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Administratif et juridique
Contrôles renforcés : l’enjeu de la conformité

01/03/2023

Le renforcement des prérogatives de contrôle administratif sur les établissements et services, inspiré par l’actualité récente mais aussi par une volonté stratégique de la puissance publique, doit alerter les directions. Et les inciter à prendre deux ensembles de mesures pour s’adapter à cette évolution.

La conformité implique pour les ESSMS plus de rigueur budgétaire mais aussi un renforcement de la qualité au service des usagers comme des équipes.

La parution du livre Les fossoyeurs et la prise en compte politique du « scandale Orpéa » sont à l’origine du renforcement du champ du contrôle des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS), opéré par le décret n° 2022-734 d’avril 2022, puis la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2023.

Ce texte a institué de nouveaux mécanismes dont l’objet est d’accroître le niveau de contrôle budgétaire des organismes gestionnaires et, notamment, des groupes privés lucratifs.

Des mesures pensées pour les holdings, puis généralisées

La notion de société exerçant le contrôle est ainsi élargie, notamment par la prise en compte de certaines circonstances de fait (par ex., administrateurs ou dirigeants communs). Par ailleurs, sont soumises au pouvoir de police administrative les sociétés commerciales qui contrôlent les ESSMS et les organismes gestionnaires, tant pour les activités autorisées que pour celles qui sont frauduleusement exercées sans autorisation.

L’Inspection générale des finances (IGF) du ministère de l’Économie se voit reconnaître une compétence de contrôle, sans autre précision, ce qui pourrait s’expliquer par la volonté de la doter d’un fondement légal qui faisait défaut. Avec l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), l’IGF peut ainsi contrôler tous les ESSMS, leurs organismes gestionnaires, ainsi que les sociétés holding et les fournisseurs et prestataires qu’elles contrôlent.

L’astreinte journalière en cas d’absence de réalisation des injonctions consécutives à une inspection passe de 500 à 1 000 euros. La sanction financière en cas de violation des dispositions du code de l'action sociale et des familles (CASF), auparavant de 5 % du chiffre d’affaires, est fixée à 10 % ; l’exercice de référence est le dernier exercice clos et l’assiette celle des activités réalisées dans toute la France dans un champ donné (par ex., les personnes âgées).

La procédure de reversement des charges injustifiées ou excessives et des produits non comptabilisés, déjà applicable aux structures sous contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens (CPOM), est étendue à celles qui sont en tarification règlementaire. En complément, une sanction financière pourra être infligée.

Enfin, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) peut désormais recouvrer les astreintes journalières et sanctions financières et encaisser les reversements des ESSMS relevant de l’objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) du médico-social. Un pouvoir d’injonction de communiquer des pièces est créé, éventuellement sous astreinte.

Les établissements et services, leur organisme gestionnaire et, le cas échéant, la holding qui le contrôle devront, à parution d’un décret d’application, se doter d’une comptabilité analytique retraçant l’emploi des fonds publics.

Quelles conséquences pratiques ?

Si les nouvelles dispositions sont de nature budgétaire et financière, le renforcement du contrôle invite à considérer plus globalement les mesures qu’il importe d’adopter pour s’y préparer.

Pour les organismes gestionnaires et les directions d’ESSMS, l’enjeu majeur reste celui de la conformité. Le risque associé est celui de la perte d’autorisation, alors que l’action administrative pourrait vouloir tirer partie de toute opportunité pour recomposer l’offre. Mais il ne faut pas négliger la possibilité qu’également, des usagers et leurs familles utilisent un rapport d’inspection (comme cela s’est fait dans les premiers contentieux Orpéa) comme base d’une action en responsabilité contractuelle. Il est donc important de prendre des précautions pour limiter les effets d’une inspection.

Procéder à un état des lieux

La première chose à faire est de disposer d’un diagnostic à 360° de la situation de l’ESSMS en termes de conformité juridique. En effet, sans un tel audit, il n’est pas possible d’identifier les faiblesses ni de hiérarchiser les niveaux de priorité des actions correctives. Les sièges sociaux des organismes gestionnaires de taille importante pourront soutenir les ESSMS qui en relèvent. Pour les autres, il faudra trouver des solutions à la fois fiables et faciles à mettre en œuvre par les membres du personnel, soit en tirant partie de la littérature professionnelle, soit en commandant un audit à un expert du droit spécialisé dans le secteur. C’est ce qu’avait recommandé la Défenseure des droits dans son rapport de mai 2021 sur les droits des résidents d’Ehpad. En dernier ressort et, à défaut de mieux, les établissements et services dénués de moyens suffisants pourront se tourner vers les fiches du référentiel d’évaluation de la Haute Autorité de santé (HAS) pour élaborer, à partir des fondements juridiques mentionnés, un référentiel d’audit à s’autoadministrer. Attention, les références citées par ces fiches ne sont pas nécessairement exhaustives et, le temps passant, peuvent devenir incomplètes, erronées ou obsolètes.

