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Tribune
« La supervision, un levier du management des équipes »

28/12/2022

Pour que la supervision, élément clé de l’analyse des pratiques professionnelles, soit un vecteur de réussite du management des équipes, il est nécessaire, voire indispensable, que les chefs de service se posent en maillons forts de la démarche. Et ce afin de partager et de diffuser les réflexions tant du terrain que de l’encadrement et d’en extraire une pensée commune.

Analyser les pratiques professionnelles, c’est apporter un regard sur des situations et le quotidien des équipes, mais également observer comment travaillent ces équipes en direct.

Comment faire fonctionner cet espace et comment en faire un levier managérial efficient ?

Analyse des pratiques professionnelles versus supervision

L’analyse des pratiques professionnelles (APP) est un moment réservé aux équipes de terrain permettant, à l’aide d’un tiers, de réfléchir sur une situation complexe qu’elles traversent. On a classiquement invité ces professionnels et exclu les acteurs hiérarchiques de cet espace. Ceci semble préjudiciable. En effet, une supervision est plus pertinente en comprenant le travail de l’APP et en mobilisant également l’encadrement pour une analyse institutionnelle plus globale. Ce dernier est d’ailleurs en partie également sur le terrain. La supervision dézoome des pratiques pour aller vers le fonctionnement groupal afin de mieux comprendre en quoi les pratiques peuvent avoir des difficultés à se mettre harmonieusement en œuvre.

Il nous paraît nécessaire d’inclure tous les acteurs d’une institution (opérationnels et décisionnels) pour une supervision efficace qui ne peut concerner que les travailleurs sociaux. Sinon les oppositions ou clivages peuvent être alimentés et rendre le travail fastidieux voire inopérant. L’avantage d’espace de supervision « commun » est de replacer « la mission », « l’objectif » au centre des actions et ce peu importe la place de chacun dans l'organisation. Quelles que soient les spécificités, il ouvre une possibilité de se parler de ce que nous comprenons, l’occasion d’observer des répétitions pour agir sur la tenue d’un cadre professionnel à réajuster.

Circulation de l’information et prise de décisions

Le superviseur n’est pas uniquement présent pour s’occuper de la pensée des travailleurs sociaux, mais appelle à mettre au travail des réflexions partagées quelle que soit la fonction des personnes au sein du groupe, afin de pouvoir en extraire une pensée commune à l’équipe.

Cet espace, soumis au secret, dispose d’un cadre et de règles posés concernant la protection de cette parole au sein du groupe. Néanmoins, les informations circulent dès lors que l’ensemble des acteurs y sont conviés.

La présence du chef de service, cadre intermédiaire appartenant à la fois à l’équipe éducative et l’équipe d’encadrement, permet aux informations de circuler. La supervision a pour objectif de modifier le regard porté sur une situation, d’engendrer de nouvelles postures et stratégies. En l’absence du chef de service, comment penser que cela puisse faire sens pour une équipe ?

Sa présence est nécessaire, voire même indispensable, pour qu’une activation harmonieuse s’opère, c’est-à-dire relancer une collaboration pour que l’équipe au complet s’observe fonctionner et trouve ses propres solutions.

Mais la supervision n’est pas un espace de décision. C’est bien au chef de service à qui il appartient de prendre ses responsabilités dans les espaces dédiés, et non au superviseur de pousser à une décision précise.

Trois points de bascule permettent d’ouvrir un questionnement de l’espace de parole à l’ensemble de l’institution :

  • La présence systématique des cadres psychologues ;
  • Celle aussi des cadres chefs de service ;
  • La possibilité pour l’équipe d’inviter ponctuellement le directeur ou directeur adjoint.

L’espace d’analyse comme échantillon de l’institution

Ce que nous entendons et observons en supervision nous fournit des indices sur le fonctionnement de l’équipe : perdue, bien cadrée, très autonome, autodidacte, révoltée, déprimée. Ses peurs, son enthousiasme, sa malice, son agressivité ou son orgueil peuvent également nous indiquer les enjeux qui la traverse.

Les difficultés que peut traverser le superviseur, la supervision, sa mise en place et son déroulement peuvent se lire sous l’angle des enjeux de l’institution, notamment son mode de fonctionnement et ses styles de management. En clair, elle s’infiltre et se ressent à travers les positionnements des salariés et les défis posés en séances de supervision. Les silences et les impossibilités de se dire ce qui déplaît sont par exemple pertinents à comprendre, non plus au niveau relationnel, mais en fonction des sous-groupes qui se sont formés.

