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Droit du travail
Accords CHRS/CCN 66 : les effets d’un rattachement

27/10/2021

Attendu depuis longtemps, le rattachement des accords CHRS (pour centres d’hébergement et de réinsertion sociale) à la convention collective du 15 mars 1966 (CCN 66) a finalement été effectué par l’administration. Le point sur les options qui se présentent aux partenaires sociaux.

L’administration vient de procéder au rattachement du champ conventionnel des accords dits CHRS à celui de la convention collective nationale du 15 mars 1966 (CCN 66), CCN dite de « rattachement ». Il était attendu depuis plusieurs années sans que toutefois les partenaires sociaux ne parviennent à un accord collectif en ce sens. C’est donc l’administration qui a pris la main, sur incitation du syndicat employeur Nexem, en sifflant la fin de la partie. De la première mi-temps à tout le moins. Quelles en sont les conséquences ?

Vers de nouvelles dispositions communes, voire une nouvelle CCN ?

Les partenaires sociaux disposent d’un délai de cinq ans à compter du 7 août 2021 pour négocier de nouvelles dispositions communes aux centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) et aux structures appliquant la CCN 66, « lorsqu’elles régissent des situations équivalentes ». Du fait du quasi mimétisme entre les deux textes, la négociation pourrait (ou non) s’annoncer intense pour ces cinq prochaines années. En effet, c’est théoriquement un tout nouveau texte conventionnel qui pourrait résulter des négociations engagées au titre de ce rattachement. Reste à connaître l’identité de celui qui pourra négocier cet accord d’harmonisation en fonction de la prochaine mesure de la représentativité. L’administration offre ainsi la possibilité de rénover en « douceur », dans un délai de cinq ans, la CCN 66. Cette option sera-t-elle retenue ? Rien n’est moins certain. 

Par ailleurs, pendant ce délai, et à défaut d’accord d’harmonisation, les différences temporaires de traitement entre salariés résultant de la fusion ne pourront être « utilement invoquées » par ces derniers. Sur ce point, au jeu des 7 différences, il sera assez simple d’identifier les points de tension éventuels.

Point de survie des avantages issus du texte rattaché

Enfin, à défaut d’accord conclu d’ici à août 2026, les stipulations de la convention collective de rattachement (CCN 66) devront s’appliquer. De façon surprenante, le Code du travail ne prévoit pas dans cette hypothèse un mécanisme de maintien ou de garantie pour les salariés relevant de la convention « rattachée ». Certes, le délai de cinq ans est largement plus important que la période de survie de 15 mois d’un texte conventionnel dénoncé ou mis en cause par le biais, par exemple, d’une opération de fusion. Toutefois, il est revenu au Conseil constitutionnel de préciser ce point d’une particulière importance. Ainsi, dans leur décision n° 2019-816 du 29 novembre 2019, les Sages ont rappelé qu’à l’issue du délai de cinq ans, la privation d'effet des stipulations de la convention collective de la branche rattachée (CHRS) qui régissent des situations équivalentes à celles régies par la convention collective de rattachement ne méconnaît pas le droit au maintien des conventions légalement conclues. Exemple : à défaut d’accord collectif d’harmonisation, il est probable que les repos compensateurs supplémentaires prévus par l’article 4.11 des accords CHRS disparaîtront purement et simplement au profit des congés trimestriels prévus par les différentes annexes de la CCN 66.  Point de survie des avantages issus du texte rattaché !

En revanche, et toujours selon le Conseil constitutionnel, faute d’accord d’harmonisation dans le délai imparti, il ne pourra pas être mis fin de plein droit à l'application des stipulations de la convention collective de la branche rattachée qui régissent des situations spécifiques à cette branche. Pour contredire l’exemple précité, les repos compensateurs supplémentaires seront-ils considérés comme spécifiques à cette « branche » ?

