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12e Trophée – Mention Management et gouvernance
Un Ehpad choisit l’écologie pour moteur

08/03/2017

Nancy (Meurthe-et-Moselle). En inscrivant l’éco-responsabilité au cœur de son projet d’établissement, l’Ehpad Simon Bénichou a réussi à générer des économies budgétaires significatives. Et à insuffler une réelle dynamique tant auprès des salariés que des résidents, leurs familles et des habitants du quartier.

Comme tous les vendredis, un petit groupe de résidents se retrouve dans la salle à manger : ce matin, c’est épluchage de carottes. L’activité n’a rien d’une corvée. Les personnes âgées (dont deux sont non-voyantes) apprécient ce rendez-vous hebdomadaire : elles participent à la vie de la maison, donnent un petit coup de main aux cuisiniers tout en contribuant à nourrir les poules. LL’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) Simon Bénichou compte en effet six pensionnaires à plumes. Installé en 2014, le poulailler a été le point de départ de la démarche d’éco-responsabilité engagée par la structure nancéienne, gérée par l’association Œuvre israélite de secours aux malades. Aujourd’hui, 34 actions sont inscrites dans le projet d’établissement 2016-2020 dont elles constituent un chapitre à part entière.

Réduire le volume des déchets

« À l'origine, le poulailler répondait à un double objectif : réduire le volume de nos déchets et développer une présence animale pour réintroduire un bout de campagne en ville », explique la directrice Emmanuelle Dietsch. Mais une poule ne consommant que 150 kg de biodéchets en moyenne par an, il fallait d’autres leviers pour que l’établissement puisse alléger le poids de ses poubelles. « Nous remplissions alors trois conteneurs auxquels s’ajoutaient de nombreux sacs posés à même le sol dehors. La métropole du Grand Nancy nous a fait savoir qu’il ne tolérerait plus les sacs et que l’enlèvement des ordures ménagères allait passer de trois à deux ramassages par semaine », poursuit la directrice. Les déchets deviennent alors une problématique de taille. Première solution ? Le tri sélectif, auquel est formé l’ensemble des salariés en 2015. Papier, ampoules, bouchons, contenants plastiques et cartonnés, cartouches d'encre et toners, déchets d’équipements électriques et électroniques, déchets d'activités de soins à risques infectieux (Dasri), aluminium et métaux, radios, verre, textile, piles, boîtes de médicaments, déchets verts et même stylos ou mégots de cigarettes font aujourd’hui l’objet d’une filière de tri. À chaque étage du bâtiment, des bacs sont là pour inciter salariés, résidents et visiteurs à adopter le bon geste. Et cela marche ! Sûrement parce que tous les acteurs ont été associés en amont à l'action. Un comité de pilotage regroupant des salariés de chaque fonction, des résidents et des représentants des familles s’est constitué dès l’origine et se réunit encore une fois par trimestre.

Ouvrir les portes sur la ville

Début 2016, des bacs de compostage sont installés. « Un tiers du poids des poubelles sont des biodéchets composés en grande partie d’eau. Incinérer une tonne de déchets coûte 210 euros, autant ne pas brûler de l’eau… », estime Thomas Borgne. Ce maître composteur de la métropole a dispensé une formation à deux salariés et deux riverains devenus référents compost. En effet, les bacs sont partagés à l’échelle du quartier : une vingtaine d’habitants viennent régulièrement déposer leurs biodéchets. L’ouverture, c’est l’autre clé de la démarche. « Les poules, les ruches, le compost et même les filières de tri constituent des supports magiques car cela nous concerne tous. Toutes ces actions facilitent en outre les relations avec l’extérieur », estime Karine Bastien-Schneider, animatrice. Toutes les semaines, les enfants de la crèche et de deux écoles des environs se rendent à la maison de retraite pour participer à des animations autour du développement durable. Ce jour-là, des CE1 sont venus écouter la présidente de l’association Alu du Cœur 54 expliquer comment elle transforme de vieilles cannettes en argent sonnant et trébuchant destiné à financer des chiens guides d’aveugles.

Ouvrir les portes contribue aussi à faire évoluer les regards. « J'habite dans cette rue depuis treize ans, je n’étais jamais entré. Il y a beaucoup de vie. On entend les poules, c’est formidable ! », témoigne Denis Bression, un voisin devenu référent compost. Membre du conseil de la vie sociale (CVS) de l'Ehpad, Mary-Ann Dollé-Bignon considère pour sa part que « les actions permettent d’inscrire les résidents dans la vie d’aujourd’hui. Ils ne sont pas mis de côté, ils restent des citoyens à part entière ».

Du côté du bilan, le volume des ordures ménagères a été réduit de à 16,7 %, tandis que le tri sélectif a bondi de 341 %, entraînant une économie de 25 % du coût de gestion des déchets. Des gains ont aussi été réalisés grâce à un approvisionnement en circuit court (–29 % pour les 9,5 tonnes de pommes de terre achetées annuellement) ou au changement de fournisseur d’électricité 100 % verte (–15 %). Mais l’ensemble des 34 actions n’est pas encore mis en place. L’établissement a choisi de procéder progressivement. Un audit a identifié un certain nombre de postes sur lesquels il serait intéressant d’investir. « Nous savons par exemple qu’équiper notre système de chauffage de thermostats pilotables à distance via Internet nous permettrait de réaliser d’importantes économies à moyen ou long terme, mais cela représente un investissement de 15 000 euros. Toute la difficulté est de trouver des financements », explique Emmanuelle Dietsch.

