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Droit du travail
Vigilance sur le report de l’entretien préalable

05/05/2021

Dans le cadre d’une sanction ou d’un licenciement, une demande de report de l’entretien préalable, qu’elle soit à l’initiative du salarié ou de l’employeur, doit respecter certaines règles concernant la notification, les délais, la convocation… Dans tous les cas, la prudence est de mise.

La procédure applicable en matière de sanction disciplinaire ou de licenciement est particulièrement encadrée par le Code du travail. Toutefois, la loi ne règle pas la question, pourtant fréquente, du report de l’entretien préalable à une date ultérieure à celle initialement fixée. Il est donc revenu aux juges d’en fixer les modalités et conséquences. En pratique, l’employeur doit faire preuve d’une particulière vigilance quant à l'impact du décalage de l’entretien sur les délais applicables.

Délai de prescription des fautes

Selon la loi, « aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales » [1]. L'acte d'engagement de ces poursuites correspond à la date d’envoi de la lettre de convocation (le cachet de la poste faisant foi) et non de sa réception ou de sa première présentation.

La lettre de convocation a ainsi pour effet d’interrompre le délai de prescription de deux mois [2], de sorte qu’un nouveau calendrier de même durée court à compter de la date d’envoi. Attention, l’interruption ne doit pas être confondue avec la suspension, qui est le fait d’arrêter le cours d'un délai jusqu’à un événement déterminé. En effet, ni la maladie du salarié, ni sa demande de report de l’entretien – quelle qu’en soit la raison – n’ont pour effet de suspendre la procédure disciplinaire [3]. C’est d’ailleurs pour cette raison que l'employeur n'est pas tenu, sauf dispositions conventionnelles contraires, de faire droit à la demande de décalage de l'entretien formulée par le salarié, même s'il est malade [4].

Par conséquent, lorsque l’entretien est reporté, à la demande du salarié ou à l’initiative de l’employeur, ce dernier a deux mois à compter de la date d’envoi de la première lettre pour « reprendre la procédure », c’est-à-dire pour adresser une nouvelle convocation [5]. Attention. La jurisprudence a pu, à la marge, adopter une position semble-t-il contraire dans des affaires où il a été uniquement tenu compte de la date de la première convocation, indépendamment de la seconde envoyée [6]. En tout état de cause, la célérité est de mise : une convocation tardive, indépendamment de la régularité de la procédure, est susceptible de nuire à la qualification de la faute grave qui est celle rendant impossible la poursuite immédiate du contrat de travail. En effet, sauf à ce qu’une vérification soit nécessaire, la mise en œuvre du licenciement pour faute grave doit intervenir dans un délai restreint à compter de la découverte des faits fautifs [7].

Le délai minimum entre la convocation et l'entretien

L’entretien préalable au licenciement

Lorsque le salarié demande le report de son entretien préalable et que l’employeur l’accepte, le délai de cinq jours ouvrables obligatoire entre la réception de la convocation et l'entretien [8] court à compter de la présentation de la lettre recommandée ou de la remise en main propre de la convocation initiale [9]. En telle hypothèse, l'employeur n’a d’ailleurs aucune obligation d’adresser une nouvelle convocation respectant les formes légales : il est simplement tenu d'aviser, en temps utile et par tout moyen, le salarié des nouvelles date et heure de cet entretien [10].

Au contraire et par précaution, lorsque l'entretien préalable au licenciement est décalé à l'initiative de l'employeur, il convient de respecter un nouveau délai de cinq jours ouvrables à compter de la première présentation de la nouvelle convocation.

L’entretien préalable à une autre sanction

Sous réserve des dispositions conventionnelles applicables, lorsque la sanction envisagée n’est pas un licenciement, aucun délai entre la réception de la convocation et l’entretien n’est fixé par la loi. La jurisprudence exige toutefois un « délai suffisant » [11] apprécié au cas par cas, de sorte qu’il est préconisé de respecter le même délai minimum de cinq jours ouvrables. Pour les structures appliquant les conventions collectives nationales du 31 octobre 1951 (CCN 51), du 15 mars 1966 (CCN 66) ou les accords CHRS, il conviendrait de respecter ce délai de cinq jours prévu en matière de licenciement dans la mesure où la sanction peut avoir à terme un effet sur la présence du salarié dans la structure (lire l'encadré).

Le délai de notification 

La sanction disciplinaire ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien [12].

Lorsque cet entretien a fait l’objet d’un report, il convient de distinguer deux situations :

  • Si l'entretien préalable a été reporté à la demande du salarié ou en raison de l'impossibilité pour celui-ci de se présenter au premier entretien, le délai d'un mois pour notifier la sanction court à compter du nouvel entretien ;
  • Si le report est à l’initiative de l'employeur, le point de départ du délai d'un mois demeure à compter de la date prévue pour l'entretien initialement fixé [13].

Face au peu de souplesse des juridictions sur le sujet, l’employeur qui envisage de solliciter ou d’accepter un report de l’entretien préalable doit donc systématiquement s’assurer qu’un tel report lui permette de respecter les délais légaux. Rappelons que si la méconnaissance des règles relatives à la procédure disciplinaire peut entraîner l’annulation de la sanction prononcée [14], tel n’est pas le cas du licenciement entaché d’une telle irrégularité qui est « seulement » sanctionné par une indemnité ne pouvant excéder un mois de salaire [15].

[1] Code du travail, article L1332-4

[2] Cass. soc., 26 octobre 2016, n° 14-26.918

[3] Cass. soc., 25 octobre 2007, n° 06-42.493

[4] Cass. soc., 6 avril 2016, n° 14-28.815

[5] Cass. soc, 17 janvier 2018, n° 16-18.172 ; CA Versailles, 4 novembre 2020, n° 18-02926

[6] Cass. soc., 26 octobre 2016, n° 14-26.918 ; CA Paris, 17 juin 2020, n° 18-05863

[7] CA Versailles, 31 janvier 2019, n° 17-01623

[8] Code du travail, article L1232-2

[9] Cass. soc. 24 novembre 2010, n° 09-66.616

[10] Cass. soc., 29 janvier 2014, n° 12-19.872

[11] Cass. soc., 31 mai 2000, n° 98-42.130

[12] Code du travail, article L1332-2

[13] Cass. soc., 27 novembre 2019, n° 18-15.195

[14] Code du travail, article L1333-2

[15] Code du travail, article L1235-2

Cécile Noël, juriste, Picard avocats

Le cas des CCN 51, 66 et des accords CHRS

En principe, la convocation du salarié à un entretien préalable n’est pas obligatoire lorsque la sanction envisagée – tel un avertissement ou un blâme – n’a pas d’incidence sur sa présence dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération. Par exception, les structures appliquant les conventions collectives nationales du 31 octobre 1951, du 15 mars 1966 et les accords CHRS sont tenues de convoquer le salarié à un entretien préalable quelle que soit la sanction envisagée, puisque les licenciements pour faute simple doivent être précédés d’une ou deux sanctions selon la convention, de sorte que toutes les sanctions sont susceptibles d’avoir des effets sur la présence du salarié dans la structure [1].

[1] Cass. soc., 3 mai 2011, n° 10-14.104

Publié dans le magazine Direction[s] N° 197 - mai 2021






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