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13e Trophée - Prix de la rédaction
« J’en rêve : moi, demain je serai directrice »

01/12/2017

Réservé aux futurs directeurs qui pouvaient plancher sur le thème « Diriger demain », le Prix de la rédaction 2017 est décerné à Claire Cappelli-Apat. Tout juste diplômée du Deis et d’un master 2, elle use de la désormais célèbre anaphore « Moi, demain je serai… » et déroule sa feuille de route, entre lucidité, détermination et enthousiasme. Une contribution qui a conquis les journalistes de Direction[s].

Fraîchement diplômée, c’est pour bientôt ! J’y pense en m’épilant : moi, demain, je serai directrice d’un établissement médico-social. Comment me projeter dans cette première expérience de direction sans y mettre une part d’idéalisation ? Un processus d’application s’opère entre le passage de la formation théorique et la mise en pratique de savoirs. Contrainte d’inventer ma propre manière de slalomer entre les freins posés par l’apprentissage déductif et l’opportunité d’une projection réflexive par l’apprentissage inductif. L’heure est à la définition de la feuille de route.

Poids juridique n’est pas limite d’agir

Moi, demain, directrice, je serai souple

Le bon élève studieux à l’issue de sa formation supérieure ne peut que retenir le poids des contraintes juridiques de sa future mission de dirigeant. L’importance des mises aux normes, la lourdeur administrative de la gestion des ressources humaines, la grandeur du costume lesté par les responsabilités ont bien été au programme de son apprentissage théorique.
Pour ceux qui n’auraient pas décidé de fuir la profession à ce stade-là, il est alors probable de passer d’élève studieux à bon petit soldat sans concession. Tout juste arrivé aux commandes, il s’empressera de devenir caporal tyrannique et peureux. Tyrannique par un style de management imposant, et peureux car animé par la non-prise de risque.
Le caporal peut donner l’air d’innover en prônant le changement à tout va. Mais il tente seulement de faire changer la peur de camps face aux salariés : « Ah ! le changement vous fait peur ! Vous résistez ! » Le caporal fera plaisir à sa hiérarchie en déroulant un calendrier de mise en application de procédures, motivé par les exigences de conformité : « C’est pas moi qui veux, c’est l’agence régionale de santé (ARS) ! »
Quid des dégâts sur le personnel ? Moi, demain, directrice, je m’interrogerai sur les signaux des arrêts-maladies.

Agir entre les lignes, c’est humaniser l’accompagnement

Moi, demain, directrice, je serai humaine

Le législateur a volontairement glissé un flou pour tolérer une marge de manœuvre indispensable à l’exécutant. Le dirigeant a le droit d’être souple face à la rigidité du cadre et sa souplesse tient à son expertise. Il s’agit de produire des procédures qui n’oublient pas que les acteurs principaux (travailleurs sociaux et bénéficiaires de ses services) ne sont pas des algorithmes. Le cadre juridique est lourd, mais spacieux.
Il offre une vraie liberté dont le dirigeant a le devoir de se saisir pour faire respirer l’institution et permettre la mise en place des bonnes pratiques selon les valeurs du projet d’établissement. 

Une trousse à pharmacie pour des ressources humaines sécurisantes…

Moi, demain, directrice, je serai bienveillante

L’usager au cœur du dispositif, selon la loi dite 2002-2, devient souvent l’alibi facile du manager pour faire passer les exigences des autorités sous couvert de démarche qualité. Moi, demain, directrice, je mettrai avant tout le salarié au cœur du dispositif. Lui aussi a besoin de soin, de bientraitance. Les institutions médico-sociales ne peuvent plus être dans la difficulté de l’effet miroir des personnes accompagnées. Pour éviter l’épuisement professionnel, je proposerai des partenariats avec des institutions sur la mise en place d’un « pool volontariat » qui favorisera des aérations et permettra de fuir la routine. L’institution soutiendra la capacité du personnel à faire circuler des idées d’amélioration des pratiques inspirées de ces mouvements de postes.
À l’écoute du personnel, j’observerai les plaignants, panserai les plaies si nécessaire à coups d’analyse de la pratique. Diriger, c’est assumer ses décisions et proposer des espaces de réflexion pour décider ensemble. À la moindre exposition d’une hésitation d’équipe : je trancherai pour sécuriser. Des séances hebdomadaires de yoga seront dispensées à l’ensemble des salariés, encouragée par la qualité de vie au travail.

… Et une boîte à outil pour la gestion quotidienne des priorités

Moi, demain, directrice, je serai ubiquiste 

À présent, me voilà armée. Contre qui ? De méchants travailleurs sociaux fainéants ? Des délégués du personnel déguisés en cégétistes ou l’inverse ? Outillée, clé de douze en main, je vais enfin m’en servir pour la première fois.
Moi, demain, directrice, je ferai de beaux tableaux Excel pour la logistique, je créerai des PowerPoint vivants pour convaincre en réunion, je serai experte dans l’art de poser un diagnostic sur papier glacé, je diffuserai des analyses Swot (strenghs, weaknesses, opportunities, threats) [1] à l’ensemble de mes collaborateurs et je me cramponnerai à mon diagramme de Gantt [2] comme le chef de gare fixe sa montre. Il me faudra garder la cadence à coups de prévisionnels. Mes outils me donneront l’illusion d’être partout, d’avoir anticipé chaque événement, de me sentir indispensable.
Ceci n’est plus un rêve, mais le cauchemar du dirigeant de demain. Il doit bien exister une recette de réussite malgré les discours convenus et évasifs sur le fait qu’il n’en existe pas tant elle tient à la subjectivité du dirigeant. 

