2022, la démarche de contractualisation des centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) fait l’objet d’une nouvelle dynamique », affirme Simon Mathivet, chef de projet à la mission Pilotage et transformation de l'hébergement. Chiffres à l’appui : si en 2023, la démarche ne concernait que 37 % des gestionnaires, au 31 décembre 2024, ils étaient 45 % à être passés à l’action. Outre « l’organisation de formations pour diffuser la culture de la contractualisation, nous avons eu la chance de pouvoir l’articuler avec le Logement d’abord. Le Cpom a rempli son rôle en permettant aux gestionnaires de proposer, grâce à leur expertise, des projets et des modalités d’action au service de cette politique », explicite Simon Mathivet. L’autre ouverture en perspective est la réforme de la tarification et du pilotage envisagée pour 2026. « Il s’agit d’outiller les gestionnaires pour mieux suivre leur santé financière. Dans ce cadre, les travaux ont très vite posé le Cpom comme incontournable », développe Léonore Belghiti, sous-directrice du Pilotage et de la transformation du parc de l’hébergement. La réforme s’accompagnera ainsi d’un contrat « nouvelle génération » facilitant la libre affectation des résultats et la fongibilité budgétaire qui concernera aussi les dispositifs annexes intégrés aux contrats (accueil de jour, veille sociale, logement adapté). Avec, en appui, de nouveaux indicateurs harmonisés.

Une discussion à tiroirs

Et pour les autres champs ? Une mission de simplification a été confiée à l’Agence nationale de l’appui à la performance. « Nous avons eu de premiers retours positifs des quelques gestionnaires qui ont testé la démarche recentrée proposée », rapporte Annabelle Vêques. Quand d’autres, comme Marie Aboussa, jugent cette version « beaucoup trop normalisée » : « Il faut un équilibre entre ce qui relève de la politique des gestionnaires et de celle de la transformation de l'offre sur un territoire. » Nexem comme la Fehap plaident aussi pour que la discussion englobe d'autres sujets, comme celui des autorisations de frais de siège des associations dont la temporalité gagnerait à être synchronisée sur celle des contrats. « Il faut des clauses pour faire face aux dépenses imprévues comme le Ségur, ajoute Marie Aboussa. Le taux d'évolution des enveloppes a été réduit à la portion congrue, mais la mise en œuvre des évolutions législatives et réglementaires est opposable aux établissements. » Dans son viseur également, les coupes Pathos, « trop chronophages ». « C'est l'occasion de rendre tout plus fluide », argumente la responsable.

Sans raisonner en silo. « Il y a une vraie inquiétude des gestionnaires multiactivités. Nous sommes tous dans la même barque avec cet outil », souligne Annabelle Vêques. Jusqu’à créer un cadre unifié pour le secteur des personnes âgées et handicapées, comme le demande la Fehap ? « Les limites du Cpom y sont les mêmes. De grandes réformes tarifaires sont dans l’air : celle des CHRS, Serafin-PH, la fusion des sections soins et dépendance dans les Ehpad. Il est important de mettre toutes les briques au bon endroit », observe Marie Aboussa. Attentive aux « répercussions multiples » que pourrait avoir l'option retenue pour les Ehpad, la DGCS doit rendre son arbitrage avant la fin d’année.

[1] Le contrôle des Ehpad, rapport d’information n° 771 (2021-2022), 12 juillet 2022

Laura Taillandier

Publié dans le magazine Direction[s] N° 241 - mai 2025






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