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Centres éducatifs fermés
Une réussite en trompe-l’œil

04/07/2012

Malgré l’engouement des pouvoirs publics pour les centres éducatifs fermés (CEF), le secteur associatif pointe le risque d’altération de leurs missions. En attendant l’évaluation promise du dispositif et le cahier des charges actualisé, s’ouvre le chantier du passage à la dotation globale.

Dix ans après leur création (1), les centres éducatifs fermés (CEF) sont portés aux nues par les responsables politiques. Conçus comme une alternative à la prison pour les jeunes multirécidivistes âgés de 13 à 18 ans, ils seraient la réponse à la délinquance des mineurs. Encore en campagne, François Hollande a ainsi annoncé son intention d'étendre leur nombre de 44 aujourd'hui (2) à 80 d’ici 2017. Un développement déjà en cours avec la loi de programmation relative à l’exécution des peines du 27 mars 2012 (3), qui prévoit d’en ouvrir 20 supplémentaires dans les trois années à venir, par transformation de foyers traditionnels (4).

Une efficacité contestée

Sur ce sujet, l’absence de rupture avec la politique du gouvernement Fillon a été accueillie plutôt fraîchement par le secteur. « Les CEF sont présentés comme la solution miracle à toutes les problématiques, mais avant de les multiplier, il serait préférable de commencer par stabiliser les structures existantes », prévient Audrey Pallez, conseillère technique à la Convention nationale des associations de protection de l’enfant (Cnape). Reste qu’au fil des ans, un relatif consensus s’est dégagé autour de la pertinence du dispositif. « Ces établissements sont la seule structure contraignante, entre la prison et les foyers. Et des chiffres laissent penser que pour des placements supérieurs à sept mois, ils sont efficaces contre la récidive », analyse Michel Botbol, professeur de psychiatrie de l’enfance à l’université de Brest, ancien psychiatre-conseil à la Direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) jusqu’en 2011.

Toutefois, les données communiquées par l'administration sont contestées par certains. « La prétendue réussite de ces structures ne repose sur aucune étude fiable, proteste Natacha Grelot, du bureau national du syndicat SNPES-PJJ. Sans compter que les tentatives de bilan se contentent de sonder les chiffres de la récidive et de l’incarcération. En effet, le dispositif a été lancé dans un contexte sécuritaire. Pour évaluer son efficacité en termes de réinsertion, une convention a été signée, en 2008, entre l’ancienne garde des Sceaux, Rachida Dati, la Cnape et la DPJJ. « Nous avons élaboré un questionnaire permettant de faire état de la situation des jeunes à la sortie du CEF, six mois après et dix-huit mois après », explique Audrey Pallez. Il devrait être diffusé aux établissements fin 2012, « si le calendrier initial est respecté ».

Grands perdants ? Les foyers éducatifs

Mérité ou non, le succès des CEF a un prix. Dans leur récent rapport (5), les sénateurs Jean-Claude Peyronnet (PS, Haute-Vienne) et François Pillet (UMP, Cher), favorables par ailleurs à une consolidation du dispositif, mettent en garde contre l’« appauvrissement de la palette des solutions éducatives ». Ils estiment, en effet, à 30 le nombre de foyers classiques qui seront supprimés pour construire 20 nouveaux CEF (le taux d’encadrement étant supérieur dans ces derniers).

L’addition est salée pour les CEF eux-mêmes. D’une part, la loi du 10 août 2011 dite « Mercier » (6), en élargissant leur accès aux mineurs primo-délinquants, porte le « risque de dénaturer leur mission », soulève la conseillère technique de la Cnape. D’autre part, le contexte de maîtrise des dépenses, les place « face à une double contrainte, déplore Patrick Martin, président de la commission protection de l’enfance et jeunesse de l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (Uniopss). Ils se retrouvent coincés entre des objectifs qualitatifs très hauts et des moyens très bas ». Car si la loi de finances initiale pour 2012 prévoit bien une hausse du budget de la PJJ (en diminution depuis trois ans), l’effort est majoritairement consacré aux travaux immobiliers de transformation des foyers en CEF.

