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Silver économie
Une filière industrielle, pas comme les autres ?

23/04/2014

La structuration de la silver économie est sur les rails. Face aux ambitions des industriels, le secteur social et médico-social fait valoir ses priorités et rappelle celles des usagers, afin de multiplier les garde-fous.

Le cap ne dévie pas : l’emploi, encore et toujours. Impossible dans ces conditions, pour l’exécutif, de négliger les prédictions les plus optimistes énoncées par une récente enquête  du Commissariat général à la stratégie et à la prospective [1] : d’ici à 2017, le taux de croissance des entreprises de la silver économie devrait flirter avec les 14 % annuels, boosté par les perspectives démographiques. Toute une filière industrielle balbutiante que les pouvoirs publics entendent structurer en partenariat avec les acteurs économiques, les collectivités territoriales et… le secteur social et médico-social, notamment l'aide à domicile, décidé à ne pas se contenter d’un simple strapontin.

Faire de la France un leader de l’innovation

Le 24 avril 2013, c’est en grande pompe qu'Arnaud Montebourg et Michèle Delaunay, alors ministres en charge du Redressement productif et des Personnes âgées, donnaient le coup d’envoi de la silver économie. Des aides techniques les plus simples ou les plus perfectionnées (domotique, robotique…) aux transports et à l’habitat adaptés, en passant par les loisirs… Le spectre des activités et services déjà investis par les industriels est large. Le pari des pouvoirs publics ? Identifier, puis lever un à un, les obstacles pour faire de la France un leader de l’innovation au service de la longévité. Ce, par le biais d’actions concrètes, listées au sein d’un contrat de filière conclu en décembre dernier.

Un chantier dont l’orientation « très économique » n’a échappé à personne, surtout pas au champ médico-social. Seule organisation invitée à parapher le document final ? L’Union nationale de l’aide, des soins et des services aux domiciles (UNA). « Le secteur a quelque peu été oublié au démarrage, alors qu’il était beaucoup question du domicile et des services, raconte Rémi Mangin, chef de projet. À l’origine, la volonté affichée était claire : positionner la filière dans un développement purement économique, sans y intégrer les acteurs fonctionnant en partie sur des financements publics. »

Des déclinaisons régionales

Depuis, sur les territoires, ces acteurs se mettent en ordre de bataille, comme en Basse-Normandie, première Silver région désignée. « Pour adapter les orientations nationales à nos réalités, les acteurs travailleront ensemble autour de cinq ou six objectifs, encore à déterminer, explique Laurent Sodini, vice-président du conseil régional, à la tête du comité de filière local. Cela aboutira en juin à une feuille de route, dotée d’outils supplémentaires, comme des financements européens et le soutien de la collectivité via un appel à manifestation d’intérêt. L’enjeu est de faire du territoire un terrain de création, d’expérimentation et d’application à grande échelle de cette économie. »

Un objectif pour lequel l’expertise du secteur pourrait bien se révéler un atout précieux. « Les établissements et services ont tout intérêt à y mettre un pied pour orienter les échanges afin que, in fine, ce qui soit produit bénéficie aussi aux professionnels, confirme Rémi Mangin. Par ailleurs, nous avons une connaissance des besoins et des personnes, avec lesquelles nous entretenons une relation de confiance. Cela nous donne une réelle légitimité que les opérateurs ont bien compris : sans nous, ils ne trouveront pas de marché. » « Les services doivent être là pour conseiller, orienter et accompagner les personnes pour s’assurer qu’une aide est efficiente et appropriée, tout en restant dans la neutralité, prévient Didier Duplan, directeur général adjoint de la Fédération nationale Adessadomicile. Ils ne seront jamais des revendeurs de barres d’appui, faute de quoi ils ne seraient plus dans leur rôle d’accompagnement social. »

