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Services de soins infirmiers à domicile
Sortir de l’impasse

20/03/2024

Confrontés à leur difficile mue en service autonomie à domicile, menée en même temps que leur réforme tarifaire, les services de soins infirmiers donnent de la voix. Les assouplissements obtenus seront-ils suffisants pour calmer leurs inquiétudes ?

Les services de soins à domicile doivent mener de front la réforme tarifaire et l’intégration d’un éventuel SAD.

« Pourquoi cette obstination ? » Début mars, sur les réseaux sociaux, Éric Fortane tempêtait. À ses côtés, d’autres directeurs de services de soins infirmiers à domicile (Ssiad) en colère contre la réforme visant la création des services autonomie à domicile (SAD) initialement prévue fin juin 2025. C’est un amendement au projet de loi Bien-vieillir, porté par la sénatrice Corinne Imbert (LR), qui a donné un coup de pied dans la fourmilière en ouvrant la possibilité pour les Ssiad de ne pas fusionner avec les services d’aide et d’accompagnement à domicile (Saad) pour créer un SAD. De quoi tuer la réforme dans l’œuf, se sont insurgées les fédérations. Provoquant dans leur sillage des mécontentements en chaîne chez des directeurs en faveur de cet assouplissement. « Cet épisode a fait remonter des inquiétudes que l’on n’entendait pas auparavant »confirme Virginie Lequien, présidente de l’association professionnelle Anaressiad.

« Rupture »

« C’est une excellente réforme sur le fond, mais le chemin pris n’est pas le bon. On nous vend un guichet unique pour simplifier et améliorer l’accompagnement et l’attractivité. Or, cela existe déjà : ce sont les services polyvalents d'aide et de soins à domicile (Spasad), argumentait Éric FortaneIl faut laisser le choix des modalités de coopération aux structures. » Et de multiplier les adresses musclées aux fédérations. « On ne se sent pas représenté au niveau national. Pour moi, c’est une rupture », assenait le directeur.

Depuis, le message est passé. Début mars, la fédération d’employeurs Fehap et la Mutualité française relayaient les difficultés sur le terrain tout comme le manque de soutien des tutelles. Suivies par l’union nationale Uniopss. Pas de rétropédalage, insiste Jérôme Voiturier, son directeur général : « Dès octobre, nous nous prononcions en faveur d’un guichet unique avec des garde-fous : un soutien financier renforcé, la garantie de la liberté associative et le maintien de l’ancrage territorial. »

La fusion, point de crispation

Des conditions toujours pas réunies sur le terrain ? Selon la Fehap, qui indique rassembler environ 20 % des Ssiad, « très peu ont entrepris des démarches concrètes de rapprochement ». La majorité reste sur le qui-vive. Sur le fond, la transformation est perçue comme une « iniquité de traitement », les Saad n’ayant pas l’obligation d’être adossés à une structure de soins. Sur la forme, « la fusion a été imposée au forceps, elle est mal vécue et fait peur à tout le monde, résume Virginie Lequien. Pour un petit Ssiad, le risque est de disparaître dans la gouvernance mais aussi d’être déséquilibré financièrement ». D’autant que la fusion impose beaucoup de contraintes juridiques, fiscales et administratives. Et signifie aussi changement de convention collective et surcoûts salariaux, ni financés ni compensés. Même si certains anticipent des économies par la mutualisation des fonctions support. « Rien qu’en matière de remboursement des frais kilométriques, il y a des différences. Il faut un accompagnement financier des autorités pour que les montages tiennent la route », insiste Virginie Lequien.

Pour corser un peu l’exercice des gestionnaires, la réforme tarifaire des Ssiad est menée dans le même temps. Plutôt « bien accueillie », cette dernière est même « structurante », affirme la Fehap. Mais elle se heurte à des difficultés techniques liées au système d’information. « Elle contraint à des saisies rétroactives très chronophages, dans un contexte de fortes tensions RH », illustre l’organisation. « Certains services disent qu’ils vont arrêter de remplir l’outil informatique qui est une véritable usine à gaz. Ça chauffe !, surenchérit Virginie Lequien. Que se passera-t-il dans deux ans, après le gel des dotations ? Seront-elles pénalisées ? Celles qui ont joué le jeu y gagneront-elles assez pour couvrir les surcoûts administratifs ? »

Changer de pilotage

Chez les directeurs, l’incertitude domine. « Nous n’avons pour l’instant que des intuitions, il faudra voir en pratique l’impact sur notre budget », témoigne Alain Figon Lefevre, directeur du pôle Autonomie à domicile Gammes (Montpellier). Plutôt rassuré de son côté quant au maintien des financements : « Nous avons heureusement connu une hausse de notre activité avant la réforme tarifaire mais ce n’est pas le cas de tout le monde. » Comme Éric Fortane qui vient « à peine de reconsolider ses équipes de soignants » après la crise Covid.

