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Droit du travail
Éviter les pièges du contrat à durée déterminée

31/01/2024

Dans un contexte de crise de l’emploi, qui donne une place prépondérante aux candidats, et d’évolution de la place du travail dans la vie de la jeune génération, l’embauche en contrat à durée déterminée est plus que jamais d’actualité. Mais engager un salarié sous contrat précaire nécessite d’être rigoureux.

1) Signer un CDD pour un poste pérenne

Certains candidats refusent de signer un contrat à durée indéterminée (CDI), car ils ne souhaitent pas s’engager à long terme et comptent sur la perception de l’indemnité de précarité pour augmenter de 10 % leur salaire. Or, le contrat à durée déterminée (CDD) reste l’exception et ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire et dans des cas limitativement énumérés, les plus usités dans le secteur sanitaire, social et médico-social étant le remplacement d’un salarié absent et l’accroissement temporaire d’activité.

2) Indiquer un faux motif

Les cas de recours étant strictement énumérés par la loi, il convient de choisir le motif correspondant exactement à la situation. Un CDD ne peut comporter qu’un seul motif, étant stipulé que celui-ci doit être précisément énoncé. Ainsi, la simple indication que le contrat est conclu pour un surcroît d’activité est insuffisante : il y a lieu de détailler quelle activité subit un accroissement et les raisons de celui-ci.

L’énoncé de l’objet du contrat est essentiel, dès lors qu’en cas de contentieux en requalification c’est à l'employeur qu’il appartient de prouver la réalité des motifs énoncés.

À noter. Parmi les exceptions à l’énoncé d’un motif précis figure le CDD senior, conclu pour faciliter le retour à l’emploi d’une personne âgée de plus de 57 ans inscrite depuis plus de trois mois comme demandeur d’emploi ou bénéficiant d’une convention de sécurisation professionnelle.

3) Remettre le contrat au salarié hors délai

Certains employeurs mettent du temps à rédiger le contrat et à le remettre au salarié. Or, la règle est que le CDD écrit et signé doit être transmis au salarié au plus tard dans les deux jours ouvrables suivant son embauche. Il est donc recommandé d’établir le contrat avant l’embauche et au plus tard dans les deux jours. Et surtout de se ménager la preuve de sa remise dans les délais, par la signature d’un écrit confirmant la date de remise en main propre contre décharge.

4) Négliger la signature du salarié

Le défaut de signature du nouvel embauché est assimilé à l’absence d’écrit. Il est donc important de relancer la recrue qui omet de signer le contrat dans les deux jours, afin de régulariser la situation ou d’établir dans la mesure du possible, sa mauvaise foi ou son intention frauduleuse.

5) Omettre des clauses obligatoires

Il n’est pas rare de rencontrer un CDD dont la rédaction est incomplète. Pour rappel, il doit obligatoirement comporter, outre la définition précise de son motif :

- en cas de remplacement, le nom, la qualification et la catégorie professionnelle du salarié remplacé ;

- le terme fixé précisément ou la durée minimale en cas de contrat sans terme précis,

- la désignation du poste de travail ou de l’emploi occupé ;

- l’intitulé de la convention collective applicable ;

- le montant de la rémunération et de ses accessoires ;

- le nom et l’adresse de la caisse de retraite complémentaire et de l’organisme de prévoyance ;

-  la durée de la période d’essai éventuellement prévue.

Le risque encouru diffère selon les clauses omises, certaines étant obligatoires à peine de nullité, notamment la définition du motif, le nom/qualification du salarié remplacé et, selon le cas, le terme ou la durée minimale du contrat.

6) Être imprécis quant à la durée ou le terme

Le libellé du contrat doit être clair sur le choix d’un terme précis ou non. Dans le secteur, il n’y a guère que le CDD de remplacement qui peut comporter un terme imprécis.

Concrètement, lorsque le contrat est conclu de date à date, il faut fixer clairement la date de fin. Lorsqu’il  comporte un terme incertain, il faut préciser la durée minimale et définir sans ambiguïté l’évènement qui mettra fin au contrat. Notre recommandation est d’indiquer que le terme interviendra au retour du salarié absent ou à son départ définitif. Il est également permis de limiter la durée du remplacement à une catégorie d’absence en particulier. À titre d’exemple il peut être précisé que Madame A remplace Madame B pour la durée de son absence maladie et jusqu’à son retour de maladie, de sorte que si la suspension du contrat de Madame B se poursuit en raison d’un congé parental d’éducation total, un nouveau CDD devra être signé par Madame A.

7) Insérer des périodes d’inactivité dans un CDD multi-remplacement

Le recours à un CDD pour remplacer un ou plusieurs salariés est autorisé à titre expérimental dans la branche de l’aide à domicile (BAD) et la branche associative sanitaire et sociale (Bass) jusqu’au 13 avril 2025. Sa rédaction doit être particulièrement attentive dans l’énoncé de sa durée, du motif, de la durée du travail applicable, de la qualification et la rémunération du remplaçant.

Le CDD multi-remplacement n’est pas un contrat intermittent, il est fait pour remplacer des absences concomitantes ou immédiatement successives et ne saurait donc comporter des périodes d’inactivité.

