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Plateformes des métiers
Une formule gagnante ?

24/01/2024

Depuis deux ans, les plateformes des métiers de l’autonomie épaulent les employeurs face à leurs difficultés RH. Posant les jalons d’une attractivité sur le long terme, elles sont confrontées à l’urgence des besoins. Et au spectre de la fin de l’expérimentation.

En octobre 2023, la plateforme MCE-M3S de l'Orne était présente sur le forum les « Métiers en tournée ».

Objectif : sécuriser les recrutements dans le champ de l’autonomie. Méthode : un guichet unique au service des employeurs dans un département. Deadline : trois ans. Mission impossible, dans un secteur qualifié volontiers de sinistré ? Ils sont dix-neuf porteurs de projets à avoir relevé le défi en 2021 via un appel à projets conjoint de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) et de la Direction générale de la cohésion sociale, dans le cadre du plan Grand âge. La concrétisation d’une recommandation du rapport El Kohmri. « L’objectif était de travailler sur lensemble des difficultés : mauvaise connaissance et image des métiers, occupés aussi par des faisant-fonctions qui nécessitent d’être suivis dans leur évolution statutaire », énumère Béatrice Niderkorn, chargée de mission à la CNSA. « Dans un contexte où il fallait capitaliser sur les initiatives qui se sont multipliées après la crise face à cet enjeu struturel et systémique », rappelle Saïd Acef, directeur général adjoint du département des Landes.

Ancrage territorial

Des initiatives portées par des lauréats d’une grande diversité, avec deux points communs : l’ancrage territorial et la double expertise de l’emploi et du secteur. Dans le Grand Est, le Campus des métiers Autonomie et Inclusion, labellisé par l’Éducation nationale, a obtenu cette « légitimité supplémentaire » en rassemblant large : partenaires historiques (rectorat, associations médico-sociales), organismes de formation, opérateurs de compétences, fédérations… Dans l’Orne, l’association retenue a connu elle aussi « une petite crise de croissance ». « Au démarrage, nous étions positionnés sur l’ouest du département en direction des équipes de nos adhérents, expose Marine Robbes, chargée de projet. Il a fallu nous tourner vers l’extérieur, comme les salariés en reconversion. »

À Lyon, la maison de l’emploi a été poussée par la métropole. « Nous étions organisés en filière, avions un partenariat avec la CNSA sur la sensibilisation, un réseau de structures du domicile et une charte d’employeurs engagés, dont beaucoup issus du secteur », relate Samuel Tocanier, responsable du service Entreprises. « Les planètes étaient alignées », résume le directeur Vincent Beley. Dans le Lot, l’impulsion est venue d’un service à domicile, entreprise publique locale de huit cents salariés, et du département qui compte une population âgée et peu active. « Ce double portage est notre force : je suis salariée tout en étant soutenue par les élus. C’est sécurisant pour les employeurs », avance Kathy Labarrière, chargée en développement local.

Car le démarrage n’a pas été simple. « Elles ont dû trouver leur place dans l’écosystème territorial », note Béatrice Niderkorn. « Facilitateur », « tour de contrôle », « vigie », « centre de ressources », voire « chef d’orchestre »… Les qualificatifs ne manquent pas pour décrire l'activité de ces plateformes autour de trois missions socles : valoriser les métiers, proposer des parcours d’orientation et de formation et favoriser le recrutement. « Nos lycéens n’envisagent pas ce secteur en raison d’idées préconçues. Il y a un tout un travail à faire sur l’image, la facilitation des stages et des rencontres », commente Céline Minette, directrice opérationnelle du Campus des métiers. Et en la matière, les plateformes ne manquent pas d’idées. Simulateur de vieillissement, serious game et karaoké dans les structures, Time’s up de l’autonomie, « Vis ma vie »… Elles multiplient les actions auprès des scolaires, des demandeurs d’emploi ou des salariés en reconversion. Souvent in situ pour permettre aux professionnels eux-mêmes de témoigner. S’y ajoute l’appui au recrutement. « En interne, des coachs aident à travailler le projet. Nous accompagnons la recherche de périodes de mise en situation en milieu professionnel avec un entretien préalable utile à la personne et à la structure », développe Marine Robbes. 

« Des petites graines »

Autres actions ? Aide au maintien dans l’emploi, formations des structures sur le management ou la qualité de vie et des conditions de travail (QVCT). « Les employeurs ont compris le rôle qu’ils ont à jouer et se bougent pour améliorer leur pratique», relève Samuel Tocanier. La maison de l’emploi a co-construit un parcours de formation d’aide-soignant quand le Campus des métiers a mis en place une validation des acquis de l’expérience hybride [1]. « Notre objectif est d’adapter les parcours de formation en faisant du sur-mesure avec les acteurs du territoire », explique Céline Minette. Elles conseillent aussi les acteurs de Pôle emploi. « Les opérateurs ne peuvent pas être spécialisés sur lensemble des métiers. On apporte un “plus : on connaît les établissements, on diffuse les offres, on recense les formations… Bref, on fait le lien », complète Kathy Labarrière.  