« Mener une réforme tarifaire quand on craint de disparaître… Le contexte n’est pas favorable. Ce sujet est un des hiatus de la gouvernance des politiques sociales », juge Jérôme Voiturier. Un point d’accord avec l’association Départements de France. « Faire travailler ensemble des services qui n’ont pas le même mode de gestion, avec des périmètres géographiques différents, c’est comme mélanger une mauvaise soupe », souligne Olivier Richefou, président du conseil départemental de la Mayenne. Pour sortir de l’impasse, les collectvités proposent, à l’instar de l’expérimentation de la fusion des sections soins et dépendance des Ehpad, que la dotation soins leur soit confiée. « Ou alors d’engager un test de dotation globale pour les Saad comme celles des Ssiad pour avoir le même mode de financement. » Une proposition loin de susciter l’enthousiasme de l’Anaressiad. « Nous souhaiterions un pilotage par les agences régionales de santé, moins politisées. Les différences départementales pour les Saad nous inquiètent », développe Virginie Lequien.

Du temps

Pour l’instant, l’option retenue par le Parlement est de laisser plus de temps aux Ssiad pour muer. Ils pourront poursuivre leur activité dans le cadre d’une convention ou d’un groupement pendant cinq ans à défaut de présenter une demande d’autorisation en SAD. Et la date limite pour déposer celle-ci est repoussée au 31 décembre 2025. « Pour ne pas créer de coquilles vides, il faut prendre son temps. C’est une réforme compliquée qui engage », témoigne Alain Figon Lefevre (lire l’encadré).

Un délai jugé insuffisant. « Toutes les alternatives sont à envisager », argumente la Fehap. Fusion, groupement ou… conventionnement. « Le nôtre formalise des partenariats historiques que nous ne voulons pas perdre. Les services de notre Spasad ont une bonne connaissance mutuelle, des outils communs… », approuve Éric Fortane. Une première étape avant une mise en commun nécessaire estime l’Anaressiad. « Les Spasad expérimentaux ont moins bien fonctionné que les services intégrés », pointe Virginie Lequien. Ou alors, il faudra cadrer la convention et le groupement « de façon suffisamment rigoureuse pour garantir le respect du cahier des charges », préconise le cabinet Houdart.

Et donner au nouveau service public départemental de l’autonomie l’opportunité de juger localement des meilleures voies de coopération ? « S’appuyer sur cette expérimentation est prématuré, mais la maille départementale est la bonne », juge Olivier Richefou. Quid des Ssiad qui ne trouveraient pas chaussures à leurs pieds ? « Ceux qui ont joué le jeu sans aboutir devraient obtenir une autorisation pour développer de l’aide sans attendre les appels à projets, demande Virginie Lequien.Le but est d’embarquer tout le monde. »

Laura Taillandier

« La clef : travailler le projet de service »

Alain Figon Lefevre, directeur du pôle Autonomie à domicile, Gammes à Montpellier

« L’erreur serait de croire qu’un SAD est l’addition des services de soins et d’accompagnement. Il faut opérer une vraie mise à plat. Ce n’est pas facile mais au final on y gagne ! Spasad expérimental depuis cinq ans, nous avons pu constater ce qui fonctionne. Les deux cadres responsables de l’aide et du soin sont dans le même bureau avec une ligne téléphonique unique. Cela permet de comprendre le travail de chacun. Un Care manager complète le trio et travaille, lui, sur les ruptures de parcours. Nous repartons en outre des besoins des bénéficiaires. Par exemple en matière de nutrition, la thématique est travaillée ensemble et donne lieu à diverses actions. Nous avons aussi travaillé le projet de service, tourné autour de valeurs. C’est la clef. Par ailleurs, on ne peut pas prôner un accompagnement bienveillant sans avoir le même souci des équipes. Nous travaillons donc la qualité de vie au travail. Ce qui permet de fidéliser et de faire monter en compétences les salariés. Enfin, nous avons développé des activités : service pour les aidants et expérimentation du relayage, ouverture d’un centre de santé avec qui mutualiser la télémédecine et les infirmières en pratique avancée... Pour tout cela, j’ai dû trouver des financements annexes que la dotation qualité me permet aujourd’hui de pérenniser. Côté budget, notre activité d'aide devait s’arrêter et la création du Spasad nous a permis de créer de l’activité au global. Prochaine étape ? Ne garder qu’un numéro Siret en fermant un service pour officialiser le SAD. Nous sommes tout à fait prêts. Mais ce sont les autorités qui semblent un peu perdues... »

Repères

31/12/2025. C’est la nouvelle date limite pour une demande d’autorisation de SAD.

2 107. C’est le nombre de Ssiad et de Spasad en France en 2021. On compte 9 500 Saad. 

Publié dans le magazine Direction[s] N° 229 - avril 2024






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