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Droit du travail
Un accord collectif sans délégué syndical

02/05/2018

Les règles du jeu viennent à nouveau d’être revues en matière de négociation d’accords collectifs dans les organisations dépourvues de délégué syndical (DS). Le point sur les changements à prendre en compte.

Depuis la loi du 4 mai 2004 [1], le législateur n’a eu de cesse d’ouvrir le champ de la négociation collective aux entreprises dépourvues de délégué syndical (DS). Les règles de cette négociation « dérogatoire » ont ensuite fait l’objet de réformes en 2008, 2015 puis 2016 [2].  

Les ordonnances dites Macron et leur loi de ratification sont venues modifier à leur tour le régime de la négociation d'entreprise. Le Conseil constitutionnel, bien qu’ayant censuré quelques dispositions de cette loi, en a validé la plus grande partie, notamment celles relatives à la négociation dans les structures dépourvues de délégué syndical.

 

Effectif

Négociateurs

Conditions de validité

Thèmes

Moins de 11 employés

Aucun

Référendum : validation du projet établi par l’employeur par la majorité des 2/3 du personnel

Tous thèmes ouverts à la négociation d’entreprise

Absence d’élu

11 à 20

21 à 49

Salariés mandatés

Référendum : validation par au moins 50 % des suffrages exprimés

Présence d’élus

11 à 49

Salariés mandatés

Référendum : validation par au moins 50 % des suffrages exprimés

OU

Titulaires élus au comité social et économique – CSE (mandatés ou non)

Signature par un ou des titulaire(s) au CSE représentant la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections

Au moins 50

Titulaires élus du CSE mandatés

Référendum : validation par au moins 50 % des suffrages exprimés

Tous thèmes ouverts à la négociation d’entreprise

À défaut d’élu mandaté : titulaires élus du CSE non mandatés

Signature par un ou des titulaires au CSE représentant la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections

Uniquement les mesures dont la mise en œuvre est subordonnée par la loi à un accord collectif

À défaut d’élu ayant manifesté son souhait de négocier : salariés mandatés

Référendum : validation par au moins 50 % des suffrages exprimés

Tous thèmes uverts à la négociation d’entreprise

Ce qui a changé au 23 septembre 2017

Désormais, dans les associations comptant moins de 11 salariés et dans celles de 11 à 20 en l’absence d’élu, l’employeur peut proposer au personnel un projet d’« accord » portant sur tout sujet ouvert à la négociation d’entreprise par la loi. Ce document, bien qu’élaboré unilatéralement par l’employeur, obtiendra la valeur juridique d’un accord collectif s’il est approuvé par la majorité des deux tiers du personnel [3]. Ce dispositif est une grande nouveauté, qui permet à l’employeur d’obtenir un accord collectif sans même passer par l’étape de la négociation.

Dans les organisations d'au moins 11 salariés et disposant d’élus, l’employeur était jusqu’ici tenu de négocier en premier lieu avec un élu mandaté. Cet ordre de priorité, maintenu pour les associations d’au moins 50 salariés, est supprimé pour celles employant 11 à 49 salariés. Dans ce dernier cas, l’employeur peut désormais engager directement les négociations avec des élus non mandatés ou des salariés mandatés.

Deux autres modifications sont à retenir dans les associations comptant 11 à 49 salariés :

  • suppression de la condition du référendum pour la validation des accords conclus avec un ou des élu(s) mandaté(s) ;
  • extension du champ du pouvoir de négociation des élus non mandatés à l’ensemble des thèmes ouverts à la négociation d’entreprise par la loi.

À noter. Dans les associations employant 50 salariés et plus, les modalités de négociation dérogatoire ne sont pas modifiées, les suppléants restent exclus du pouvoir de négocier.

La loi de ratification des ordonnances a par ailleurs fixé des règles de révision et de dénonciation des accords conclus en l’absence de délégué syndical.

Validation par référendum, comment procéder ?

Les conditions de mise en œuvre des référendums tendant à valider les accords collectifs [4] varient selon le type d’accord concerné. Dans tous les cas, les salariés sont informés des modalités du référendum, ce par tout moyen et au plus tard 15 jours avant la consultation.

Pour un accord conclu avec un ou des salarié(s) mandaté(s), le référendum est organisé par l’employeur (après consultation des signataires sur ses modalités) dans les deux mois suivant la conclusion de l’accord.

Si l'« accord » est élaboré unilatéralement par l’employeur (moins de 11 salariés ou 11 à 20 salariés en l’absence d’élu), ce dernier organise le référendum par tout moyen pendant le temps de travail. Le caractère personnel et secret de la consultation doit être garanti (ce qui exclut le vote à main levée). L’employeur, qui doit être absent lors de la consultation, en fixe les conditions du déroulement du scrutin (transmission de l’accord aux salariés ; lieu, date, heure de la consultation ; organisation et déroulement ; texte de la question posée). Le résultat de la consultation fait l’objet d’un procès-verbal, publié par l’employeur (par tout moyen) et annexé à l’accord en vue de son dépôt.

Quid de la contestation de ces accords dérogatoires ?

Le tribunal d’instance est compétent pour statuer, en dernier ressort, sur les contestations relatives à l’électorat [5] et à la régularité de la consultation [6].

L’action en nullité des accords collectifs conclus après le 23 septembre 2017 est soumise à un délai de prescription de deux mois (au lieu de cinq ans auparavant), hors délais spécifiques. Si l’une des parties signataires demande à ce que l’accord ne soit publié que partiellement sur le site de Légifrance, ce délai de deux mois ne court qu’à compter du moment où les parties ont « valablement eu connaissance » du contenu de l’accord [7].

[1] Loi n° 2004-391 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, article 47

[2] Lois n° 2008-789 du 20 août 2008  (rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail), n° 2015-994 du 17 août 2015 (dialogue social et emploi) dite « loi Rebsamen » et n° 2018-1088 du 8 août 2016 (travail, modernisation du dialogue social et sécurisation des parcours professionnels) dite « loi Travail »

[3] Code du travail, articles L2232-21 à L2232-23

[4] Code du travail, articles R2232-8 et suivants ; décrets n° 2017-1551 du 10 novembre 2017, n° 2016-1797 du 20 décembre 2016 modifié par décision du Conseil d’État du 7 décembre 2017 et n° 2017-1767 du 26 décembre 2017.

[5] Dans un délai de trois jours à compter de la publication de la liste des salariés devant être consultés.

[6] Dans un délai de 15 jours suivant la consultation.

[7] Décision du Conseil constitutionnel n° 2018-761 DC du 21 mars 2018

Marie Lahémade, avocate au Barreau de Paris, Picard Avocats, membres du réseau ACC3S

Représentants de proximité : une illusion pour le secteur ?

L’ordonnance mettant en place l’instance unique de représentation du personnel (comité social et économique – CSE) a également créé un représentant de proximité, pouvant être mis en place en complément [1]. Cette instance ne peut cependant être instaurée que par l’accord d'entreprise fixant le nombre et le périmètre des établissements distincts, sans qu’il ne soit possible de recourir à la négociation dérogatoire. Cette exigence va donc priver les associations dépourvues de délégué syndical, nombreuses dans le secteur, de leur représentation de proximité.

[1] Lire Direction[s] n° 162, p. 31

Références

Loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue

Ordonnances n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 et n° 2017-1385 du 22 septembre 2017

Décision du Conseil constitutionnel n° 2018-761 DC du 21 mars 2018

Publié dans le magazine Direction[s] N° 164 - mai 2018






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