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Droit du travail
Congés et maladie : quelles nouveautés RH ?

03/12/2025

Deux revirements de jurisprudence concernent les employeurs en matière de report des congés d’un salarié en cas d’arrêt maladie dûment notifié et en matière d’heures supplémentaires. Éclairage et préconisations sur les nouvelles pratiques à adopter.

La Cour de cassation confirme que les arrêts de travail visent à se rétablir d’une maladie.

Deux ans après les retentissants arrêts rendus à propos de l’acquisition des congés payés (CP) pendant un arrêt maladie [1], la chambre sociale de la Cour de cassation remet le couvert avec deux nouvelles décisions impactantes en matière de report de congés et d’heures supplémentaires. En parallèle, la mise en œuvre de la loi dite DDADUE [2] du 22 avril 2024 suscite encore des interrogations [3].

1) Une nouvelle règle de report immédiatement applicable, mais non rétroactive

Jusqu’alors, sauf règle interne plus favorable, la maladie du salarié survenant pendant ses congés était sans impact : si le salarié se voyait prescrire un arrêt de travail, celui-ci ne prenait effet qu’à l’issue de la période de congé. Une fois n’est pas coutume, pour la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), ce principe applicable en droit français n’est pas conforme au droit de l’Union dans la mesure où le congé payé a pour but de permettre au travailleur de se reposer et de disposer d’une période de détente et de loisirs, tandis que l’arrêt de travail permet de se rétablir d’une maladie [4].

Prenant acte de cette jurisprudence européenne, la Cour de cassation est donc venue opérer un revirement de jurisprudence en jugeant que désormais, « le salarié en situation d’arrêt de travail pour cause de maladie survenue durant la période de congé annuel payé a le droit de bénéficier ultérieurement des jours de congé payé coïncidant avec la période d’arrêt de travail pour maladie » [5].

À noter. La Cour de cassation pose une condition : l’arrêt de travail doit avoir été notifié par le salarié à son employeur. Ce garde-fou – certes léger – permet de se prémunir de demandes de rappels de congés payés à titre rétroactif. La Cour de cassation ne s’étend pas sur le délai d’une telle notification mais en pratique, nombre de conventions collectives et de règlements intérieurs prévoient un délai de 48 heures.

En pratique, il conviendra d’appliquer les règles d’information et de report posées par la loi dite DDADUE et inscrites au sein des articles L. 3141-19-1 à L. 3141-19-3 du Code du travail. Concrètement, une fois que l’employeur se voit notifier l’arrêt de travail ?

  • La période de CP est suspendue et le régime de l’arrêt maladie s’applique avec, le cas échéant, ses règles de maintien de salaire. Un salarié ne bénéficiant pas de dispositions conventionnelles favorables en la matière (comme il en existe au sein des conventions collectives du 31 octobre 1951 ou du 15 mars 1966, par exemple) pourrait se trouver en période de carence et donc sans indemnisation pendant plusieurs jours.
  • Si la durée de l’arrêt de travail est inférieure au nombre de congés qui avaient été posés, le régime des CP devrait logiquement reprendre le relais à l’issue de l’arrêt et jusqu’à la reprise du travail prévue. Seuls les congés coïncidant avec l’arrêt maladie seront alors reportés.
  • Lorsque le salarié reprend le travail, celui-ci doit être informé dans le mois qui suit du nombre de jours de CP dont il dispose et de la date jusqu’à laquelle ils peuvent être pris [6].
  • Si l’arrêt de travail se prolonge et que le salarié n’est pas en mesure de poser ses CP avant la fin de la période de référence concernée, il bénéficie d’un report de quinze mois afin de pouvoir les utiliser [7]. Dans ce cas, lors de la reprise du travail, la période de report (si et seulement si elle n’a pas expiré) est suspendue jusqu’à ce que le salarié ait reçu les informations sur son droit à congé.

2) Une mise à jour pour le décompte hebdomadaire des heures supplémentaires

En droit français, le calcul des heures supplémentaires ne tient compte que du temps de travail effectivement réalisé par le salarié [8] : ainsi, les jours de CP sont exclus de ce décompte. Concrètement, la période de congé est rémunérée via l’indemnité de CP mais ne donne lieu à aucun droit en matière d’heures supplémentaires.

Prenons l’exemple d’un salarié à 35 heures travaillant 7 heures par jour du lundi au vendredi : s’il est en congé du lundi au mercredi et qu’il travaille 10 heures le jeudi et le vendredi, les 6 heures effectuées en plus seront bien rémunérées en sus de son salaire habituel, mais elles ne seront pas majorées comme le seraient des heures supplémentaires.

La difficulté est que pour la CJUE [9], toute mesure susceptible de dissuader un salarié de prendre ses CP est prohibée, notamment lorsque la prise de congé lui crée un désavantage financier [10] : c’est le cas, selon cette juridiction, lorsque les heures correspondant à la période de congé ne sont pas prises en compte dans le décompte des heures supplémentaires [11].

Là encore, la Cour de cassation opère donc un revirement de jurisprudence pour se conformer à cette lecture du droit de l’UE : le salarié doit désormais bénéficier des majorations pour heures supplémentaires qu’il aurait perçues s’il avait travaillé durant toute la semaine [12].

Important ! La Cour de cassation prend le soin de viser uniquement l’hypothèse de « la détermination du seuil de déclenchement des heures supplémentaires applicable à un salarié, soumis à un décompte hebdomadaire de la durée du travail ».

