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Cour nationale de la tarification sanitaire et sociale
L’étendue et les limites de la rationalisation budgétaire

08/02/2012

Depuis la reprise de son activité en 2007, la Cour nationale de la tarification sanitaire et sociale (CNTSS) a été conduite à interpréter les dispositions du droit budgétaire relatives à la rationalisation des dépenses. Des enseignements riches d’intérêt pratique en cette période de campagne budgétaire 2012.

Inventés par la loi « particulière » n° 86-17 du 6 janvier 1986, les mécanismes de rationalisation des dépenses budgétaires sont au nombre de deux : le recours aux dotations limitatives et la convergence budgétaire. Ils ont fait l'objet d'une consécration législative qui pousse désormais le juge du tarif à rompre avec sa jurisprudence traditionnelle sur la satisfaction des besoins de financement liés aux nécessités du fonctionnement normal d'un établissement ou d'un service social et médico-social (ESSMS). Ces mécanismes de limitation des ressources et de convergence budgétaire sont décrits à l'article L314-7-III du Code de l'action sociale et des familles (CASF), fondement législatif du pouvoir à pratiquer des abattements. Une déclinaison plus concrète de ce pouvoir est donnée par les articles R. 314-22 et 23 du même code qui recensent les motifs de justification des abattements. Devant interpréter ces dispositions plus draconiennes, la CNTSS s'est engagée dans une œuvre jurisprudentielle inédite, qui conduit à opérer les distinctions suivantes.

Abattements licites

Le temps où le juge du tarif n'admettait les abattements pratiqués qu'au motif du caractère injustifié ou excessif des propositions budgétaires au regard des besoins de l'établissement ou du service (1) est révolu. Désormais, ces abattements peuvent aussi être fondés sur l'incompatibilité des demandes avec le caractère limitatif de la dotation (2), sous réserve que la preuve de cette incompatibilité soit rapportée par l'autorité (3). Cette preuve, toutefois, ne peut résulter du seul constat que l'intégralité des crédits de la dotation a été allouée par le tarificateur (4) : il appartient à ce dernier d'établir en quoi la prévision budgétaire abattue rendait le dépassement de la dotation inéluctable (5).

Par ailleurs, les prévisions budgétaires peuvent être abattues au terme d'une comparaison des coûts à la place avec d'autres structures de la même catégorie au sens du point I de l'article L312-1 du CASF (6). Encore faut-il qu'il soit démontré que les ESSMS pris en comparaison délivrent effectivement des prestations comparables en termes de qualité de prise en charge (7). Soutenir qu'un coût à la place excède de 18 % le coût moyen national ne suffit donc pas (8).

Exceptions liées à des prévisions spéciales

Toutefois, le recours à des motifs d'abattement autres que le caractère injustifié ou excessif demeure interdit à l'autorité de tarification en présence de certaines demandes budgétaires pour lesquelles la loi n'admet le jeu ni du caractère limitatif des enveloppes, ni de la convergence tarifaire. Deux cas de figure sont à signaler. D'abord, la CNTSS a dégagé de l'article L314-6 un principe d'indépendance des législations qui proscrit que les charges du personnel puissent subir une minoration en deçà du niveau justifié par l'application mécanique des dispositions conventionnelles agréées (9). En outre, l'autorité de tarification ne peut refuser la reprise d'un résultat déficitaire au motif du dépassement de la dotation limitative, une telle justification n'étant pas prévue par l'article R314-42 du CASF (10). Sur ce point, il faut rappeler que le gestionnaire est toujours fondé à solliciter la réformation de la reprise du résultat de l'exercice N-2 à condition d'établir le caractère nécessaire du surcroît de charges au regard des nécessités du fonctionnement normal de l'établissement (11). Ce, même s'il n'avait pas à l'époque critiqué l'arrêté du compte de résultat (12) ou même s'il avait omis de produire le rapport de gestion requis par l'article R314-50 du CASF au compte administratif.

(1) CNTSS A.99.036 du 10 avril 1999 et  A.99.042 du 11 avril 2008
(2) CNTSS A.2007.025 et A.2008.033 du 11 juin 2010

(3) CNTSS A.2003.002 et A.2003.092 du 11 avril 2008 et A.2002.067 du 6 mars 2009

(4) CNTSS A.2004.053 du 20 novembre 2009, A.2007.013 du 18 décembre 2009 et A.2008.025 du 10 décembre 2010

(5) CNTSS A.2006.031 du 15 octobre 2010 et A.2007.014 du 10 décembre 2010

(6) CNTSS A.2003.108 du 6 mars 2009

(7) CNTSS A.2004.053 du 20 novembre 2009

(8) CNTSS A.2006.031 du 15 octobre 2010

(9) CNTSS A.2005.015 du 18 décembre 2009, A.2008.033 du 11 juin 2010, A.2007.001 du 15 octobre 2010 et A.2008.001 du 8 avril 2011

(10) CNTSS A.2009.002 et A.2009.007 du 8 avril 2011

(11) CNTSS  A.98.027 du 27 mars 2009

(12) CNTSS A.2008.028 du 11 juin 2010

Olivier Poinsot, avocat au barreau de Montpellier, chargé de cours à l’EHESP, l’IAE de Toulouse et au CNFPT

Publié dans le magazine Direction[s] N° 93 - mars 2012






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