Objectif, professionnalisation

Parmi les axes du contrat de filière ? La professionnalisation des acteurs pour améliorer leur maîtrise des usages technologiques. Peut-être une opportunité toute trouvée pour faire avancer les priorités des équipes du domicile… « C’est l’occasion de remettre sur la table les questions de revalorisation du statut de l’intervenant et de la professionnalisation en général, au-delà de celle liée aux seules nouvelles technologies », reconnaît Rémi Mangin. Le renforcement de l’attractivité des métiers du domicile – ambition inscrite également dans le récent Plan pour les métiers de l’autonomie [2] – figure également au rang des projets. De quoi faire grincer les dents du secteur qui tire la sonnette d’alarme sur ses difficultés structurelles depuis plusieurs années. « Ce sont des objectifs généreux mais que personne ne veut payer, s’agace Alain Villez, conseiller technique à l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (Uniopss). Car, dans le même temps, les services sont sous-tarifés et on leur impose de baisser leur proportion de personnels qualifiés. »

Publics fragiles à préserver

C’est donc une vaste population qui est placée dans le viseur des entreprises. Un public, loin d’être homogène, rappelle les professionnels pour qui les plus fragiles ne doivent pas être considérés comme un simple marché. Les modalités du futur label, prévu par le contrat de filière, seront examinées à la loupe. Mais il faut aller plus loin avec la mise en place d’un comité d’éthique, plaide Adessadomicile. « Il devra identifier les aides effectivement facilitatrices afin d'éviter les effets d’opportunisme, avance Didier Duplan. L’État doit être garant des conditions de déploiement de cette économie, notamment si des financements publics y sont affectés. » En ligne de mire ? Les 140 millions d’euros dévolus au volet « prévention » de la future loi sur l’adaptation de la société au vieillissement, notamment à l’amélioration de l’accessibilité des aides techniques. « Ces crédits ne doivent pas être fongibles dans ce qui relève de l’aide humaine, reprend Didier Duplan. Le temps passé par les intervenants à aider la personne à s’approprier les nouveaux outils ne doit pas être intégrée dans le volume des plans d’aide. »

Un État régulateur

Le départ de Michèle Delaunay fera-t-elle pencher la balance au bénéfice de la dimension économique du projet ? « Il y a tout lieu de penser que  ce versant sera consolidé, prédit Alain Villez. Rien n’est moins sûr quant au renforcement de celui relatif aux services à la personne, en dehors des mesures prévues par le projet de loi Autonomie. » Pourtant, l’enjeu est de taille, assure Jean-François Goglin, conseiller en système d’informations à la fédération employeurs Fehap : « La silver économie peut nous permettre de passer d’une médecine a posteriori à une médecine de prévention par une meilleure anticipation des évolutions de la santé, en particulier grâce aux innovations en matière de nutrition. »

L’État a d’ores et déjà donné le sens de la marche. À lui maintenant d’assurer la régulation de ces activités qui, résume un professionnel, sont « loin de relever d’un secteur standard de l’économie ».

[1] Retours d’enquête sur la filière Silver économie, document de travail n° 2013-08, Commissariat général à la stratégie et à la prospective, décembre 2013

[2] Lire dans ce numéro p. 10

Gladys Lepasteur

Point de vue

Philippe Verger, directeur du centre gériatrique [1] du Muret d'Ambazac (Haute-Vienne) et directeur adjoint du CHU de Limoges

« Depuis 2004, le centre gériatrique, qui ne dispose pas d'unité fermée, utilise des bracelets-montres pour les résidants à risques. Nous envisageons d’étendre ce dispositif pour permettre la déambulation dans le parc de deux hectares. Comme toute nouvelle technologie, son utilisation doit être encadrée et sa pertinence mesurée en fonction des besoins de sécurité de la personne. Ici, outre une évaluation collective de l’équipe, l’avis de l’usager et de sa famille ainsi qu’une prescription médicale sont des prérequis indispensables. Nous sommes également très attentifs à la manière dont la personne âgée réagit. Enfin, l’outil n’est pas fiable à 100 % et il ne peut en aucun cas remplacer le personnel. Il doit être considéré comme un "plus" pour la sécurité, afin d’optimiser l'exercice du droit d’aller et venir. »

[1] Le centre gériatrique est expérimentateur de la charte relative à la géolocalisation du Comité national de bientraitance et des droits (CNBD).

Repères

La silver économie, ce sont un contrat de filière, six axes prioritaires, 49 Silver actions.

42 millions d’euros : c’est le montant du premier closing du fonds d’investissement de la silver économie, lancé en février dernier.

3 premières silver régions : Basse Normandie, Midi-Pyrénées, Aquitaine.   

Publié dans le magazine Direction[s] N° 120 - mai 2014






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