D’ailleurs, dans la notice jointe à cet arrêt, la Cour précise que « la solution dégagée reste circonscrite au décompte hebdomadaire de la durée du travail qui était appliqué dans l’espèce » et « ne préjuge pas de la solution quant aux autres modes de décompte de la durée du travail ». Or, nombre de salariés sont soumis à des modalités d’aménagement plurihebdomadaire du temps de travail (cycle, modulation, annualisation…). Par conséquent et dans l’attente d’éventuelles précisions jurisprudentielles ultérieures, en présence d’un tel mode d’organisation du temps de travail, il est préconisé de conserver les paramétrages actuels. Il convient toutefois d’être vigilant en présence d’arrêt(s) de travail au cours de période d’aménagement du temps de travail comportant des fluctuations d’activité (lire l’encadré).

Reste à savoir si la même position sera adoptée à l’égard des congés d’origine conventionnelle (tels que des congés trimestriels ou d’ancienneté). S’il convient d’attendre une confirmation jurisprudentielle, il est probable qu’elle aille en ce sens. En effet, la Cour de cassation, au visa du droit de l’UE, a déjà jugé à propos des congés trimestriels de la CCN 66 que la règle selon laquelle l’employeur doit prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé, et de justifier qu’il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement, s’applique aux congés d’origine conventionnelle [13]. En pratique d’ailleurs, en cas d’annualisation, de nombreux accords collectifs prévoient déjà un ajustement du seuil de déclenchement des heures supplémentaires, légalement fixé à 1 607 heures, en tenant compte des congés conventionnels applicables.

3) Articuler loi et dispositions conventionnelles plus favorables

Nombre de conventions et d’accords collectifs comportent des règles plus favorables en matière de CP que celles prévues par le Code du travail, même après entrée en vigueur de la loi DDADUE. Pour savoir quel régime appliquer – légal ou conventionnel – il convient de se référer au principe de faveur. La difficulté concerne la méthode de la comparaison à adopter : salarié par salarié ou objectivement pour tous ; par période d’arrêt de travail ou par période annuelle de référence ? Sur d’autres thématiques, la Cour de cassation a déjà eu l’occasion d’opter pour une comparaison individuelle plutôt que globale [14].

Dans un courrier du 20 mai 2025 porté à notre connaissance, la Direction générale du travail semble se positionner pour une comparaison par période annuelle d’acquisition et individuellement pour chaque salarié.

Concrètement, à la fin de chaque année d’acquisition des congés (le 31 mai s’il s’agit de la période de référence légale), il convient de faire une comparaison entre les congés que le salarié aurait acquis en application des dispositions conventionnelles uniquement et ceux qu’il aurait acquis en application uniquement de la loi, puis de retenir le plus favorable des deux calculs.

Enfin, notons que lors d’une audition devant le Sénat consacrée aux conséquences des arrêts du 10 septembre, le conseiller doyen de la chambre sociale de la Cour de cassation a indiqué que « nous avons terminé la mise en conformité de notre droit du travail national » en matière de congés payés. Reste à savoir si d’autres thématiques de non-conformité restent sur la table, notamment en matière de durée du travail…

Un seuil de déclenchement des heures supplémentaires revu à la baisse

La Cour de cassation considère qu’en présence d’un aménagement plurihebdomadaire du temps de travail comportant des fluctuations d’activité, il faut revoir à la baisse le seuil de déclenchement annuel des heures supplémentaires lorsque le salarié est en arrêt maladie en « période haute » – c’est-à-dire en semaine planifiée à plus de 35 heures – pour ne pas le pénaliser [1]. En revanche, rien n’est prévu lorsque le salarié est absent en « période basse ». La vigilance est donc de mise car, en pratique, nombre d’outils de suivi du temps de travail ne tiennent pas compte de cette règle, emportant un risque prud’homal mais également pénal en cas de contrôle de l’inspection du travail.

[1] Cass. soc. 13 juill. 2010, n° 08-44.550

Régularisations DDADUE : penser au « report-extinction »

Si la loi dite DDADUE du 22 avril 2024 met en œuvre le droit à l’acquisition de congés payés pendant un arrêt de travail, celle-ci encadre également les modalités de report et d’extinction des droits à congé ainsi acquis. Ces dispositions étant rétroactives, en cas de régularisation, il convient donc de bien vérifier la durée de chaque arrêt de travail – plus ou moins un an à la date d’expiration de la période d’acquisition des congés – et, le cas échéant, si le mécanisme de « report-extinction » trouve à s’appliquer. Attention, ce mécanisme ne concerne que les congés acquis pendant l’arrêt, et non ceux acquis avant.

[1] Lire Direction[s] n° 224, pp. 32-33

[2] Loi n° 2024-364 du 22 avril portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’UE

[3] Lire Direction[s] n° 231, pp. 30-31

[4] CJUE 20 janv. 2009, aff. jtes C-350/06 et C-520/06

[5] Cass. soc. 10 sept. 2025, n° 23-14.455

[6] C. trav., art. L. 3141-19-3 ; C. trav., art. L. 3141-19-1

[7] C. trav., art. L. 3121-28

[8] CJUE 6 nov. 2018, aff. C-619/16

[9] CJUE 22 mai 2014, aff. C-539/12

[10] CJUE 13 janv. 2022, aff. C-514/20

[11] Cass. soc. 10 sept. 2025, n° 23-14.455

[12] Cass. soc. 21 mars 2018, n° 16-25.427

[13] Cass. soc. 19 juin 2001, n° 98-44.926

[14] Cass. soc. 13 juil. 2010, n° 08-44.550

Cécile Noël, avocate associée, Picard avocats

Publié dans le magazine Direction[s] N° 247 - décembre 2025






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