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Directeurs de l'hospitalière
Quelle reconnaissance ?

18/09/2019

Une pénurie de candidats, des conditions d’exercice difficiles, la multiplication des vacances de postes… Les signaux alertant d’une perte d’attractivité de la fonction de D3S sont au rouge. Les organisations du secteur appellent à inverser d’urgence la tendance.

Moins 8 % en 2017, moins 18 % en 2018… Les chiffres du dernier bilan d’activité du Centre national de gestion (CNG) sur le nombre de candidats au concours de directeur d’établissement sanitaire, social et médico-social (D3S) sont sans appel. La pénurie de postulants s’accentue et le phénomène, auparavant circonscrit au concours externe, gagne l’ensemble des voix d’accès à la fonction. Conséquence, selon le CNG : en 2018, contrairement aux années précédentes, le jury n’a pas pu dresser de liste complémentaire, et les recrutements par voie contractuelle ne compensent pas la baisse des arrivées dans ce corps. Depuis 2014, le solde des entrées-sorties est même négatif.

Des tâches plus complexes

Si la baisse de candidats touche l’ensemble des concours d’encadrement de la fonction publique hospitalière (FPH), la situation se corse pour les D3S avec un nombre de postes vacants grandissants. « Surtout dans les territoires isolés : les jeunes préfèrent des postes en équipe de direction, à proximité d’une grande ville, beaucoup d'établissements médico-sociaux étant en milieu rural, souligne Delphine Uring, la présidente de l’association CoD3S. Un « cercle vicieux » qui entraîne une multiplication des intérims et complexifie la donne pour ceux en poste. « Des D3S jonglent avec trois, voire quatre intérims. Mais comment faire pour refuser à l’agence régionale de santé (ARS) ? La charge de travail devient insoutenable », illustre Anne Meunier, secrétaire générale du syndicat Syncass-CFDT.

De l’avis des organisations professionnelles, la dégradation des conditions de travail, de même que les évolutions du métier, jouent pour beaucoup dans le désamour des potentiels candidats. « C’est une fonction passionnante, mais beaucoup plus complexe qu’avant, notamment dans la dureté du management, l’exposition médiatique et les exigences plus fortes des familles », résume Pascal Martin, secrétaire général adjoint du syndicat CH-FO. « Et rares sont ceux qui n’ont encore en charge qu’un ou deux établissements. Les directions multiples deviennent la norme », surenchérit Frédéric Cecchin, vice-président D3S du syndicat SMPS.

Un métier en mutation

Ce changement d’échelle modifie en profondeur l’exercice du métier. Ce dont témoigne Hervé Pigale, aujourd’hui à la tête de cinq établissements. « Mon métier n’est plus le même. Je suis passé de la direction d’un foyer de l’enfance à une direction générale. C’est difficile d’être moins dans le quotidien au contact des usagers, mais c’est aussi une richesse : je croise les regards sur des champs différents avec de multiples interlocuteurs, je fais de la gestion de projet… »

Les emplois vacants proposés aux élèves directeurs (ED) cette année illustrent ces mutations, avec une majorité de postes d’adjoints. « C’est assez nouveau et marquant. Cela traduit les effets des groupements hospitaliers de territoire (GHT) qui intègrent des directions communes avec des centres hospitaliers de proximité, mais aussi des regroupements plus classiques entre établissements sociaux et médico-sociaux », décrypte Fernand Le Deun, responsable de formation à l’École des hautes études en santé publique (EHESP). Sur la liste : des fonctions d’adjoints, responsables de filière médico-sociale ou de direction fonctionnelle (ressources humaines – RH, logistique, finances), que « recherchent souvent les élèves venant du concours externe (60 % de la promo), pour une première expérience », poursuit-il.

Rompre avec l’isolement

Des postes aussi plus diversifiés et moins isolés. « L’exercice solitaire rebute un certain nombre. On voit sur le terrain cette volonté de travailler conjointement, au sein d’une direction commune ou de groupement de coopération, avec un partage de moyens. C’est une tendance de fond pour améliorer l’attractivité : créer un maillage entre établissements pour montrer le dynamisme d’un territoire et un esprit d’initiative », insiste Delphine Uring.

Une proposition également émise par le SMPS pour redorer le blason de la fonction. « Il faudrait pouvoir mettre en place des équipes de D3S de territoire qui se partagent des compétences : une direction générale d’un établissement pivot, avec d’autres, rattachés et gérés par des adjoints délégués de site. Chaque établissement aurait ainsi une spécialité (RH, qualité et travaux…) », suggère Frédéric Cecchin.

De quoi séduire suffisamment les nouveaux candidats qui frappent à la porte de l’EHESP ? « Il y a dix ans, les élèves étaient davantage issus de la filière sociale ou médico-sociale avec un parcours promotionnel type éducateur devenu chef de service… Aujourd’hui, ils ont souvent fait des masters 2 en droit de la santé par exemple, ou viennent du champ sanitaire, et ont pour certains une vision plus stratégique et opérationnelle du métier », détaille Fernand Le Deun. Des candidats qui se présentent souvent à l’ensemble des concours, soit aussi d’attachés d’administration hospitalière, directeurs d'hôpitaux (DH), des soins (DS), inspecteurs… « Certains deviennent D3S par vraie vocation pour les publics accueillis. D’autres, au hasard des concours, découvrent ce métier, parfois en gardant en tête l’idée de passer rapidement DH, ne serait que pour des questions de rémunération ou de carrière… », retrace-t-il.

