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Financement de la sécurité sociale pour 2010
Un projet de loi en trompe l’œil

12/11/2009

Le PLFSS 2010 s'affiche volontariste. Toutefois, la restitution de crédits déjà alloués, mais non consommés, en réduit fortement sa portée.

Moins fourni que les années précédentes en mesures spécifiques pour le secteur social et médico-social, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2010 n'en recèle pas moins quelques surprises. Bien sûr, il est marqué par le contexte économique et la nécessaire réduction des déficits de l'assurance maladie. Malgré cela, le gouvernement entend faire montre d'un engagement très volontariste en faveur des « personnes fragiles ».

Alors que l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) global devrait progresser de manière modérée (+ 3 %, contre + 3,3 % en 2009), l'État affiche une hausse de l'enveloppe médico-sociale de 5,8 % (+ 6,3 % en 2009). Soit une contribution supplémentaire de l'assurance maladie annoncée à quelque 820 millions d'euros pour abonder l'objectif global de dépense (OGD) dédié aux établissements et services (1). Les ministres concernés ne manquent aucune occasion pour rappeler l'effort ainsi consenti par temps de crise.

Opération de rebasage

« En dépit de l'état dégradé de nos finances sociales, le gouvernement a tenu à maintenir l'effort important de solidarité qu'il a engagé envers les plus fragiles, comme en témoigne le taux de progression de l'Ondam médico-social », martelait Xavier Darcos, le ministre du Travail, le 20 octobre dernier lors de l'installation du conseil de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). En outre, il assurait, de concert avec Nadine Morano, secrétaire d'État à la Famille et à la Solidarité, et Nora Berra, en charge des Aînés, que les engagements présidentiels de création de places issus de la Conférence nationale du handicap du 10 juin 2008, du plan Autisme 2008-2010 ou encore du plan Alzheimer 2008-2012, seront tenus. Mais les représentants des professionnels et des usagers ne prennent pas ces annonces pour argent comptant. « Le taux affiché de progression de l'Ondam médico-social cache une opération de débasage de 150 millions d'euros pris sur l'OGD géré par la CNSA », éclaire Alain Villez, conseiller technique à l'Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (Uniopss). « Ce taux, qui doit être nuancé par les effets techniques de construction de l'OGD, est relativement important, mais il s'applique sur une somme réduite. Le secteur a déjà connu cette mésaventure en 2002... », rappelle également David Causse, coordonnateur du pôle santé social de la Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privés non lucratifs (Fehap). Nora Berra ne le cache pas. Si le PLFSS 2010 affiche un Ondam « personnes âgées » à 7 milliards d'euros, et une hausse officielle de 10,9 %, la secrétaire d'État donnait pour sa part devant le conseil de la CNSA un autre chiffre : + 9,1 %. Soit près de deux points de moins. « La décision du gouvernement concernant la restitution de 150 millions d'euros à l'assurance maladie est une décision juste et de bon sens », explique-t-elle. La raison invoquée ? La sous-consommation récurrente de l'OGD « personnes âgées », évaluée à 300 millions d'euros cette année. Ses origines sont connues : retards dans la médicalisation des structures et délais incompressibles entre l'autorisation et l'ouverture des places. Ce qui génère des excédents temporaires, mais très convoités, dans les caisses de la CNSA. Déjà en 2009, des crédits non consommés ont été réaffectés à l'aide à l'investissement, et les réserves ont été ponctionnées de 262 millions pour abonder l'OGD.

La CNSA, une banque ?

L'année 2010 marque donc un nouveau cap. La CNSA serait mise plus massivement à contribution. Le compte de résultat prévisionnel (2) de la Caisse pour 2010 présenterait « un déficit de 222 millions d'euros avant prélèvement sur réserves (constituées d'excédents) ». La CNSA financerait, sur ces réserves, une contribution supplémentaire à l'OGD « personnes âgées » de 56 millions d'euros et mettrait en œuvre un nouveau plan d'aide à l'investissement de 151 millions d'euros. Fin 2010, la section I dédiée au financement des établissements et services ne disposerait plus de fonds propres. La CNSA se retrouverait donc fragilisée au moment même où un projet de cinquième risque serait discuté...

