
Le salarié absent peut justifier d’un « motif légitime » qu’apprécierait le conseil prud’homal.
Parmi les légendes urbaines du droit du travail, l’absence de prise en charge du salarié par France Travail après un abandon de poste tient encore aujourd’hui une bonne place. S’il fallait toujours s’en convaincre, le législateur est intervenu en 2022 pour créer une toute nouvelle procédure, la démission présumée [1] qui, elle, ne laisse aucune place à la légende quant à l’absence de prise en charge. Ainsi, comment traiter l’abandon de poste du salarié ?
1) La démission présumée
Cette procédure implique un abandon de poste du salarié (sans condition de délai), une mise en demeure de justifier l’absence et de reprendre son poste, le tout sous un délai minimal de quinze jours [2]. Pendant ce délai, le salarié mis en demeure par lettre recommandée peut se prévaloir d’un « motif légitime » faisant obstacle à la présomption de démission. Passé ce délai et à défaut de réponse ou de motif légitime, le salarié sera présumé démissionnaire et sortira des effectifs.
Mais il existe plusieurs zones d’ombre. Le salarié à la possibilité de justifier d’un motif légitime puis de saisir le conseil de prud’hommes en cas de maintien de la démarche selon une procédure accélérée (délai d’audience d’un mois directement devant le bureau de jugement). Le motif légitime sera ainsi laissé à l’appréciation de la juridiction prud’homale avec un aléa certain.
On constate aujourd’hui encore peu de contentieux sur ce thème. Toutefois, des salariés pourraient user de cette stratégie notamment dans l’hypothèse d’une inaction de l’employeur face à une situation de harcèlement moral ou d’une souffrance au travail. Cela lui permettrait notamment d’optimiser la procédure prud’homale en gagnant un temps certain.
Par ailleurs, si la lettre du texte semble dénuée de toute ambiguïté, se pose la question de la temporalité de cette justification par le salarié. Pourrait-elle intervenir et surtout être prise en compte par un conseil de prud’hommes passé le délai de quinze jours ? Seule une décision de la Cour de cassation pourra mettre un terme à cette incertitude tout comme les contours du motif légitime. Ces quelques zones d’ombre sont certainement à l’origine d’une frilosité des directions face à cette procédure.
2) Un licenciement disciplinaire est-il toujours possible ?
La procédure en démission présumée est-elle exclusive de toute autre procédure ? Le ministère du Travail avait initialement indiqué une telle position dans une foire aux questions… modifiée depuis sur ce sujet. Saisi notamment sur ce point, le Conseil d’État n’a pas eu à statuer sur cette demande [3]. La rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur demeure ainsi ouverte jusqu’au prochain épisode…
À noter. La question de la prescription de la faute ne se pose pas puisque chaque jour d’absence supplémentaire déclenche un nouveau délai de prescription de deux mois. Il s’agit ici d’un cas de faute « continue ».
Attention ! Abandon de poste ne rime pas nécessairement avec faute grave… même si, face à l’instrumentalisation de cette situation par le salarié, l’employeur sera tenté par un tel motif. En effet, il sera difficilement justifiable de verser une indemnité de licenciement (parfois conséquente selon la convention collective applicable et l’ancienneté du salarié) à un professionnel se trouvant en situation d’abandon de poste.
3) Maintenir la situation en l’état ?
Dernière option, le statu quo, c’est-à-dire laisser la relation contractuelle perdurer sans maintenir le salaire… en attendant une éventuelle démission. Attention toutefois à cette stratégie « passive » : le lien contractuel étant toujours présent, se pose la question notamment des cotisations pour la mutuelle et la prévoyance. De même, l’employeur pourrait être confronté à une demande d’injonction de payer émanant d’un créancier.
[1] Code du travail, article L. 1237-1-1
[2] Code du travail, article R. 1237-13
[3] Conseil d’État 18 décembre 2024, arrêt n° 473640
Stéphane Picard, avocat, fondateur de Picard avocats
Congés payés et ancienneté : quels impacts ?
- Les employeurs peuvent se rassurer : l’absence injustifiée ne génère pas de congés payés en application de la loi du 30 avril 2025, dite Daddue [1] ;
- De même, sous réserve de dispositions conventionnelles plus favorables, les périodes d’absence injustifiée sont décomptées de l’ancienneté du salarié.
[1] Loi n° 2025-391 du 30 avril 2025 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes
Publié dans le magazine Direction[s] N° 245 - octobre 2025