« Leur principale valeur ajoutée est de fédérer les acteurs et de donner de la visibilité au secteur », souligne Béatrice Niderkorn. Mais les questions viennent avec France Travail : dans quelle mesure apporteront-elles une offre complémentaire ? La majorité des plateformes sont dans l’expectative. Mais à Lyon, les collaborations sont déjà lancées. « Comme nous sommes un groupement d’intérêt public, France Travail est partie prenante. Nos objectifs sont partagés et nous avons l’habitude de travailler ensemble. Nous superposons nos calendriers de communication pour éviter les doublons », illustre son directeur. « La réforme est aussi l’opportunité de cibler les bénéficiaires du RSA. C’est primordial d’articuler nos forces au regard des besoins du secteur », surenchérit Samuel Tocanier.

L’ampleur des besoins est la principale difficulté. « Les attentes des employeurs et des autorités de tarification sont fortes. Or, nous investissons sur l’avenir, notamment sur les parcours de formation », objective Béatrice Niderkorn. « Nous semons des petites graines », synthétise Céline Minette. Mais jusqu’à quand ? Alors que les plateformes ont atteint leur vitesse de croisière en 2023, le terme de l’expérimentation arrive déjà fin 2024. « Soutenu par le département, on essaye de trouver une structure juridique. Est-ce que lon va devenir un relais employeur en proposant des contrats en alternance, développant des aides au recrutement ? », questionne Catherine Labarrière. D’autres se positionnent sur les freins périphériques à l’emploi, mobilité et garde d’enfants. « Priorité en milieu rural », glisse Marine Robbes. « Trois ans c’est court pour créer un réseau, monter en compétences…, relève Céline Minette. Être labellisé campus est une force mais aussi une difficulté : faire ressortir les activités de l’un et de l'autre car les objectifs sont les mêmes. »

Une logique de consortium

Un bilan passé à la loupe d’un prestataire externe, chargé de l’évaluation. « Il doit déterminer si un modèle de plateforme est plus pertinent qu’un autre, décliner des scénarios de déploiement ou de renforcement, déterminer des financements… Les plateformes vont-elles devenir le bras armé des autorités de tarification pour décliner leur politique RH ? Être le levier ressources pour répondre aux enjeux de l’autonomie ? », interroge Béatrice Niderkorn. Pour y parvenir, il faudra monter d’un cran en embarquant l’ensemble des métiers du social et du médico-social (assistants familiaux, éducateurs spécialisés...) juge Saïd Acef: « L’enjeu est d’élargir le spectre pour mieux répondre aux besoins des employeurs et construire des parcours permettant une réelle mobilité au niveau des bassins d’emploi. La logique de consortium et de réseau territorial paraît la plus efficace pour agir sur les quatre blocs nécessaires pour relever les défis de l’attractivité : vivier et formation initiale, QVCT, management et image des métiers. » Sans mettre à la poubelle tout le travail engagé, alertent les plateformes. « Il faut essaimer les bonnes pratiques, plaide Samuel Tocanier. Les plateformes permettent dimaginer une offre de services qui ne soit pas la même partout. Elles préfigurent une phase plus ambitieuse. »

[1] Lire notre dossier, en p. 22

Laura Taillandier

« La révolution sera dans les territoires »

Sylvain Connangle, directeur de l’Ehpad La Madeleine (Dordogne)

« Mon établissement porte une plateforme solidaire, financée par l’agence régionale de santé. Sans cahier des charges, nous avons eu carte blanche. Nos actions ? Des formations marche pied, l’accompagnement du réseau Hublot qui met en lien employeurs et candidats dans une logique de travail à la carte, des évènements de communication. Il faut donner un coup de jeune à notre secteur que nous pouvons qualifier de bel endormi. Nous n’avons pas réagi assez tôt et devons éviter que la situation empire. Je suis convaincu que la révolution se passera dans les territoires. Ce levier permet de faire un maillage et de fluidifier l’information. D’ailleurs le préfet souhaite dupliquer notre projet à d’autres secteurs comme l’industrie. »


Repères

13 millions d’euros. C’est le financement alloué sur trois ans aux plateformes des métiers dans le cadre de l’appel à projets. 

19 plateformes : 8 portées par des conseils départementaux (y compris en binôme), 4 par des maisons de l’emploi, 7 par d’autres structures (associations, GIP…). 

De 4 à 11 ETP. Ce sont les ressources des plateformes, comprenant 1 chargé de projet dédié à la coordination et au pilotage et des professionnels chargés de mission. 

Publié dans le magazine Direction[s] N° 227 - février 2024






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