L'indignation règne dans le secteur qui dénonce une pratique « punitive » pour les professionnels et les usagers, alors même que les crédits manquent sur le terrain, et manqueront dès 2010 pour financer ce qui a été programmé, mais non encore réalisé. « Le gouvernement propose aux parlementaires des crédits déjà votés et dont l'État a fait en sorte qu'ils ne soient pas dépensés », accuse même Pascal Champvert, président de l'AD-PA, association de directeurs. Pour Claudy Jarry, président de la Fédération nationale des associations de directeurs d’établissements et services pour personnes âgées (Fnadepa), « l'État n'honore pas sa dette auprès des départements et organise la pénurie, mais ce sont les professionnels et les usagers qui sont sanctionnés ». Car si la médicalisation a pris beaucoup de retard, c'est aussi parce que tous les conseils généraux ne sont pas résolument engagés dans la contractualisation, faute de moyens. L'ensemble des promesses gouvernementales seront-elles tenues ? « Vouloir soutenir tous les fronts ne sera pas tenable financièrement. Si les finances publiques sont contraintes, ne vaut-il pas mieux privilégier la reconduction des moyens et la médicalisation ? », questionne, réaliste, David Causse. « Nous serons très attentifs et nous demanderons des comptes à la CNSA sur le nombre de conventions tripartites deuxième génération signées », ajoute Virginie Hoareau, de la Fédération hospitalière de France (FHF).

Frais individuels intégrés

Côté handicap (Ondam 2010 à 7,9 milliards d'euros), le scepticisme règne aussi. «Le rythme de création de places est maintenu alors que la participation de l'assurance maladie accuse un sacré ralentissement (+ 1,7 %) et que de nouvelles dépenses se profilent pour les directeurs, comme l'évaluation externe, le diagnostic accessibilité...», égrène Patrice Tripoteau, directeur du pôle actions nationales à l'Association des paralysés de France (APF). Ou encore, pour les maisons d'accueil spécialisées (MAS) et les foyers d'accueil médicalisé (FAM), l'intégration dans leur budget d'exploitation des frais de transports des adultes accueillis de jour. C'est, en effet, la principale nouveauté de ce PLFSS. En contrepartie, les gestionnaires recevront un forfait (un transfert de 18 millions d'euros depuis l'enveloppe soins de ville est prévu). Une réponse partielle à la problématique selon les professionnels. « Cette mesure fait peser une nouvelle charge sur les structures sans s'assurer qu'elles en auront les moyens. Soit cela générera des déficits soit, pire, les établissements devront opérer des choix entre les usagers », craint Thierry Nouvel, directeur général de l'Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (Unapei). Qui propose un dispositif à double détente : « une dotation globale et forfaitaire dans les budgets des établissements et, en cas de non-couverture totale des frais individuels, une prise en charge des surcoûts par la prestation de compensation déplafonnée ».

De son côté, l'Union nationale des centres communaux et intercommunaux d'action sociale (Unccas) demande la suppression de l'article 18. « Il donne subrepticement un fondement législatif à une interprétation restrictive du régime des exonérations de cotisation retraite des agents des CCAS, qui ne concernerait plus que les agents sociaux », explique son directeur général, Daniel Zelinski. L'Unccas dénonce une distorsion de concurrence avec les associations et entreprises de services à la personne et est  prête à porter l'affaire devant la justice européenne.

Vouloir soutenir tous les fronts ne serait pas tenable financièrement.

 

(1) L'OGD comprend l'Ondam médico-social et la contribution de la CNSA sur ses recettes propres (2) Annexe 8 au PLFSS 2010
Noémie Gilliotte

Le PLFSS 2010 en chiffres

Personnes handicapées

5500 places nouvelles dont 500 pour enfants autistes, 100 pour enfants polyhandicapés, 150 pour ceux souffrant de déficience intellectuelle.

1800 places en maison d'accueil spécialisée (MAS) et en foyer d'accueil médicalisé (MAS), 1500 pour les services de soins infirmiers à domicile (Ssiad) et d'accompagnement médico-social (Samsah)

Personnes âgées

7500 places en établissement (Ehpad), 6000 places de Ssiad, 3300 places d'accueil de jour et d'hébergement temporaire, 740 pour les pôles et unités Alzheimer, 170 équipes mobiles. Médicalisation de 80 000 places.

 

La CNSA examine son budget le 17 novembre

Depuis le 20 octobre, la CNSA a un nouveau président : Francis Idrac, inspecteur général des finances, qui succède à Alain Cordier. Faute de personnalités qualifiées, le conseil de la Caisse ne s'était pas réuni depuis le 31 mars 2009. L'enjeu de la prochaine échéance est de taille : l'examen du budget prévisionnel 2010 de la Caisse, le 17 novembre. Alors que le PLFSS aura déjà achevé sa première lecture à l'Assemblée nationale et sera en cours d'examen par les sénateurs, les représentants du secteur entendront bien y voir plus clair sur la restitution de 150 millions d'euros à l'assurance maladie et sur les opérations de construction de l'Objectif globale de dépense (OGD).  Attendu également, le rapport conjoint des inspections générales des affaires sociales et des finances sur les raisons de la sous-consommation récurrente des crédits.






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