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Droit du travail
Présomption de démission, le dispositif en pratique

17/07/2023

Le nouveau dispositif de présomption de démission d’un salarié est en vigueur depuis le 19 avril. Face au refus de certains salariés non vaccinés de réintégrer leur poste, malgré la levée de l’obligation vaccinale, le secteur constitue un terrain privilégié de son expérimentation.

Sans réponse à une mise en demeure de son employeur, le salarié qui rend sa blouse est jugé démissionnaire.

La loi Marché du travail du 21 décembre 2022 a institué une présomption de démission lorsqu'un salarié abandonne volontairement son poste et ne reprend pas le travail, malgré la mise en demeure de son employeur de justifier son absence. Le dispositif, qui prend le contrepied de la règle instituée de longue date par la jurisprudence [1], est en vigueur depuis le 19 avril [2].

1) Quelles situations sont concernées ?

La présomption de démission ne peut être utilisée que pour les salariés en CDI. En effet, les dispositions légales et réglementaires l’instituant sont insérées dans la partie du Code du travail relative à la rupture de ces contrats. Et pour cause : la démission n’existe pas pour le CDD.

Ensuite, elle n’a vocation à s’appliquer qu’en cas d’abandon de poste. Problème : ni la loi ni la jurisprudence ne définissent cette notion, notamment pour la distinguer de l’absence injustifiée. En pratique, de nombreuses dispositions conventionnelles et règlements intérieurs d’entreprise prévoient que le salarié dispose de 48 heures pour justifier son absence : l’employeur devra alors attendre l’expiration de ce délai pour adresser la mise en demeure. En revanche, si un salarié s’absente sans motif une journée sur deux, par exemple, l’employeur serait en droit de ne pas le rémunérer et le cas échéant de le sanctionner, mais il ne s’agit pas d’un abandon de poste.

2)  Quelles sont les étapes à suivre ?

L’employeur qui constate qu’un salarié a abandonné son poste et entend faire valoir la présomption de démission doit le mettre en demeure, par lettre recommandée ou remise en main propre contre décharge – ce qui apparaît assez illusoire dès lors que le salarié est par définition absent –, de justifier son absence et de reprendre son poste dans un délai qu’il détermine, mais qui ne peut être inférieur à quinze jours calendaires à compter de la date de présentation de la mise en demeure. Il est préconisé, au sein du courrier, de viser expressément les dispositions des articles L. 1237-1-1 et R. 1237-13 du Code du travail. Il est à noter que le délai laissé n’a pas à être prolongé s’il expire le week-end ou un jour férié. Si le salarié ne réceptionne pas le courrier, qu’il refuse de signer le recommandé ou d’aller le chercher, le délai qui lui est laissé pour justifier de son absence court à compter de la première présentation.

À l’expiration du délai, le salarié est présumé démissionnaire. Par conséquent, son préavis débute le lendemain du dernier jour qui lui était imparti pour justifier de son absence. S’il ne l’exécute pas, il ne lui est pas payé et l’employeur conserve la faculté de réclamer le versement d’une indemnité compensatrice égale au salaire qui aurait été versé pendant la durée du préavis non exécuté.

Attention. Les documents de fin de contrat, qui devront mentionner la démission comme motif de rupture, ne doivent être établis qu’à l’issue du préavis.

3)  Que faire si le salarié est protégé ?

Les dispositions légales et réglementaires sont muettes sur ce point. Néanmoins, le nouvel article L. 1237-1-1 du Code du travail a été inséré au sein de la section relative à la « Rupture à l'initiative du salarié ». Or, pour ce type de rupture, l’autorisation de l’inspecteur du travail n’est pas requise. En pratique, le contrôle de l’administration n'aurait ici que peu de sens puisque le contrat a été rompu par la – présumée – démission avant même qu’il ne soit saisi.

En revanche et, dès lors que le salarié peut contester la rupture de son contrat, le risque va être d’autant plus important s’agissant d’un salarié protégé. En effet, si le conseil de prud’hommes venait à considérer qu’il n’a pas « abandonné volontairement son poste », les sanctions seront celles afférentes à tout licenciement obtenu sans autorisation préalable de l’inspecteur :

- indemnité pour violation du statut protecteur (égale au montant des rémunérations qu'il aurait dû percevoir entre son éviction et l'expiration de la période de protection) ;

- indemnité pour licenciement nul (six mois de salaire minimum) ;

- indemnité de licenciement ;

- indemnité compensatrice de préavis.

