Toute personne condamnée définitivement pour certains crimes et délits mentionnés par le Code de l’action sociale et des familles (CASF) ne peut exploiter, diriger, exercer ou intervenir au sein d’un établissement, service ou lieux de vie et d’accueil régi par le CASF, l’article L. 2324-1 du Code de la santé publique ou les 1° et 2° de l’article L. 7231-1 du Code du travail. Si cette incapacité [1] s’applique à l’ensemble du secteur sanitaire, social et médico-social, ses modalités de vérification diffèrent selon le type de structure. Ainsi, la loi Bien-vieillir du 8 avril 2024 prévoit désormais que le contrôle des antécédents judiciaires, dans la protection de l’enfance et la petite enfance, se fera par le biais d’une attestation d’honorabilité [2].
Qui est visé ?
Cette démarche concerne l’ensemble des personnes intervenant ou souhaitant intervenir, à quelque titre que ce soit, dans les structures listées par l’article R. 133-1 du CASF [3]. Sont également visés les assistants maternels et familiaux ainsi que les personnes âgées d’au moins treize ans qui vivent à leur domicile (à l’exception de celles accueillies en application d’une mesure d’aide sociale à l’enfance).
Peu importe la durée de l’intervention et sa nature (bénévolat, CDI, CDD, stage, alternance, intérim…), les personnes concernées doivent transmettre cette attestation même si les fonctions occupées n’impliquent aucun contact avec le public accueilli. Pour l’obtenir, les intéressés doivent émettre une demande à l’administration via un portail dédié (honorabilite.social.gouv.fr). En pratique toutefois, et selon le ministère, il convient de considérer qu’une telle transmission n’est pas nécessaire pour les intervenants extérieurs ponctuels sans lien avec l’accompagnement ou l’accueil des enfants (livreurs, plombiers…).
Quand et comment contrôler ?
La possession et l’authenticité de cette attestation doivent être vérifiées par l’employeur avant toute intervention, puis tous les trois ans [4]. Du fait de la nouveauté de ce dispositif, toujours en cours déploiement, les employeurs ou responsables de structures ont un délai de six mois pour obtenir ce document à compter de l’entrée en vigueur des dispositions dans leur département [5].
Une fois l’attestation reçue, l’employeur ou le responsable d’établissement doit vérifier sa validité (elle doit être datée de moins de six mois), son authenticité et la conformité des informations qui y sont mentionnées en scannant le QR code y figurant ou via un formulaire disponible sur le portail dédié.
À noter. Dans le cadre du recours à l’intérim, c’est le responsable de l’entreprise de travail temporaire en sa qualité d’employeur qui doit contrôler l'attestation avant de placer l’intérimaire. Au début de chaque mission, le responsable de la structure d’intervention doit également demander l’attestation et vérifier son authenticité.
L’attestation d’honorabilité n’étant délivrée qu’en l’absence d’incapacité, la case « ne fait l’objet d’aucune incapacité d’exercice » y sera toujours cochée.
Attention. Ce document informe aussi d’une éventuelle mise en examen ou condamnation non définitive inscrite au fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (FIJAISV).
Si la seconde case « ne fait l’objet d’aucune mise en examen ou condamnation non définitive inscrite au FIJAISV » n’est pas cochée, l’employeur peut, même en l’absence d’incapacité, ne pas recruter la personne concernée ou, si elle est en poste, suspendre temporairement son activité jusqu’à la décision définitive de la juridiction compétente, en raison du risque pour la santé ou la sécurité des mineurs avec lesquels elle est en contact.
Par ailleurs, une attestation d’honorabilité devient caduque si la personne fait l’objet, après sa délivrance, d’une condamnation définitive entraînant incapacité d’exercice.
À noter. L’employeur conserve cette attestation pendant au maximum trois ans ou jusqu’à ce qu’il reçoive une nouvelle attestation.
Que faire en cas de refus de transmission ou de caducité ?
Une personne ne présentant pas d’attestation valide ne saurait être recrutée ou autorisée à intervenir. S’agissant des personnels en poste, l’article R. 133-9 du CASF prévoit que « le responsable de l’établissement […] peut suspendre l’activité de la personne concernée ».Cette suspension, s’entend, sauf volonté contraire, sans rémunération.