Le parcours de Romain Aulanier, aujourd’hui ED3S (promo Philippe Croizon) illustre la situation. Après un an en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) comme ergothérapeute, il a repris un master en politique publique de santé pour tenter ensuite les concours de l’hospitalière : « Je n’ai pas eu à choisir entre DH et D3S car je n’ai pas eu le premier concours. Pour être honnête, le choix aurait été cornélien. Je suis aujourd’hui très satisfait, même si la richesse du métier de D3S et sa polyvalence sont moins bien reconnues… »

Vers une fusion DH-D3S

Avec une rémunération et une perspective de carrière plus intéressantes, la fonction de DH fait donc toujours de l’œil aux D3S. Surtout que, depuis 2009, la possibilité de détachement s’est concrétisée, de façon même exponentielle : représentant 4,8 % des sorties définitives du corps en 2011, elle est passée à 40,3 % en 2017. « C'est une bonne chose de pouvoir alterner avec des postes généralistes en grande proximité avec le terrain et d’autres avec des fonctions plus spécialisées. Et il y a aussi certains DH qui passent D3S, nuance Delphine Uring. Cette porosité est une richesse ! »

La proximité grandissante entre les deux corps est un argument pour les organisations comme le Syncass-CFDT ou CHFO qui revendiquent une fusion, notamment pour permettre aux D3S de gagner sur les plans indiciaire et indemnitaire. « Même s'ils ne sont pas intégrés d’emblée dans les GHT, on voit apparaître des intitulés de postes quasi-identiques aux DH avec une dimension plus experte sur le contrôle de gestion, la finance… », expose Pascal Martin.

Mais la fusion ne fait toujours pas l’unanimité.  « Ce n’est pas le même métier ! Je suis D3S et fier de l’être, tempête Hervé Pigale. L’aspect soin est un des éléments, mais nous dirigeons des lieux de vie et devons gérer tous les aspects que cela comprend comme l’accompagnement des familles. » Le SMPS, attaché à l’autonomie des établissements médico-sociaux, réfute également ce rapprochement. « Si on fusionne, qui voudra encore aller en Ehpad ? », argumente Frédéric Cecchin.

Reste que les acteurs s’accordent sur un point : la nécessaire revalorisation de la fonction. « Les D3S sont en retard sur le grade d’accès fonctionnel (Graf), l’accès à la hors-classe, le régime indemnitaire… Depuis 2008, rien n’a a été fait ! », s’agace Pascal Martin. Alors que la mission El Kohmri se penche sur l’attractivité des métiers du grand âge, Anne Meunier s’interroge : « A-t-elle conscience que les D3S sont aussi concernés ? » Et de prévenir : « Aujourd’hui, une page s’ouvre avec l’arrivée de nouvelles têtes à la Direction générale de l'offre de soins (DGOS), au CNG et au cabinet de la ministre. Nous n’avons pas dit notre dernier mot ! »

Laura Taillandier

Une nouvelle formation à horizon 2021

L’EHESP travaille à une refonte de la formation des quatre filières hospitalières (AAH, DH, D3S, DS) autour d’une approche par compétences, génériques ou spécifiques à chaque métier « indépendamment des grades », explique Fernand Le Deun. L’École entend introduire davantage d’individualisation avec une sorte de parcours à la carte où chaque élève compléterait les compétences qui lui manquent. Autre objectif : développer l’alternance, avec une semaine par mois à l’École par exemple, durant le stage de professionnalisation. « C’est plus attractif pour les élèves, en attente d'apprentissages opérationnels, et l’enseignement est davantage en lien avec leurs préoccupations professionnelles. » La réforme devrait être effective en janvier 2021. Sera-t-elle percutée par la mission Thiriez sur la refonte des formations de la haute fonction publique ? « Le rapprochement avec les autres écoles aura peut-être un impact, on parle d’une année de tronc commun… Nous avançons et nous verrons bien… », glisse, philosophe, Fernand Le Deun.

Repères

  • 153 : c'est le nombre de postes de D3S pourvus parmi les 344 proposés sur l’ensemble des mouvements en 2018 (hors publication pour les élèves en voie de titularisation).
  • Outre un cadencement indiciaire moins favorable que les DH, les D3S de classe normale ont un plafond de la prime de fonction et de résultats (PFR) également moins avantageux (36 000 euros contre 49 800 euros).
  • 10 points : c'est la marge de progression de la place des femmes en une décennie chez les DH et D3S, mais elles sont largement majoritaires chez les D3S (64 %) contrairement aux DH (48 %).

Publié dans le magazine Direction[s] N° 179 - octobre 2019






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