Afin de sécuriser davantage la rupture, on pourrait donc être tenté d’aller sur le terrain « classique » du licenciement pour faute grave en raison de l’abandon de poste, avec saisine préalable de l’inspecteur du travail. Néanmoins, il est à craindre que l’inspecteur du travail suive la position ministérielle divulguée au sein de la foire aux questions (FAQ, lire l'encadré), bien que cette dernière ne lui soit aucunement opposable. Rien n'empêche toutefois – sauf les contraintes de temps – à ce que l’employeur saisisse l’inspecteur du travail d’une demande d’autorisation de licenciement pour faute grave et, en cas de refus ou d’incompétence soulevée par l’inspecteur du travail que l’employeur ne désire pas contester, aller sur le terrain de la présomption de démission.

4) Comment se déroule la contestation prud’homale ?

La présomption de démission en cas d’abandon de poste n’est qu’une présomption « simple » que le salarié peut renverser en agissant en justice. Le législateur a prévu une procédure « accélérée » puisque l’affaire est directement portée – c’est-à-dire sans préalable de conciliation – devant le bureau de jugement du conseil de prud’hommes, qui se prononce sur la nature de la rupture et les conséquences associées – requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse, voire en licenciement nul – dans un délai théorique d’un mois. En pratique, le salarié devra prouver que son absence n’est pas un abandon volontaire de poste et qu’elle est justifiée. Sur ce point, le décret dresse une liste non limitative de motifs pouvant justifier l’absence du salarié : raisons médicales, exercice du droit de retrait ou du droit de grève, refus du salarié d'exécuter une instruction contraire à une réglementation ou encore une modification du contrat de travail qui aurait été imposée par l'employeur. Toutefois, le texte prend le soin de préciser que « le salarié indique le motif qu'il invoque dans la réponse à la mise en demeure précitée » : reste à savoir, et il appartiendra au juge de trancher ce point, si cela signifie que si le salarié n’apporte aucune réponse à la mise en demeure, il ne peut plus ensuite, dans le cadre d’une instance judiciaire, se prévaloir d’un motif d’absence.

Enfin, l’employeur a lui aussi la faculté de saisir le juge pour réclamer l’indemnité compensatrice de préavis non effectué. Deux options s’offrent à lui : soit agir par voie d’action en saisissant le conseil de prud’hommes, cette fois selon la procédure classique impliquant un préalable de conciliation, soit par le biais d’une demande reconventionnelle à l’action engagée par le salarié qui conteste la rupture.

[1] Cass. soc. 6 oct. 2016, n° 15-17.549

[2] Décr. n° 2023-275 du 17 avril 2023

Cécile Noël, avocate counsel, Picard avocats

Une procédure alternative ou exclusive du licenciement disciplinaire ?

Dans sa FAQ, le ministère indique que « si l’employeur désire mettre fin à la relation de travail avec le salarié qui a abandonné son poste, il doit mettre en œuvre la procédure de mise en demeure et de présomption de démission. Il n’a plus vocation à engager une procédure de licenciement pour faute ». Outre le fait que ce document soit inopposable au juge comme à l’Administration, cette précision interroge : aucune disposition légale ou réglementaire ne mentionne que cette nouvelle procédure est exclusive du licenciement (contrairement à la rupture conventionnelle). Face au tollé suscité par la position du ministère, ce dernier a fini par supprimer la FAQ qui avait, entre-temps, fait l’objet d’un recours en excès de pouvoir devant le Conseil d’État. Si la position du ministère se révèle conforme à la volonté du législateur d’alléger l’impact budgétaire des abandons de poste pour Pôle emploi, de notre lecture et sous réserve de la position qu’adopteront les juridictions, rien n’interdit à l’employeur de préférer engager un licenciement pour faute grave à l’encontre du salarié ayant abandonné son poste. D’ailleurs, si le salarié est en CDD, l’abandon de poste ne peut faire l’objet que d’une rupture anticipée du contrat… pour faute grave.

Publié dans le magazine Direction[s] N° 221 - juillet 2023






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