Un exemple est la présence des chefs de service en supervision systémique. Elle peut se justifier de manière claire : la mise en route d’une équipe complète est demandée pour travailler sur des situations. Mais en pratique une minorité se sentira menacée à l’idée de penser et de parler de ces sujets sous le regard de leur supérieur hiérarchique, craignant un jugement ou des « représailles ». Le contrat de la supervision impliquant respect, écoute et bienveillance ne suffit pas à endiguer une peur groupale reliée au fonctionnement effectif ou fantasmée de l’institution. Nous prêtons donc attention aux difficultés habituelles qui se présentent, comme :

  • Remettre en question le cadre de la supervision pourtant acceptée au départ ;
  • Ne pas rendre ses équipes disponibles ;
  • Ne pas participer activement à la supervision parce que cela serait montrer une faiblesse ;
  • Utiliser ce temps pour y rejouer des revendications syndicales ;
  • Se servir cet espace pour ne plus parler des usagers, mais uniquement de la souffrance personnelle.

Quels leviers d’action managériaux ?

Pour les managers, il s’agit de bien percevoir que l’enjeu principal est celui d’un travail de chef d’orchestre, tout en sachant que l’encadrement n’est pas neutre et ne peut analyser les difficultés sans s’y inclure. Il faut différencier l’analyse d’un responsable, qui est un point de vue, et la réalité du problème, qui est toujours plus large et complexe qu’il ne lui paraissait. Souvent dans la minimisation de son influence, la direction ne fait pas cela intentionnellement : elle pense observer de manière neutre, détachée et objective alors qu’elle est actrice.

Voici quelques leviers que le chef de service, au besoin le psychologue de l’équipe ou la direction, si elle y est conviée, doit observer en supervision et en tirer des actions concrètes par la suite :

  • Décoder les enjeux des partenaires de travail pour s’y adapter ;
  • Aider l’équipe à se positionner, à trouver une identité et des limites en établissant un projet institutionnel clair, explicite, sans injonctions floues et contradictoires ;
  • Ne pas tenter de régler sans cesse des difficultés de terrain en omettant de réfléchir sur leur apparition ou répétition (par exemple, des démissions chroniques qu’on imputerait à l’air du temps). Les symptômes institutionnels à travers une crise révèlent en fait une problématique qui est souvent bien installée : peur de l’autorité d’écrire des notes, compenser le travail des autres… ;
  • Planifier et avoir une vision globale, amener à séquencer le travail de son équipe de terrain et à s’organiser pour répondre à la fois à la temporalité prévisible, mais également à l’urgence ;
  • Pousser à la responsabilisation de chacun et sortir de l’injonction autoritaire ou à l’inverse la surprotection (notamment par le mensonge ou en faisant le travail dévolu à un autre sur le long terme).

Exemplarité oblige

Le chef de service participe donc à l’analyse des situations, à la restitution groupale auprès du superviseur et à une réflexion. Il est également présent pour observer autrement le fonctionnement de son équipe, entendre ce dont ses membres ont besoin et percevoir ses habitudes de travail. Il doit participer à une réflexion à visée d’optimisation de l’ingénierie groupale : comprendre par exemple que ses équipes doivent se réunir, maîtriser la temporalité, savoir quoi transmettre, à qui et comment. Il doit percevoir les jeux de dépendances qui se jouent, les réticences collectives, les peurs, saisir ce qu’il peut modifier dans sa position d’accompagnateur pour que les missions soient les mieux accomplies. Il ne peut rester au niveau du travail social de terrain et saisir qu’il est attendu pour donner une direction efficiente à toute une équipe : ne pas simplement prévoir les plannings et viser à une meilleure autonomisation de chacun et à faire jaillir plus de créativité.

Ce faisant, il viendra également travailler sa place et ses fonctions au sein de son équipe, mais également au sein de celle de direction. Bien entendu, une exemplarité est attendue, il ne pourra réclamer une présence effective durant le service, une remise des rapports à temps ou la transformation d’idées en action que s’il s’applique à lui-même ces principes.

Au niveau supérieur, il en va de même pour la direction, qui se doit d’observer avec le chef de service, si son mode de management est opérant pour respecter à la fois les besoins des travailleurs que des personnes accompagnées. Les commandes floues provenant du haut de la chaîne hiérarchique ou les difficultés rencontrées dans l’encadrement entraînent toujours et irrémédiablement des difficultés auprès des équipes de terrain. C’est en cela qu’il nous semble opportun de ne pas entretenir l’idée que le travail ne serait à faire uniquement qu’auprès des travailleurs sociaux.

Maximilien Bachelart

Carte d’identité

Nom. Maximilien Bachelart

Fonction. Docteur en psychologie, superviseur et dirigeant de l’Institut du Comment.

Publications. « Révéler la créativité des équipes éducatives avec l’approche systémique », ESF, 2021 ; « La supervision systémique en protection de l'enfance », ASH n° 3239-3240, 24 décembre 2021.

Publié dans le magazine Direction[s] N° 215 - janvier 2023






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