En outre, la faculté de conclure des avenants pour pourvoir au remplacement d’un nouveau salarié, n’écarte pas le principe selon lequel ce CDD ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

8) Dépasser les durées maximales autorisées

Selon le cas de recours utilisé, la durée maximale varie. Sauf disposition conventionnelle dérogatoire, la durée maximale du contrat à terme précis est de dix-huit mois, compte tenu, le cas échéant, des renouvellements. Elle est réduite à neuf mois, en cas d’attente de l’entrée en service d’un salarié recruté en CDI et portée à vingt-quatre mois en cas de remplacement d’un salarié dont le départ définitif précède la suppression de son poste, voire à trente-six mois, pour le CDD senior.

9) Licencier le salarié ou accepter sa démission

En dehors de la période d’essai, les modalités de résiliation unilatérale des CDD sont distinctes de celles régissant les CDI.

Un CDD ne peut être rompu avant l’échéance de son terme qu’en cas de faute grave du salarié ou de l’employeur, force majeure, inaptitude du salarié, rupture d’un commun accord ou enfin embauche du salarié en CDI.

Il n’est donc pas possible de licencier un salarié pour insuffisance professionnelle, faute simple ou en raison d’une absence désorganisant l’activité rendant le remplacement définitif du salarié indispensable.

En outre, un salarié en CDD ne peut pas démissionner. En principe, il y a lieu de considérer qu’il formule une demande de rupture anticipée, que vous pourrez accepter en régularisant un accord amiable.

10) Renouveler au-delà de la limite autorisée

Seuls les contrats à terme précis peuvent être renouvelés.

Le nombre de renouvellements autorisés est limité à deux, en l’absence de disposition conventionnelle dérogatoire dans le secteur.

Le renouvellement doit faire l’objet d'un avenant signé par le salarié avant l’arrivée du terme du contrat initial. Il conviendra alors de préciser expressément qu’il s’agit d’un avenant de renouvellement, sous peine qu’il soit considéré comme un nouveau contrat, avec la nécessité de respecter un délai de carence. En toute hypothèse, la durée totale du contrat, renouvellement compris, ne doit pas dépasser la durée maximale légale prévue pour chaque cas de recours. En outre, renouveler un contrat consiste à prolonger le contrat initialement conclu avec le salarié, il n’est donc pas possible de modifier unilatéralement le contrat à cette occasion.

11) Ne pas respecter le délai de carence

En l’absence de disposition conventionnelle dérogatoire dans les branches du secteur, un délai de carence doit en principe être respecté entre deux CDD conclus sur un même poste avec le même salarié ou un salarié différent. Ce délai équivaut au tiers de la durée du contrat initial, renouvellement(s) inclus, si la durée du premier contrat est au moins égale à quatorze jours, et à la moitié, s’il est inférieur à quatorze jours.

Le délai de carence est cependant écarté en cas de remplacement, de contrat conclu dans le cadre de la politique de l’emploi ou pour assurer un complément de formation, contrat saisonnier ou d’usage. Il s’applique donc dès lors que l’un des contrats qui se suivent est conclu pour un motif d’accroissement temporaire d’activité.

Mais aucune carence ne devra être respectée après une rupture anticipée du contrat précaire par le salarié ou après un refus de renouvellement de son contrat.

12) Poursuivre le CDD au-delà de son terme

Le CDD à terme précis cesse de plein droit à la date convenue et celui conclu à terme imprécis a pour terme la fin de l’absence de la personne remplacée ou la réalisation de l’objet pour lequel il a été conclu. Si la relation de travail se poursuit après l’échéance du terme du CDD, celui-ci devient un contrat à durée indéterminée, sans régularisation possible (présomption irréfragable).

13) Proposer un emploi similaire en CDI sans aucun formalisme

Depuis le 1er janvier 2024, il est obligatoire d’établir un écrit lorsque vous proposez à un salarié après l’échéance du terme de son CDD de poursuivre sa relation de travail via un CDI, pour occuper le même emploi ou un emploi similaire, assorti d’une rémunération au moins équivalente, pour une durée de travail équivalente, relevant de la même classification, sans changement du lieu de travail. En cas de refus du salarié, vous devez en informer France Travail (ex-Pôle emploi), dans le délai d’un mois, en justifiant du caractère similaire de l’emploi proposé. Le refus à deux reprises sur une période de douze mois d’une proposition de CDI dans les conditions ainsi exposées, pourra priver le salarié du bénéfice de l’allocation d’assurance chômage, sauf s’il a été employé dans le cadre d’un CDI au cours de la même période.

Frédérique Marron, avocate, Capstan Lyon

Les conséquences du non-respect des règles

Le non-respect des règles contraignantes régissant le CDD peut être lourd de conséquences, le salarié pouvant agir dans un délai de prescription de deux ans.

Toute irrégularité assimilée à l’absence d’écrit (défaut de signature, absence de motif, de durée…) entraîne la requalification en CDI, exposant l’employeur, outre au paiement d’une indemnité de requalification au moins égale à un mois de salaire, aux sanctions applicables en cas de licenciement abusif (dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse dans la limite du barème légal, outre l’indemnité de préavis et de licenciement, ainsi que le remboursement d’une partie des allocations de chômage).

Cette sanction sera également applicable en cas de non-respect des règles de renouvellement, de succession et de poursuite du contrat. La transmission tardive du contrat entraîne, quant à elle, le seul versement au salarié d’une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire. Pour finir, une sanction pénale est encourue en cas de non-respect de la plupart des règles relatives au CDD, qui expose l’employeur au paiement d’une amende de 3 750 euros.

Publié dans le magazine Direction[s] N° 227 - février 2024






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