En pratique, il est conseillé d’interroger l’intéressé quant aux raisons de cette absence de transmission et de se rapprocher du conseil départemental pour s’assurer que la non-délivrance n’est pas due à l’existence d’antécédents judiciaires. Dans cette situation, comme le prévoit l’article R. 133-10 du CASF, lorsque la personne concernée ne peut pas présenter le document, le contrôle de ses antécédents judiciaires peut être effectué par le président du conseil départemental, lequel demandera la communication du bulletin n° 2 du casier judiciaire et des informations contenues dans le FIJAISV.
Il convient ensuite de considérer qu’en cas de caducité ou d’impossibilité de transmission en raison d’une condamnation pour un crime ou un délit visé par l’article L. 133-6 du CASF, il doit être mis fin à l’intervention de la personne. Dans le cas d’un salarié, le licenciement repose sur un motif sui generis dès lors que l’article L. 133-6 du CASF prévoit expressément que « lorsque l’incapacité est avérée et qu’il n’est pas possible de proposer un autre poste de travail n’impliquant aucun contact avec des personnes accueillies ou accompagnées dans l’un des dispositifs mentionnés audit I, il est mis fin au contrat de travail ou aux fonctions de la personne concernée ».
Reste à connaître la lecture qui sera celle du juge prud’homal quant à l’application de ce texte: il apparaît en effet contradictoire, ou à tout le moins très complexe, que l’employeur doive mettre en œuvre ce qui semble s’apparenter à une tentative préalable de reclassement, alors que conformément au premier alinéa du même texte, cette incapacité n’est pas limitée aux professionnels en contact avec les personnes accueillies.
Un tel licenciement serait alors justifié par une cause réelle et sérieuse et ne reposerait pas sur un motif disciplinaire. Le salarié aurait ainsi droit à une indemnité légale ou conventionnelle de licenciement, mais dès lors qu’il ne serait pas en mesure d’exécuter son préavis, aucune indemnité compensatrice de préavis ne lui serait due.
[1] CASF, article L. 133-6
[2] Arrêté du 8 juillet 2024
[3] Structures collectives dédiées à l’accueil des enfants en bas âge (crèches…), des enfants de l’aide sociale à l’enfance (foyers de l’enfance, maisons d’enfants à caractère social, lieux de vie et d’accueil, mesures d’action éducative à domicile et en milieu ouvert, et les structures mettant en œuvre des mesures d’évaluation de la situation des personnes se présentant comme mineures non accompagnés
[4] CASF, article R. 133-6
[5] Décret n° 2024-643 du 28 juin 2024, article 3 ; CASF, article R. 133-1 à R. 133-11
Hugo Blewett, avocat, Picard avocats
Vers une extension au champ de l’autonomie ?
Déployée en septembre 2024 dans six départements, l’attestation d’honorabilité concerne aujourd’hui les acteurs de la protection de l’enfance et de la petite enfance de vingt-neuf départements. Cette démarche doit être étendue à l’ensemble du territoire au deuxième trimestre 2025, précise la Direction générale de la cohésion sociale. Qui indique que fin avril 2025, plus de 156 000 personnes l’avaient demandé. « Parmi elles, 547 personnes se sont vues refuser sa délivrance en raison de condamnations », détaille l’administration. Qui informe : « Ensuite, l’objectif est d’étendre le dispositif aux professionnels et bénévoles accompagnant les personnes âgées et les personnes en situation de handicap. »
Aurélie Vion
Intégrer le contrôle de l’honorabilité aux procédures internes.
Il est conseillé d’intégrer ce contrôle des antécédents judiciaires à la procédure de recrutement, tout comme d’anticiper et de cadrer le contrôle régulier des attestations des professionnels en poste. Ainsi, il est opportun d’indiquer sur l’offre d’emploi qu’une attestation d’honorabilité devra être communiquée mais, également, de préciser dans le contrat de travail ou tout document encadrant l’intervention de la personne concernée, que ses fonctions sont conditionnées à son honorabilité au sens des dispositions de l’article L. 133-6 du CASF. S’agissant du contrôle, il est important d’adopter un système de rappel et de mettre en place une procédure de demande d’attestation auprès des intervenants ainsi qu’une procédure en cas d’incapacité.
H. B.
Publié dans le magazine Direction[s] N° 243 - juillet 2025