La démarche qualité, un atout 

La deuxième mesure consiste dans le fait d’intégrer de façon permanente le souci de la conformité juridique dans la définition des méthodes de travail ainsi que pour l’adoption des décisions. Deux prérequis apparaissent alors : d’une part, l’acquisition d’un réflexe de vérification systématique, d’autre part, l’accès à une information pertinente. Pour ce qui concerne les méthodes de travail, la démarche qualité constitue un atout : la formalisation des processus de travail est une bonne occasion d’identifier, tâche par tâche, la prise en compte du paramètre juridique. Pour ce qui a trait à la prise de décision, l’accès à des sources documentaires pertinentes ou, à défaut, à l’assistance d’un professionnel est recommandée Une directrice ou un directeur ne peut être un(e) « multi-spécialiste » et diriger suppose d’identifier les limites de ses compétences ou de celles de ses équipes. Le régime juridique des activités sociales et médico-sociales est devenu tellement complexe que sa maîtrise est devenue un métier en soi.

Analyser et résoudre les non-conformités

La troisième disposition à prendre, également itérative, tient à la nécessité d’évaluer régulièrement le maintien du niveau de conformité. Dans le cadre de la démarche qualité, de la gestion des risques (GDR) ou du contrôle interne, des autoévaluations ou des audits, internes ou externes, peuvent être réalisés. Par ailleurs, l’analyse de ce que les qualiticiens appelleraient les « non-conformités » (par ex., réclamations, événements indésirables graves, signalements, informations transmises par les représentants du personnel, retours des partenaires extérieurs) est utile pour sécuriser l’édifice.

Embarquer les équipes

La mise en œuvre de ces deux grandes familles d’action (intégration a priori du souci de la conformité, évaluation a posteriori de sa prise en compte) suppose une acculturation des professionnels qui peut être justifiée par plusieurs arguments correspondant à la réalité de la situation :

1°) l’établissement ou le service doit aux personnes des accompagnements de qualité, or il ne peut y avoir de qualité sans conformité ;

2°) la question de la conformité centrale pour éviter les risques d’engagement de responsabilité, que cela concerne l’organisme gestionnaire comme les salariés ou agents dans le registre disciplinaire ;

3°) la prise en compte de la conformité fait partie du professionnalisme et mérite considération, par exemple dans la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (comme la formation, l'évolution de poste, la promotion) ;

4°) le nouveau dispositif de l’évaluation pourra indirectement sanctionner l’établissement en cas de non-conformité (notamment au vu du chapitre 3.10 relatif à la démarche qualité et à la GDR) ;

5°) la recomposition de l’offre se fera au détriment des structures les plus fragiles sur ce sujet.

En matière de conformité, l’enjeu de l’acculturation des professionnels est analogue à celui de la qualité ou de la GDR, puisqu’il s’agit d’en faire une compétence professionnelle transversale, quotidienne et partagée. La formation-action semble être l'un des moyens les plus appropriés.

Pierre Naitali, avocat spécialiste en droit des associations et fondations, et Olivier Poinsot, juriste spécialisé, cabinet Accens avocats conseils

Références

- Décret n° 2022-734 du 28 avril 2022 

- Loi n° 2022-1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023

- Article L. 233-3 du code de commerce

- Articles L. 313-13 et suivants du CASF

- Instruction n° DGCS/SD4C/2022/240 du 7 décembre 2022 (modalités de mise en œuvre de l’ordonnance n° 2018-22 du 17 janvier 2018 relative au contrôle de la mise en œuvre des dispositions du code de l’action sociale et des familles et de l’article L. 412-2 du code du tourisme)

- Référentiel d’évaluation des ESSMS, HAS, 2022

Le contrôle administratif, un levier de recomposition de l’offre

À la différence du sanitaire, le secteur social et médico-social ne connaît pas de procédure de révision d’autorisation. L’organisme gestionnaire a un droit acquis qui ne peut être repris suite à une modification de planification. Mais si la puissance publique veut réduire les inégalités de santé et agir sur la nature et la localisation des activités, plusieurs procédés peuvent être employés de manière détournée. Le plus consensuel ? Les dispositifs alternatifs aux activités autorisées (dispositifs d’appui à la coordination, équipes mobiles d’aide à la scolarisation, plateformes de coordination et d’orientation, pôle de compétences et de prestations externalisées, plateformes emploi accompagné, points conseil budget). Les plus coercitifs : la restriction de tarification (maltraitance institutionnelle), l’évaluation (non-renouvellement d’autorisation) et le contrôle (retrait de l’autorisation).

La conformité : entre contrôle interne, qualité et gestion des risques

Contrôle interne, qualité et gestion des risques sont nés aux États-Unis après la théorie de l’agence et celle du choix public qui ont inspiré en France, par le rapport Picq de 1994, l’abandon de l’État-providence au profit d’une conception néo-libérale des politiques publiques. Ce changement de paradigme met en œuvre deux notions : 1°) fixer les objectifs, allouer les moyens et contrôler les résultats ; 2°) gérer les activités d’intérêt public comme des entreprises privées, en interdisant à l’administration d’être prestataire et en mettant les opérateurs en concurrence. Leurs finalités sont distinctes : conformité (contrôle interne), service du client (qualité), maîtrise des risques (GDR). Mais ces trois angles sont complémentaires car transversaux et d’application quotidienne. Par ailleurs, ils mettent en œuvre les mêmes outils : organisation fonctionnelle dédiée, description des processus, indicateurs, audits, plan d’action.

Publié dans le magazine Direction[s] N° 217 - mars 2023






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