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Politique sociale départementale
De la dette à la diète ?

02/06/2010

Deux rapports confirment l’état d’asphyxie financière des départements face à l’explosion des dépenses sociales. À l’heure où l’État engage une politique de rigueur, les conseils généraux réclament - encore et toujours - la compensation financière des transferts de compétences.

La politique de la chaise vide pour exprimer sa colère. Comme au mois de janvier, l'Assemblée des départements de France (ADF) a boycotté, le 20 mai, la conférence nationale des déficits publics. Las de jouer les Cassandre, Claudy Lebreton, président de l'ADF a estimé inutile de se rendre à « une réunion pour laquelle tout a déjà été dit, et qui n'apportera pas de solution durable et pérenne qui réponde à l'étranglement financier des départements ». Une décision qui voulait faire entendre son « désaccord complet » avec les propositions du rapport du député (UMP) Gilles Carrez sur les finances des collectivités territoriales remis, lors de cette rencontre, au président de la République. Le gel des dépenses de l'État décidé par le Premier ministre pour les budgets 2011-2013 « impliquera la stabilisation en valeur des transferts financiers de l' État vers les collectivités territoriales, sans tenir compte de l'inflation », prévenait, noir sur blanc, le rapporteur de la commission des finances de l'Assemblée nationale. « Il semble difficile de considérer ces montants comme une aide généreusement "octroyée" par l' État aux collectivités locales. Il est donc difficile d'envisager d'en faire une variable de maîtrise des déficits de l'État », rétorquait l'ADF. Pourtant, c'est bien la voie choisie par le président de la République qui a annoncé, lors de la conférence, un gel « en valeur » des 50 milliards d'euros de dotation versés chaque année par l'État aux collectivités locales. Celles-ci devraient, par ailleurs, être « modulées selon des critères de bonne gestion pour encourager les collectivités locales » à faire des économies. Le gouvernement étudiera, en lien avec le Parlement et... les associations d'élus, les modalités que pourrait revêtir cette modulation. « La dynamique des dépenses sociales dans les départements ruraux, dont la base fiscale est limitée et à forte proportion de personnes âgées, doit être traitée par un renforcement de la péréquation. Elle sera examinée en priorité dans le cadre de la réforme de la dépendance », a également annoncé l'Élysée.

Effet de ciseaux 

Alors qu'ils réclament depuis plusieurs mois au gouvernement la compensation financière, à l'euro près, de la gestion de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), de la prestation de compensation du handicap (PCH) et du revenu de solidarité active (RSA, ex-RMI),  les présidents des conseils généraux voient d'un très mauvais œil ce tour de vis. « Il est normal que l'État applique aux collectivités locales la règle qu'il adopte pour ses propres dépenses », a justifié Nicolas Sarkozy. Un argument qui fait grincer des dents de nombreux élus locaux. « Fin 2009, l'État et ses administrations représentent près de 86 % de la dette publique, les administrations de sécurité sociale 3,6 % et les collectivités territoriales 10 % », se plaît à rappeler l'ADF. La pilule est d'autant plus difficile à avaler que le 22 avril dernier, lors de la remise du rapport de Pierre Jamet, directeur général des services du conseil général du Rhône, sur les finances départementales, le gouvernement avait fait – en partie – son mea culpa« L'État a une part de responsabilité dans la dérive de certaines dépenses locales, en fixant des normes excessives sans concertation avec les collectivités locales », avaient reconnu les services de Matignon dans un communiqué reprenant les propos tenus par le président de la République lors de... la première conférence sur les déficits publics en janvier.

C'est donc dans ce contexte tendu, que l'ADF a rencontré, le 1er juin, le Premier ministre, François Fillon. Au programme : un travail de concertation autour des 40 propositions formulées par Pierre Jamet. Une occasion pour les départements de revenir à la charge. Car le rapport qui sera au cœur de cette réflexion atteste – tout comme celui de Gilles Carrez – de l'asphyxie financière des départements et de l'urgence de la situation. Il pointe notamment « l'effet de ciseaux » entre l'augmentation des dépenses liées à l'APA, la PCH et le RSA et la non-compensation par l'État d'une part de plus en plus importante du financement de ces allocations individuelles de solidarité. « Ces trois prestations pèsent considérablement sur les budgets des départements, mais n'obéissent pas aux principes de décentralisation », souligne le rapport. Selon l'estimation de l'ADF, chaque année, le déficit de compensation sur ces trois prestations s'élève à plus de 5 milliards d'euros. « Si on continue à avoir des dépenses sociales qui augmentent de 8 % par an et des recettes qui n'évoluent que de 3 %, ce n'est pas tenable et il faudra se poser la question de comment les financer », a mis en garde Pierre Jamet.  Pour l'heure, à défaut de deniers, la réflexion se poursuit... Ainsi, s'agissant de l'APA, un groupe de travail de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie a été mandaté pour proposer des pistes d'évolution de l'attribution du concours de la Caisse et pour réévaluer la pertinence des critères retenus pour la ventilation de la dotation. « La fin du premier semestre 2010 va être cruciale », avertit le rapporteur. Qui ajoute « les difficultés ou tensions budgétaires en découlant font naître un sentiment d'impuissance, voire une véritable angoisse collective des décideurs, apeurés de ne pouvoir, à terme, remplir leurs obligations. Sentiment renforcé par l'impression de n'être compris et encore moins entendus ni par les administrations déconcentrées de l'État, ni par les administrations centrales. »

