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Prime d'activité
Combats et débats

16/12/2015

Issue de la fusion du RSA activité et de la prime pour l’emploi (PPE), la prime d’activité a soulevé incertitudes et revendications dans le secteur de l’inclusion sociale au cours de l’année 2015. À l’heure de son entrée en application, les réseaux associatifs continuent de s’interroger sur ses apports dans la lutte contre la pauvreté.

Entreprise d’insertion de la fédération Envie, à Montbéliard (Doubs).

En vigueur depuis le 1er janvier 2016, la prime d’activité doit combattre à la fois les maux du revenu de solidarité active (RSA) activité et ceux de la prime pour l’emploi (PPE), qu’elle remplace. Les raisons de ce double échec, disséquées dans le rapport du député PS Christophe Sirugue en 2013 [1] ? Crainte de la stigmatisation associée à la prestation et absence de lisibilité pour le premier, avec pour conséquence un non-recours de l’ordre de 70 %… Et faible redistributivité (en moyenne 33 euros par mois par bénéficiaire en 2014) pour la seconde, moins bien ciblée sur les publics les plus précaires.

Mais le dispositif ficelé par le gouvernement [2], qui soutient l’activité « dès le premier euro perçu » en fonction des revenus du foyer, est-il à la hauteur de la mission qui lui est assignée ? Celle-ci pourrait tenir dans le triptyque « simplicité, lisibilité, efficacité ». « Le nombre de données à fournir par le demandeur est moindre que pour le RSA activité, les droits sont "figés" sur trois mois, ce qui est un réel élément de clarté quant au montant alloué, résume-t-on au secrétariat d’État en charge de la Lutte contre l’exclusion. Les actualisations sont réalisées via une déclaration trimestrielle de revenus, les évolutions de versement pourront être anticipées grâce à un simulateur de droits diffusé par la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf). »

Une lisibilité questionnée

L’enthousiasme est plus mesuré chez les acteurs de l’inclusion sociale, qui sont montés au créneau dès le printemps 2015, lorsque les contours du dispositif ont été dévoilés par le Premier ministre. Car aujourd’hui, les arbitrages retenus par le gouvernement ne semblent guère à la hauteur des attentes. « L’éligibilité à la prime dès l’âge de 18 ans est certes un progrès, mais imparfait dans la mesure où les jeunes actifs, étudiants et apprentis, devront atteindre un seuil de revenus de 0,78 Smic pour y prétendre », rappelle Bruno Grouès, animateur du collectif Alerte et conseiller Lutte contre les exclusions à l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux (Uniopss). « En outre, le mode de calcul s’avère complexe », poursuit-il. Comme en écho, en décembre dernier, la commission des affaires sociales du Sénat jugeait les caractéristiques de la prime d’activité proches de celles du RSA activité. « Il est donc à craindre que les mêmes causes produisent les mêmes effets », concluaient les parlementaires [3].

Un choix politique

Les associations ont aussi dû céder du terrain sur un autre front. Le gain financier permis par la prime est axé sur les travailleurs ayant déjà un certain niveau d’activité. « La revendication des réseaux associatifs était que l’effet financier lié à la prime commence à partir de 0,3 Smic, une option non retenue par le gouvernement », relève Florent Gueguen, directeur général de la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (Fnars). Jusqu’à 0,5 Smic, un bénéficiaire ne percevra donc pas davantage que dans le système antérieur. Le « bonus » commence au-delà, avec une pente ascendante jusqu’à 0,8 Smic. « Une part non négligeable des personnes en structures d’insertion, comme les associations intermédiaires (AI), est en-dessous du seuil de revenus déclenchant ce bonus », pointe Astrid Le Vern, responsable Appui aux politiques publiques de la Fédération Coorace.

« Le barème retenu n’apporte certes pas de gain aux travailleurs à temps partiel ou très partiel, mais n’occasionne pas non plus de perte, argue-t-on au secrétariat d’État. Et en parallèle, le RSA socle est revalorisé pour les personnes sans ou à très faible activité. »  « Le choix politique opéré est clair, insiste Astrid Le Vern. Cette prime ne vise pas à soutenir davantage celles les plus en difficulté. » Pour ces dernières, les pouvoirs publics souhaitent miser sur d’autres outils (lire l’encadré).