Jusqu’à présent, l’Ehpad est parvenu à limiter les dépenses en obtenant des subventions des collectivités locales.

Une équipe très investie

La démarche s’appuie surtout sur la bonne volonté et l’implication de l’équipe. Par exemple, les infirmières vont bientôt troquer les gobelets et cuillères jetables pour des contenants réutilisables lors de la distribution des médicaments. Effet immédiat : il faudra désormais remplir et vider le lave-vaisselle plusieurs fois par jour. « C’est une nouvelle organisation qui devra être trouvée, reconnaît Martine Lemoine, cadre de santé. Nous y allons petit à petit : pour la distribution du matin, nos chariots étant trop petits, nous ne pourrons pas encore passer au réutilisable. Mais dès que nous changerons de chariot, nous intégrerons cette donnée. » Du côté de la salle à manger, la suppression des bouteilles d’eau en plastique représente là aussi du travail en plus : « Nous avons 35 cruches à remplir aux fontaines d’eau plate et d’eau gazeuse. C’est une demie heure supplémentaire. Au départ, ce n’était pas simple, mais maintenant cela fonctionne très bien », reconnaît Ghislaine Avignon, agent de service, membre du Copil. Pour les cuisiniers, Éric Régnier et Gabriel Guidé, les changements se traduisent par « beaucoup plus d’allers et retours. Avant, nous n’avions qu’une seule poubelle contre une dizaine aujourd’hui. Il y a aussi le problème des normes d’hygiène à respecter. Le seau à compost ne doit surtout pas traîner ». Les deux cuisiniers, qui préparent 140 repas par jour, s’engagent malgré tout car « cela correspond à nos convictions. Il faut penser à l’avenir, aux générations futures. Même si on se demande parfois comment cette démarche pourra être pérennisée sur le long terme avec des personnes moins motivées que nous… »

Une charte d’engagement

Pour faire face à cet enjeu, une charte d’engagement a été élaborée. Elle est remise aux nouveaux résidents ainsi qu'aux salariés embauchés au moment de la signature du contrat de travail et vient d’être diffusée à ceux en poste. « Pour le moment tous les salariés jouent le jeu, l’effet de groupe fonctionne très bien, relève la directrice. Je ne dispose malheureusement pas de marge de manœuvre pour valoriser cet effort sous la forme d’une rémunération. Mais je crois profondément que la démarche contribue à créer des valeurs qui fondent notre culture d’établissement. » À défaut de moyens financiers, Emmanuelle Dietsch motive ses troupes autrement : des concours de collecte de stylos inter-Ehpad, un bon restaurant offert à tous les salariés pour les remercier d’avoir atteint un objectif prédéterminé de réduction de déchets… Elle sait aussi montrer l’exemple : chaque semaine, à tour de rôle avec l'animatrice, elle nettoie le poulailler.

 

Aurélie Vion. Photos : Mathieu Cugnot

« Les Ehpad doivent veiller à leur impact environnemental »

Guillaume Lambolez, responsable assurance qualité de la Fondation Saint-Charles
de Nancy

« Salarié de la Fondation Saint-Charles de Nancy, qui regroupe dix établissements médico-sociaux, j’ai pu partager l’expérience menée par l’Ehpad Simon Bénichou. L’essaimage faisait aussi partie des objectifs. D’autres structures ont commencé à déployer des actions éco-responsables, notamment pour le ramassage du papier et des stylos. Un autre établissement de la Fondation vient aussi d’inscrire un volet éco-responsable dans son projet d’établissement. La justification financière et les contraintes à venir constituent des arguments de poids. En effet, avec la mise en place de la taxe carbone à l’horizon 2020, les Ehpad doivent s’attendre à payer leur impact environnemental, qui comprend la gestion des déchets, le chauffage, mais aussi les modes de transport des salariés… Nous savons que nous sommes de gros producteurs de carbone. Autant prendre les devants. »

 

En chiffres

  • 67 résidents
  • Équipe : 46,68 ETP
  • 34 actions éco-responsables inscrites dans le projet d’établissement 2016-2020
  • 16,7 % de déchets ménagers en moins par semaine,  + 341 % de tri sélectif en plus, 64 kg de papier par mois récoltés
  • Subventions : 2 700 euros du département de Meurthe-et-Moselle pour financer l’installation du poulailler et l’abri de jardin et 5 400 euros de la métropole du Grand Nancy pour remplacer les contenants plastiques par du durable

 

Contact :

03 83 91 47 00

Publié dans le magazine Direction[s] N° 151 - mars 2017

Images

Ehpad Simon Bénicgou. © Mathieu Cugnot

Ehpad Simon Bénichou. © Mathieu Cugnot






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