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Tribune
Les sept mercenaires

12/01/2024

Peut-on parler des métiers de l’autonomie pour l’accompagnement des publics extrêmement dépendants ? Guillaume Pelletier, directeur général de l’Apei de Chambéry, questionne le vocable. Et appelle à cesser le clivage entre soignants et non-soignants, accompagnants et non-accompagnants, pour reconnaître tous les métiers concourant à une mission commune centrée sur l’humain.

Guillaume Pelletier

Il est de bon ton de parler des « métiers de l’autonomie ». Voilà qui sonne bien, qui fait à la mode, très main-stream, « AutoD », liberté d’agir, défense des droits, société inclusive…. Et en effet, cette dénomination correspond bien à certains de nos métiers : ceux de la protection de l’enfance, des résidences autonomie ou habitats inclusifs, pour partie des Ehpad ou, dans le handicap, les services ambulatoires, types Sessad, SAVS, voire des divers dispositifs de transition vers le milieu ordinaire, ou d’accompagnement de personnes ayant des capacités leur permettant d’être autonomes sur certains actes de la vie quotidienne.

Des métiers de l'humain peu à peu détruits

Pourtant, beaucoup de professionnels ne se retrouvent pas dans ce vocable. Car dans l’accompagnement des vulnérabilités, il y a aussi l’extrême dépendance. Celle des enfants et adultes en situation de polyhandicap, porteurs de troubles du spectre de l’autisme sévère, de personnes âgées totalement dépendantes. Pour ces personnes-là, les accompagnements ne sont pas ceux de l’autonomie, ils sont ceux de l’extrême dépendance, des accompagnements à la douche, aux toilettes, des changes de protections le jour comme la nuit, de repas donnés à la cuillère ou par voie gastro-entérale, et de la communication parfois réduite à des expressions ou des cartes objets. Ce sont aussi les métiers de la gestion des comportements défis, des auto-mutilations, de la copromanie, des violences envers les professionnels et les autres résidents, qui nécessitent de se demander comment analyser ces comportements et construire des stratégies éducatives destinées à les réduire. Il ne s’agit donc plus là des métiers de l’autonomie mais plutôt des métiers de l’humain et de sa dignité, quel que soit l’état de vulnérabilité.

Ces métiers de l’humain, malheureusement les politiques publiques les détruisent progressivement, avec une nette accélération depuis dix ans. Par l’oubli, et le clivage. L’oubli par rapport au secteur sanitaire, avec un découplage des salaires très net depuis le Ségur de la santé en 2020, et la poursuite d’une paupérisation des professionnels du secteur : 3 % en 2022, 0 % en 2023. Le clivage, par des mesures ciblées de revalorisations salariales, les fameuses mesures dites Laforcade.

Une spécialité fait défaut, et la machine s’enraie

Aussi, dans l’attente d’une future (lointaine et hypothétique ?) convention collective unique étendue, serait-il possible de cesser de cliver entre soignants et non-soignants comme en 2020 avec Laforcade 1, puis entre accompagnants et non-accompagnants comme en 2021 avec Laforcade 2, et peut-être bientôt entre bas salaires et salaires moyens ? En somme, retourner à la simplicité, et à ce qui marche sans effet de bandes délétères : c’est-à-dire des augmentations du point des conventions de la branche, suffisantes pour, a minima, maintenir le niveau de vie déjà très dégradé des professionnels. Car les métiers de l’humain englobent l’ensemble des professionnels du secteur, chacun est utile à la mission de nos organisations gestionnaires : éducateur spécialisé, agent d’entretien, directeur, agent de maintenance, technicien paie, comptable… « Un seul être vous manque et tout est dépeuplé », écrivait Lamartine. Idem ici : une spécialité qui fait défaut, et la machine s’enraie…

Ah oui… Pourquoi les sept mercenaires ? Peut être juste pour attirer l’œil et interroger… Aussi peut-être parce qu’au fond, ce serait sympa que sept justiciers surgissent pour aider les villageois désemparés et divisés (que nous sommes au sein de la Bass), pour nous remobiliser et nous battre avec eux… Et survivre face à l’adversité !

Guillaume Pelletier, directeur général de l’Apei de Chambéry, administrateur de Nexem






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