
Selon Noémie Lagueste, il faut savoir s’adapter pour convaincre les entreprises de financer des projets.
« Nous sommes un peu des pères ou mères Noël ! », résume Christophe Bougnot, directeur de la diversification des ressources et de la vie associative d’Hovia. Après une expérience conséquente à la Fondation OVE, il a rejoint l’association début 2024 et fait partie du comité de direction. Pour mener à bien sa mission, il doit connaître les besoins des établissements et services : « C’est un métier de siège mais qui nécessite de rester en contact avec le terrain, tout en ayant un pied à l’extérieur. » Le responsable de collecte doit aussi aider les structures dans leur ingénierie de projets, en particulier lorsqu’eux-mêmes veulent démarcher des acteurs privés. « Parce que les financements privés offrent des leviers pour tester de nouvelles solutions, nous contribuons à pousser plus loin les réflexions sur l’autonomie, l’inclusion, l’autodétermination, comme les services de recherche et développement des entreprises », ajoute-t-il. Tâche connexe :le suivi (budgétaire, de l’impact…) s’impose pour fidéliser les partenaires.
« Confiance et interconnaissance »
Pour que leurs actions s’inscrivent dans le temps, ces professionnels doivent donc assumer un rôle de passerelle avec le monde des entreprises en créant un lien durable pour que « confiance et interconnaissance » soient au cœur des partenariats, selon les termes de Noémie Lagueste, responsable du fonds de dotation Handicap agir ensemble de l’association parentale Adapeila (ex-Adapei de Loire-Atlantique).
Les professionnels qui exercent ces missions sont récemment apparus dans le secteur social et médico-social. Certaines associations demandent d’ailleurs encore une phase « d’acculturation », explique Sandra Gardelle, directrice Communication et collecte à la Fondation des Amis de l’atelier. Ainsi, il n’existe pas de parcours-type ni de diplôme spécifique. Écoles de commerce, cursus de marketing et communication, sont les plus fréquemment évoqués. Et les échanges entre pairs, ou le soutien apporté par des collectifs (comme l’Association française des fundraisers ou France Générosités) permettent d’acquérir des compétences techniques et juridiques au fil de l’eau et au gré des besoins, pour bâtir une stratégie de legs ou pour décrocher des fonds européens, par exemple.
Sur la ligne de crête
Pour ce qui est des qualités indispensables, Caroline Pineau, responsable du mécénat au Gapas, résume : « Il convient d’être commercial, sans l’être. » Une ligne de crête incontournable puisqu’il s’agit de convaincre de l’utilité de ce que fait l’association, du caractère innovant d’un projet, de son insertion dans un territoire… Et pour cela d’écouter les partenaires et de s’adapter à eux, insiste Noémie Lagueste. Il convient aussi de savoir écrire, contextualiser, anticiper l’impact et le budget, indiquent les professionnels. Et de mobiliser son réseau, y compris personnel, conseille Clara Sitruk, directrice de la fondation Paralysie cérébrale France, spécialisée dans la collecte de fonds au bénéfice de la recherche. Tous le disent, la persévérance est de mise : « Un projet qui aboutit rapidement demande quatre à cinq mois, mais souvent il faut compter un an ou un an et demi », illustre Christophe Bougnot.
Bien souvent seuls à exercer leurs fonctions au sein des associations, les professionnels interrogés ne se plaignent pas d’isolement pour autant. Ils se disent fiers de valoriser le travail de leurs collègues ou d’avoir sous les yeux le fruit de leurs collectes. À l’image de Sandra Gardelle qui, de son bureau, voit partir des travailleurs d’Esat au volant de voitures sans permis ainsi financées. Même si les rencontres directes se raréfient, tous insistent : les temps informels, et la rencontre entre salariés des entreprises et bénéficiaires des associations, contribuent à un partenariat durable.
Bien que récent, le métier évolue déjà. Notamment parce que les appels à projets se multiplient. Mais aussi parce que porter des initiatives à plusieurs devient plus fréquent, de même que le plurifinancement par les acteurs privés.
Sophie Massieu
Point de vue
Myriam Garing, directrice générale de transition association Hovia
« Dans un cadre financier contraint, les responsables de collecte ouvrent sur l’extérieur. Cela offre des possibilités de rêver. Ils permettent de lever le nez du guidon et de faire le pont entre deux cultures : celle du secteur et celle des entreprises. L’une des qualités premières tient donc à l’envie de tricoter ces deux mondes. Pour ouvrir une fenêtre sur la société, dont on a parfois tendance à oublier qu’elle est riche de possibilités. »
Publié dans le magazine Direction[s] N° 245 - octobre 2025