Un air de Dolce Vita, de football et d’opéra italien 

Moi, demain, directrice, je serai rassurante, solidaire et heureuse

Rassurante par mes inactions, pour commencer ma prise de poste je ne ferai rien, rien du tout de nouveau : pas la trace du moindre changement, ni de déplacement d’armoire, ni de nouvelles propositions d’actions, ni de nouveaux horaires ou noms de réunions. Le farniente, par respect pour l’équipe qui s’est accommodée des dysfonctionnements précédents et qui scrute la nouvelle venue. Je ne bougerai pas, je serai le cheval de Troie qui prend place lentement dans la forteresse.
Sur le terrain, jouer serré et allegro : pour obtenir les réponses d’une amélioration continue de la qualité, je serai dirigeante maïeuticienne auprès des salariés, à leur côté. Tel un « vis ma vie » je m’appliquerai à partager une journée avec chacun, me calquant à leurs horaires et à leurs missions. Un moment privilégié d’échanges favorisé par le mimétisme participatif. J’assurerai ainsi une défense à l’arrière conçue pour être fiable à la manière du catenaccio [3] au football. La majorité de l’équipe reste regroupée pour mieux contrer et se renforcer.
Moi, demain, directrice, je veillerai surtout à verrouiller les réunions : elles ne dépasseront ni le cadre horaire ni l’ordre du jour. L’animateur de la réunion tournera à chaque fois.
Moi, demain, directrice, je contaminerai le personnel d’un élan positif et joyeux pour rendre l’institution ouverte, de bonne humeur afin de travailler allegro ! Je bannirai le mot « urgent » du vocabulaire, trop connoté avec la notion de « vital » du sanitaire, pour ne faire place qu’aux mots « important » ou « prioritaire » qui véhiculent moins de stress aux équipes. J’allumerai la machine à reconnaissance à coups de compliments expressifs et justes, sans flagornerie. Un tel management, mélange de bien être au travail et de catenaccio, pour assurer la protection, devient l’art de diriger dont l’objectif ultime est le farniente tant l’autonomie des salariés et la délégation sont prônées comme un modèle de réussite de la collaboration institutionnelle. Appuyé sur la confiance, la solidarité et la reconnaissance des compétences, il serait un antidote aux institutions anxiogènes.

Familles et bénéficiaires : je vous aime 

Moi, demain, directrice, je serai créative 

Créative de liens avant tout. Je prônerai le retour aux sources du secteur social, à ses racines. Le social créateur de relations pour fuir le repli. La mise en place d’un comité d’éthique symboliserait un espace de réflexion ouvert sur l’extérieur où philosophe, juriste, sportif, coiffeur… permettraient d’éviter l’eutrophisation. Ainsi seront mises à l’agenda des fêtes, occasions de mélanger salariés et bénéficiaires autour de moments de joyeux partage en élargissant aux familles tant des salariés que des bénéficiaires. Sans en finir avec la notion de distance, elle sera expérimentée différemment sur ces temps.
L’enjeu est de faire entrer la société civile dans l’institution par la culture, la fête tout simplement. Proposer par exemple un rendez-vous annuel avec un festival, les organisateurs recherchent souvent des lieux pour se produire.
L’idée-force étant que les portes ouvertes de l’établissement se déroulent vraiment régulièrement.

Posture communicante = Hiérarchie soutenante 

Moi, demain, directrice, je serai visible et verte

Je vivrai la hiérarchie comme un adjoint fantôme omniprésent. J’informerai de mes actions, les rendant lisibles. Je proposerai des rencontres régulières et n’oublierai pas de la mettre en copie de tous les mails pour la saturer d’informations.
Moi demain, directrice, je prospecterai vers d’autres établissements du secteur… ou pas, pour mieux mutualiser les compétences et anticiper les futurs appels à projets. J’irai à la découverte de nouveaux collaborateurs. Conquérante, je serai en recherche active de points d’appui avec des partenariats stratégiques et écologiques. Guidée par un souci de protection de l’environnement, je veillerai à la halte au gaspillage alimentaire et d’énergie. Je m’inscrirai dans une véritable démarche de responsabilité sociale des entreprises (RSE) parce que moi, demain, je serai une directrice propre.
Mes ambitions dans mes nouvelles fonctions de directrice sont prétentieuses. Le management se pense et s’expérimente. S’applique et se réajuste. Il est personnel, instinctif voire animal, chacun y met sa patte et se fie à son flair.
Moi, demain, directrice, je serai louve.

 

[1] Outil d’analyse permettant de faire apparaître les forces et les faiblesses d’un projet pour orienter sa stratégie.
[2] Outil de gestion de projet.
[3] Célèbre stratégie de football italien qui prône une rigueur défensive à la manière d’un cadenas qui verrouille le jeu.

Claire Cappeli-Apat

Carte d'identité

Nom. Claire Cappelli-Apat
Formation. Éducatrice spécialisée, titulaire du diplôme d'État d'ingénierie sociale (Deis) et d'un master 2 Gestion et organisation des administrations sanitaires médico-sociales à Sciences po Bordeaux.
Fonction. Cadre pédagogique à l'Institut du travail social (ITS) de Pau.

Publié dans le magazine Direction[s] N° 159 - décembre 2017





Derniers Commentaires

Emmanuel RONOT

Inscrit le 06/11/2017
vendredi 29 décembre 2017 12:09

Bonjour, 

Message pour Claire : j'ai un poste de Directrice pour vous. 

Appelez moi : 0614123107

Emmanuel RONOT - DGA EPNAK


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