
Selon Selim Bentounes, être tuteur référent permet de « découvrir un autre rapport au travail ».
En voiture ! Responsable du pôle Formation à l’institut de formation au travail éducatif et social de La Sauvegarde du Finistère, Marianne Elies convoque l’image du moniteur d’auto-école pour décrire les tuteurs référents (de personnes en stage long, en contrat de professionnalisation ou en promotion par alternance) comme les maîtres d’apprentissage. « Quand on apprend à conduire, on a un moniteur près de soi, présent dans les discours et dans les gestes », justifie-t-elle.
Fidéliser les talents
Face à la pénurie de main-d’œuvre dans le secteur social et médico-social, les employeurs ont recours aux stages et à l’alternance pour repérer et fidéliser les talents. Et ils sont d’ailleurs tenus de nommer un tuteur référent ou un maître d’apprentissage selon les situations, afin d’aider le nouveau venu à s’intégrer et à trouver son autonomie. Des missions qui réclament de l’énergie et du temps. Maître d’apprentissage, Selim Bentounes, éducateur spécialisé à la maison d’enfants à caractère social de l’association Marie-de-Luze à Bordeaux, confirme : « C’est une charge mentale supplémentaire pour que l’apprenti soit bien accueilli et reçoive les outils nécessaires à la construction de sa posture professionnelle. »
Compte tenu du surcroît de travail, Jean-Luc Gateau, directeur du dispositif institut thérapeutique, éducatif et pédagogique (Ditep) Millefleurs-Terre Neuvas (Gironde), ne fait appel qu’à des volontaires pour assurer ce rôle d’encadrant : « Nous demandons qui serait intéressé, en expliquant les attendus, les avantages et les inconvénients pour le salarié. »
Le maître d’apprentissage ou le tuteur référent, comme leurs collègues, bénéficient de la présence du nouveau venu. « Nous renouvelons nos logiciels, découvrons un autre rapport au travail, mais également des questionnements distincts des nôtres », se félicite Selim Bentounes.Cet enrichissement, comme la reconnaissance de leur expertise répond aux attentes des directions des établissements et services sociaux et médico-sociaux, « soucieux de voir les salariés expérimentés monter en compétences », observe Laurence Bordessoules, responsable de la formation Maître d’apprentissage/tuteur à l’institut régional du travail social (IRTS) Nouvelle-Aquitaine.
Une formation recommandée
Malgré le rôle crucial des tuteurs référents et des maîtres d’apprentissage, les textes n’exigent pas le versement systématique d’une prime. Et n’imposent pas explicitement le suivi d’une formation spécifique. L’article L. 6223-8 du Code du travail préconise que « l’employeur forme ses salariés désignés maîtres d’apprentissage », complète Yvane Sachet-Debrabant, formatrice prestataire de l’IRTS Hauts-de-France. Quant à l’encadrement d’alternants en contrat de professionnalisation, « l’employeur laisse au tuteur le temps nécessaire pour exercer ses fonctions et se former » (article D. 6325-8 du Code du travail).
Les formations proposées par différents organismes à ces fonctions sont nombreuses. Elles mettent notamment l’accent sur la communication. « L’encadrant doit rester le plus factuel possible, éviter la subjectivité et le jugement », souligne Séverine Charpentier, coordinatrice du service Formation continue à l’Institut de recherche et de formation à l’action sociale de l’Essonne. David Danan, formateur consultant indépendant, suggère « de ne pas dire : “J’ai l’impression que tu ne te remets pas en question ou que tu n’es pas motivé”, mais plutôt de constater que la personne n’a pas pris la parole au cours d’une réunion pour la deuxième fois ou est arrivée en retard à un entretien ». Des conseils qui doivent permettre aux salariés d’incarner au mieux leur rôle de « passeur ».
Timour Aggiouri
Point de vue
Christophe Leux, directeur du Ditep de l’Association pour l’orientation et la rééducation des enfants et des adolescents de la Gironde (Oreag)
« Les métiers d’éducateur et d’éducateur de jeunes enfants sont comme de l’artisanat : ils exigent une maîtrise de l’art. L’apprentissage est proche du compagnonnage, il s’agit d’apprendre un tour de main. Nous y avons davantage recours depuis l’augmentation des aides publiques en 2020, mais elles ont baissé pour les contrats signés à partir du 24 février 2025. Nous comptons à l’heure actuelle neuf apprentis sur les trois pôles de l’Oreag. Nous donnons toute latitude aux maîtres d’apprentissage pour encadrer les apprentis, en lien avec l’organisme de formation. Moi-même, je suis chaque année maître d’apprentissage d’un jeune en master 1 ou 2, que je forme au métier de directeur. Une façon aussi de rester connecté au terrain. »
Publié dans le magazine Direction[s] N° 243 - juillet 2025