« L’invitation au voyage ou l’évaluation reformulée : carnets d’un pèlerin »
Ici, ce n’est pas le voyageur qui décide de sa destination, c’est l’auberge qui choisit le visiteur. Jamais ne l’on sait quelle contrée nous accueille, ni quel paysage, à nos yeux, s’offrira. Certes, nous avons étudier divers manuscrits nous délivrant quelques secrets sur le gîte exploré. Mais rien de vivant, qui puisse vraiment nous donner à voir ce qui nous attend. L’énigme, à chaque port, se réitère à l’identique et nous laisse candide, incertain, prudent et impatient dans l’attente de découvrir cette adresse inconnue.
Les autochtones nous accueillent en leur royaume et nous livrent les figures de leur fière culture. Nous n’osons déranger leur bel ordonnancement et, par une maïeutique que l’on souhaite féconde, nous laissons à nos hôtes et à ceux qu’ils accueillent le soin de nous narrer ce qu’ils invoquent, ce qu’ils conçoivent, ce qu’ils inventent, les techniques qu’ils maîtrisent, les outils qu’ils développent, les expériences vécues, les succès remportés.
Nous apprenons leur grammaire et découvrons leur syntaxe pour que les liens que nous tissons ne soient pas convenus mais illustrent scrupuleusement l’identité du terroir. Nous disséquons leurs coutumes pour que sur le temps compté de ce précieux séjour nos connaissances cumulées évitent les chimères d’une vision binaire.
L’aventure n’est aboutie qu’à la condition de sa méticulosité. Le dessein n’est légitime qu’au motif de sa rectitude. La précision du jugement impose la nuance.
Sur ces instants intangibles et en ces lieux investis, les pèlerins que nous sommes n’ont point besoin de scruter l’horizon, de convoquer les oracles. C’est ici et maintenant qu’il convient de partager une tranche de vie, de croiser nos regards, de décrypter les dialogues, les silences, les sourires pour qu’émerge, in fine, une lecture ciselée de ces rivages auscultés.
À chaque étape, l’accueil est empathique même si l’habitant de cette terre ne sait rien du quidam qu’il va recevoir. Mais nous vivons sur la même sphère, ensemençons les mêmes aires, épousons les mêmes causes pour que ce colloque prenne sens, nous apprenne de l’autre et dessine de nouveaux métissages.
Ainsi, la maison s’ouvre devant nous pour que l’on puisse explorer chaque espace, percevoir chaque arôme, discerner chaque bruit. La crainte réciproque se dissipe pour qu’une confiance partagée nourrisse l’occurrence.
Alors, par touches délicates, ce monde investigué nous livre sa substance, ses angoisses, ses doutes, ses espoirs et ses prouesses. Ensemble, nous avons décrypter le domaine, ses recoins et son âme, ses élans, ses ombres et ses maux. Ensemble, nous avons cheminé avec discernement sur les sentes escarpées de l’expertise et de l’introspection jusqu’à ce que se dessine une image fidèle du refuge observé. Ensemble, nous avons esquissé des lignes de progrès, des sources de lumière.
Mais le temps consacré, doucement s’amenuise et sonne l’heure d’un ultime regard sur ces rives accortes. La sirène du bateau nous indique la fin de l’escale. Demain, le parchemin immaculé attendra que l’on conte, par le détail, chaque indice du périple achevé.