Un dialogue difficile

Dans le secteur associatif habilité (SAH), la grogne se cristallise autour de la baisse du taux d’encadrement (de 27 à 24 équivalents temps plein – ETP), rappelée dans la circulaire budgétaire de 2012 (7). Et associée à l’augmentation de la capacité d’accueil, fixée à douze places (comprise entre dix et douze jusque-là). Objectif de l’administration ? L’harmonisation avec le secteur public. « Nous sommes d’accord sur l’importance d’octroyer les mêmes moyens au public et au privé. Mais quel que soit le secteur, il faut comparer ce qui est comparable et prendre en compte le taux d’occupation réel », estime Audrey Pallez. « Il s’agit d’une décision unilatérale de la DPJJ, fermée à la concertation depuis l’été 2011 », regrette de son côté Patrick Martin. Reste à savoir si la diminution des ETP sera entérinée dans le cahier des charges actualisé (la dernière version date de 2008), qui sera porté par un arrêté. Attendu depuis plus d’un an, il pourrait également réaffirmer la nécessité de mieux former les personnels. La DPJJ assure que ses « dispositions réglementaires seront publiées prochainement ». Elle les a effectivement validées en comité technique central. Mais en l’absence des organisations syndicales, qui refusent de siéger pour marquer leur désaccord sur le fond et sur la forme des négociations.

Le spectre de la convergence tarifaire

La nouvelle équipe gouvernementale relancera-t-elle le dialogue avec les syndicats et le secteur ? Cela semble en tout cas être la volonté de la garde des Sceaux, Christiane Taubira, qui a mis l’accent à plusieurs reprises sur l’ « évaluation » et sur la « concertation ». Prévu pour l’exercice 2013, le passage de la tarification au prix de journée à celle en dotation globale de financement dans le SAH, constituera un test. Un groupe de travail, composé de la Cnape, de l’Uniopss, de la DPJJ et de ses services déconcentrés, planche depuis mars dernier sur la sélection d’une dizaine d’indicateurs, qui seront publiés dans un arrêté à paraître cet été. Outre les charges de personnels, le nombre de jeunes accueillis ou encore les frais de siège, certains indicateurs sont plus spécifiques à l’activité des CEF. « Par exemple, il a prévu de prendre en compte la distance moyenne entre le CEF et les tribunaux de grande instance qui lui confient des mineurs, car cela fait varier les coûts de transport », explique Xavier Thiebaut, conseiller technique pour la tarification à l’Uriopss d’Ile-de-France. Si la dotation globale promet plus de souplesse de gestion aux directeurs, le spectre de la convergence tarifaire plane sur les discussions. « Nous avions peur que ce soit un outil de tarification, mais l’administration nous a assuré qu’il s’agissait uniquement d’un élément de diagnostic pour répartir les financements, d’une grille de lecture, non d'une norme opposable », veut croire Xavier Thiebaut. Un engagement à surveiller sur la durée.

(1) Loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002, dite « Perben »

(2) 34 relevant du secteur associatif habilité et dix du secteur public.

(3) Une proposition de loi, récemment déposée au Sénat, entend la faire abroger.

(4) Il s’agit d’unités éducatives d’hébergement collectif (UEHC).

(5) Rapport d’information sur l’enfermement des mineurs délinquants : évaluation des centres éducatifs fermés et des établissements pénitentiaires pour mineurs, juillet 2011

(6) La loi Mercier élargit les conditions de placement sous contrôle judiciaire aux mineurs de moins de 13 à 16 ans qui encourent une peine d’au moins sept ans de prison, voire de cinq ans, dans certains cas.

(7) Circulaire JUSF120561C du 17 février 2012

Aurélia Descamps

Renfort en santé mentale : dans l’attente de la généralisation de l’expérimentation

Des personnels soignants spécialisés en psychiatrie. C’est le renfort accordé aux CEF retenus pour l’« expérimentation santé mentale ». Lancée en 2008, et étendue depuis à treize structures, elle semble porter ses fruits. Ces professionnels supplémentaires « repèrent les jeunes en souffrance psychique et assurent le lien avec les dispositifs spécifiques locaux, observe Michel Botbol, ancien psychiatre-conseil à la DPJJ. Qui prévient : « Il ne s’agit surtout pas d’en faire des CEF "psychiatriques" : il faut renforcer le réseau, pas les murs, sinon c’est la "pétaudière" ». Faute de moyens, l’expérimentation n’est toujours pas généralisée. Mais « un premier développement de ce dispositif à 15 CEF du secteur public supplémentaires [est prévu] », rappelle la DPJJ. Pour le secteur associatif habilité, les directions interrégionales vont « étudier l’opportunité et la faisabilité d’un renfort en moyens de santé mentale des CEF [dans la limite de 2,5 ETP de plus] dans leurs demandes pour le budget opérationnel de programme 2013 ».

Publié dans le magazine Direction[s] N° 98 - août 2012






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