L’enjeu du recours

Selon les chiffres relayés par la députée PS Valérie Rabault [4], la prime d’activité ferait ainsi plus de 800 000 perdants – dont 396 000 se situent dans les trois premiers déciles de niveau de vie (soit en-dessous du Smic). Qui sont-ils ? Le secrétariat d’État évoque des « situations de conjugalité » (un conjoint à faible revenu dans un ménage aisé), ou le recentrage opéré par rapport à la PPE. « Les perdants sont rapidement décrits comme la femme de notaire, par exemple, ou le jeune diplômé qui a pu bénéficier de la PPE alors qu’entretemps il s’était inséré professionnellement, soulève Astrid Le Vern. Nous ne disposons malheureusement pas d’analyse plus fine des données. »

Autre regret des associations ? Un budget calibré – 4 milliards d’euros inscrits dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2016 – pour une hypothèse de taux de recours à 50 % cette année. Une enveloppe non fermée, qui suivra la montée en charge du dispositif, assure-t-on au secrétariat d’État. « Un objectif tout de même peu glorieux, commente Bruno Grouès. N’est-ce pas aussi admettre que la relative complexité de la prime n’incitera pas à y recourir ? »

« L’effectivité du recours est une inconnue, relève Astrid Le Vern. Il est prévu que les bénéficiaires du RSA activité basculent automatiquement vers la prime, mais quid des autres publics éligibles ? » Malgré ces accents pessimistes, l’heure est à la mobilisation des réseaux pour peser sur ce taux de recours. « L’information est un enjeu fort pour les structures d’insertion, mais aussi pour les associations gestionnaires de centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), où vivent près d’un tiers de travailleurs pauvres », soulève Florent Gueguen.

2016, année de rodage donc. Mais ensuite ? L’amendement « Ayrault » – dont le sort était incertain lors de l’examen du PLF pour 2016 en décembre dernier – pourrait aussi changer la donne, en proposant une contribution sociale généralisée (CSG) dégressive sur les bas salaires à partir de 2017. « Cette part de revenus reversée aux travailleurs viendrait pour partie remplacer la prime d’activité, glisse Bruno Grouès. Ce, au risque d’accroître encore la complexité du système aux yeux des bénéficiaires. »

 

[1] « Réforme des dispositifs de soutien aux revenus d’activité modestes », juillet 2013, à télécharger sur www.ladocumentationfrancaise.fr

[2] Loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi

[3] Avis sur le PLF pour 2016, "Solidarité, insertion et égalité des chances", novembre 2015, à consulter sur www.senat.fr

[4] Rapport sur le PLF pour 2016, au nom de la commission des finances de l’Assemblée nationale, octobre 2015, à consulter sur www.assemblee-nationale.fr

Justine Canonne

Territoires zéro chômage de longue durée : une « utopie réaliste » ?

Au milieu de politiques de lutte contre le chômage structurel largement à la peine, le projet « Territoires zéro chômage de longue durée », porté par ATD Quart Monde, propose une approche novatrice. Son responsable, Patrick Valentin, fait le pari que les coûts de la privation d’emploi (directs et induits, comme les dépenses liées à la fragilisation de la santé, le manque à gagner en cotisations sociales…) peuvent être réorientés vers des activités locales non couvertes par le secteur marchand. Celles-ci, définies par un comité local (élus, acteurs économiques…), seront exercées par tout chômeur de longue durée qui le souhaite, embauché en CDI à temps choisi, sur la base du Smic, par une entreprise conventionnée de l’économie sociale et solidaire (ESS) financée à cette fin. Un fonds ad hoc (10 millions d’euros par an) doit être institué par une proposition de loi d’expérimentation, qui était discutée fin 2015 à l’Assemblée nationale. Il permettra à une dizaine de territoires de le mettre en œuvre sur cinq ans. « Une utopie réaliste » selon les mots du député PS Laurent Grandguillaume, rapporteur du texte, qui escompte un démarrage à la rentrée 2016. Appuyé par le ministère du Travail, le programme ne concernera que quelques milliers de personnes dans cette phase de test.

 

Repères

  • 4 millions de ménages éligibles à la prime d’activité.
  • 67 euros, c'est le bonus mensuel maximal qu’apporte cette prestation par rapport au RSA activité.
  • 780 000 bénéficiaires du RSA activité (dont plus de 200 000 le cumulant avec le RSA socle) doivent percevoir automatiquement la prime d’activité.

Publié dans le magazine Direction[s] N° 138 - janvier 2016






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