Bonnes pratiques

Si l'ADF n'a pas été particulièrement convaincue par les propositions du rapport Jamet, Matignon considère pour sa part  que ce document a vocation « à devenir une "boîte à outils" dans laquelle État et départements pourront trouver les moyens d'accroître l'efficacité de leurs interventions, à coûts maîtrisés ».  En effet, pour le rapporteur, certaines bonnes pratiques devraient permettre aux conseils généraux de dégager « des marges de progrès importants dans l'évaluation correcte des situations comme dans la gestion des différentes prestations, qu'elles soient rendues à domicile ou en établissements ». Au rang des préconisations : la généralisation des regroupements d'établissements et services médico-sociaux, « dans la mesure où la taille est un facteur discriminant en matière non seulement de coûts des prestations, mais aussi de pérennité du service ». Pierre Jamet recommande également de multiplier les partenariats entre services d'aide à domicile et établissements médico-sociaux « afin de faciliter les transitions entre ces deux modes de prise en charge ». Pour Claudy Jarry, président de la Fédération nationale des associations de directeurs d'établissements et services pour personnes âgées, cette réflexion est plus que nécessaire. « Le système actuel est à bout de souffle. L'État doit de l'argent, les départements ne peuvent plus financer, les moyens de la Sécurité sociale se raréfient, le reste à charge pour les personnes âgées est au-delà de leurs revenus. Il est grand temps de réfléchir à de nouveaux modèles d'accompagnement social, à de nouvelles formes d'accueil. Les pistes sont nombreuses telles que, par exemple, le regroupement de structures, le "baluchonnage". Il faut décloisonner le domicile, l'hôpital, l'établissement. »

Pierre Jamet conseille d'attribuer aux départements l'autorisation, la tarification et la gestion des établissements d'hébergements pour personnes âgées dépendantes : « Le pilotage et la responsabilité seraient ainsi clairement officialisés et l'État en capacité de veiller au respect des procédures et des besoins. »

Parmi les propositions concernant le secteur de l'aide à domicile : celle de mettre en place une coordination entre les trois principaux donneurs d'ordre que sont les départements, la Caisse nationale d'allocations familiales et la Caisse régionale d'assurance maladie. Le principe ? Le pilotage, c'est-à-dire l'agrément et la tarification, pourrait être commun et le contrôle de l'effectivité et de la qualité laissé à l'initiative de chaque donneur d'ordre. « Le rapport Jamet confirme bien que le système de financement de l'aide à domicile est à bout de souffle. Il faut en effet rebâtir un système de tarification », commente Emmanuel Verny, président de l'Union nationale de l'aide, des soins et des services aux domiciles.

Deux rapports ont désormais confirmé la situation d'urgence dans les départements. Reste à savoir, à présent, si l'État et les présidents des conseils généraux parviendront à rétablir un climat de confianceet trouver un terrain d'entente.

 

Nadia Graradji

Le cinquième risque, la clé de voute ?

Lors d'une table ronde, le 6 mai, les sénateurs se sont penchés sur la situation financière des départements. « Le cinquième risque est un élément important de visibilité qui nous manque quand nous traitons des finances départementales », a souligné, à cette occasion, Philippe Marini, rapporteur général du budget au Sénat. Un constat partagé par Gilles Carrez qui considère qu'il faut « mettre en œuvre très rapidement la réforme de dépendance ». Une piste de financement de l'allocation personnalisé d'autonomie (APA) semble revenir à la une, celle de réintroduire le recours sur succession. Pierre Jamet suggère d'établir un seuil minimal de solidarité d'APA combiné à un supplément versé à tous en fonction d'un montant de patrimoine et/ou de ressources. Une solution jugée « inadmissible » par Pascal Champvert, président de l'Association des directeurs au service des personnes âgées.






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