Les débats s’annoncent intenses sur ce sujet et in fine, bien malin celui qui pourra identifier au sein des accords (enfin de la « branche ») CHRS des situations spécifiques par rapport à la CCN du 15 mars 1966. La jurisprudence de la Cour de cassation ne devrait pas manquer de faire son œuvre pour délimiter ces nouveaux objets juridiques non véritablement identifiés. Ils pourront être rangés à côté de la notion de « garantie au moins équivalente » qui trouve à s’appliquer en cas d’accord collectif d’entreprise dérogatoire. Car n’oublions pas, la philosophie de la Direction générale du travail (DGT) reste la primauté donnée à l’accord collectif d’entreprise. Évidemment, les contraintes, notamment financières, propres au secteur bride les volontés d’émancipation du cadre conventionnel de branche. Il faudra d’ailleurs un jour reparler du devenir de la procédure d’agrément visée par l’article L314-6 du Code de l’action sociale et des familles (CASF).

Et demain ? 

Les chemins envisageables pourraient être les suivants :

  • soit s’ouvre un vaste chantier infra conventionnel (jusqu’en août 2026) alors que l’administration semble tout faire (y compris une incitation forte de revalorisation salariale) pour impulser une démarche tendant à la négociation d’une convention collective unique et étendue pour le secteur sanitaire, social et médico-social.
  • soit il s’agit simplement d’une étape intermédiaire, préalable mais nécessaire, à la construction du cadre conventionnel unifié : la « convergence conventionnelle » (option de continuité sans changement pour laquelle penche le cabinet).

À noter enfin que trois organisations syndicales ont exprimé qu’elles s’opposeraient à cette fusion « en usant de tous les moyens dont [elles disposent] ».  À notre connaissance, l’arrêté d’extension n’a fait l’objet d’aucune procédure devant le juge administratif. Les comptes rendus des commissions paritaires permanentes de négociation et d'interprétation (CPPNI) de septembre 2021 semblent confirmer cette absence de contestation. En conclusion, cette décision de l’administration n’a pas d’effets immédiats sur l’application des accords CHRS qui, à ce stade, sont simplement annexés à la CCN 66. Il faut évidemment regarder vers l’horizon et celui-ci s’annonce riche en négociation collective !

Arthur Lampert et Stéphane Picard, Picard avocats

Un prélude à une convention unique

À l’heure de la restructuration des branches impulsée par la Direction générale du travail (DGT), ce pluralisme conventionnel, héritage du passé propre au secteur médico-social, n’avait – faute de signataires suffisants à l’accord proposé par le syndicat employeur Nexem – aucune chance de perdurer plus longtemps. D’importantes craintes et une forte opposition s’étaient d’ailleurs élevées du côté de certaines organisations syndicales salariés suite à l’ouverture de cette négociation. Le moment choisi par la DGT n’est par contre pas anodin. Ce rattachement « administré » intervient quelques mois après la signature de l’accord de méthode dans le cadre de la mission Laforcade prévoyant expressément une revalorisation salariale sous condition de rapprochement effectif des conventions collectives du secteur [1]. À ce titre, la Confédération des employeurs du secteur sanitaire, social et médico-social à but non lucratif (Axess) a mené pendant l’été un groupe paritaire visant à la « convergence » des conventions collectives. Ses travaux devront être présentés lors des prochaines commissions paritaires permanentes de négociation et d'interprétation (CPPNI) de la branche associative sanitaire, médico-sociale et sanitaire à but non lucratif (Bass). Cette décision de l’administration est-elle un rappel à destination des partenaires sociaux ? Ce qui vient d’être décidé pour les accords CHRS pourrait-il, demain, être élargi à un périmètre bien plus important ? L’avenir nous le dira.

[1] La CCN 66, mais aussi la CCN de 1951, la Croix-Rouge française et les Centres de lutte contre le cancer.

Références juridiques

Arrêté du 5 août 2021

Code du travail, article L2261-33

Publié dans le magazine Direction[s] N° 202 - novembre 2021






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