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Contrats de remplacement
Attention à la requalification !

09/06/2010

Un salarié employé pendant deux ans, dans le même établissement avec 23 contrats à durée déterminée de remplacement, occupe un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

Cour de cassation, chambre sociale, 24 mars 2010, n° 08-42.186

« Le contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise »

L'analyse. Le recours au contrat à durée déterminée est très encadré par la loi. Il ne peut ainsi être conclu que dans certaines situations limitativement énumérées par le Code du travail (1) et, en tout état de cause, ne peut servir qu'à l'exécution d'une tâche précise et temporaire. En d'autres termes, en matière de contrat de travail, le contrat à durée indéterminée (CDI) est la règle, et le contrat à durée déterminée l'exception. Pour pourvoir un poste lié à l'activité normale et permanente de l'établissement, le recours au contrat à durée déterminé est impossible (2).

Le remplacement d'un salarié absent est l'un des cas de recours au contrat à durée déterminé permis par le Code du travail. Plus précisément, le recours à ce contrat est autorisé pour plusieurs cas :

- salarié absent (par exemple, en congés) ;

- salarié passé provisoirement à temps partiel (par exemple, en congé parental à temps partiel) ;

- salarié dont le contrat est suspendu (par exemple, en cas de maladie) ;

- salarié embauché en contrat à durée indéterminée, mais dont l'entrée en service n'est pas encore effective (par exemple, s'il a un préavis à effectuer chez son précédent employeur) ;

- salarié ayant quitté l'établissement définitivement et dont le poste va être supprimé.

En l'espèce, une salariée avait été engagée pour exercer les fonctions d'auxiliaire médico-psychologique, cumulant 23 contrats de travail à durée déterminée dont les motifs de recours étaient le remplacement de salariés en maladie, en congé annuel ou de récupération ou encore en formation. Ces contrats ont couru sur une période de plus de deux années consécutives. Si chaque motif de recours au contrat à durée déterminée de remplacement était bien justifié au regard des dispositions légales, le nombre élevé de contrats successifs et la durée totale pendant laquelle la salariée a été embauchée dans l'établissement a posé problème.

Pourvoir durablement à un emploi

En effet, pour la Cour de cassation, la régularité d'un besoin de remplacement, entraînant un renouvellement systématique des engagements conclus avec l'intéressée pour l'exercice des mêmes fonctions pendant une durée de deux ans, impliquait que le recours au contrat à durée déterminée avait, en réalité, pour objet et pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

En d'autres termes, si le besoin de remplacement dans un établissement n'est pas simplement ponctuel, mais s'avère réellement structurel, il est le révélateur d'un sous-effectif qui ne doit pas, et ne peut pas légalement, être pourvu par une succession de contrats à durée déterminée dont ce n'est pas l'objet. Ce sous-effectif pourra être absorbé, par exemple, par une nouvelle organisation du travail, une augmentation éventuelle du volume horaire des salariés à temps partiel s'il y en a, ou encore par une embauche en contrat à durée indéterminée.

En cas de recours au contrat à durée déterminée pour pourvoir un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, l'employeur encourt différents types de sanctions. La première est la requalification du contrat de travail par le juge en contrat à durée indéterminée.

Sanctions financières

Les autres sanctions sont financières : tout d'abord, la requalification entraîne la condamnation de l'employeur à verser une indemnité de requalification du contrat en CDI dont le montant sera d'au moins un mois de salaire (3). Ensuite, si le contrat requalifié avait déjà pris fin lors de la requalification, celle-ci entraîne également la condamnation à verser au salarié des indemnités de rupture d'un contrat à durée indéterminée. En effet, le contrat à durée déterminée étant en réalité un contrat à durée indéterminée, sa rupture est un licenciement, et doit être indemnisée comme tel. Or, l'ensemble de la réglementation relative au licenciement n'a nécessairement pas été respectée (entretien préalable, notification, cause réelle et sérieuse), la rupture est donc à la fois irrégulière (non-respect de la procédure) et injustifiée (absence de cause réelle et sérieuse). L'établissement pourra donc être condamné à verser d'une part les indemnités de rupture habituelles, c'est-à dire l'indemnité de licenciement, ainsi que celle de préavis et de congés payés, mais également une indemnité pour rupture abusive et/ou non-respect de la procédure. Enfin, en cas de requalification de son contrat en CDI, l'indemnité de précarité que le salarié a perçue à l'issue de son CDD lui restera acquise.

Au regard de la lourdeur des sanctions possibles, le recours au contrat à durée déterminée doit donc faire l'objet de précautions...

(1) Articles L1242-2 et L1242-3 (2) Article L1242-1 (3) Article L1245-2
Florence Riquoir, juriste Cabinet Capstan, pôle santé






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