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Droit du travail
Cadre dirigeant : contours et enjeux d’un statut

04/09/2024

Tout cadre qui dirige n’est pas cadre dirigeant. Juridiquement, cette notion vise une catégorie de salariés autonomes et dotés de grandes responsabilités, conduisant à les exclure de la plupart des règles de durée du travail.

Le statut de cadre dirigeant s’impose de plein droit sans pouvoir être en contradiction avec les termes du contrat de travail.

1) Qu’est-ce qu’un cadre dirigeant ?

 La loi fixe trois critères cumulatifs de qualification du cadre dirigeant [1].

- Le premier est l’existence de responsabilités importantes impliquant une grande indépendance dans l’organisation de l’emploi du temps. Le salarié doit ainsi être en mesure d’organiser librement son temps de travail, sans avoir à en rendre compte à l’employeur. Par exemple, n’a pas la qualité de cadre dirigeant un directeur administratif et financier qui est tenu d’être présent au siège de l’association aux heures de présence des autres salariés [2]. En revanche, un cadre dirigeant reste soumis à un lien de subordination : ce n’est pas parce qu’il se voit imposer certaines contraintes, notamment la fixation des périodes de congés en fonction des nécessités du service ou le respect de procédures internes [3], que cette qualité sera écartée.

- Le second critère est la détention d’un pouvoir de décision largement autonome, c’est-à-dire être en mesure de prendre des décisions qui engagent l’association, sans en solliciter l’autorisation. La faculté décisionnelle – qui n’a pas à être totale – s’établit à l’aide de la délégation de pouvoirs et du document unique de délégation, dont le contenu permet d’exposer l’étendue des responsabilités dévolues au salarié. Est par exemple appréciée la faculté de représentation de l’employeur vis-à-vis des salariés, ou encore de celle de l’organisme gestionnaire vis-à-vis des financeurs.

- Le troisième critère légal est la perception d’un niveau de rémunération parmi les plus élevés de l’entreprise : ce critère n’exige pas une rémunération « élevée », mais une rémunération « parmi les plus élevées » de celles pratiquées au sein de l’association.

Enfin, la Cour de cassation a précisé que seuls relèvent de la catégorie des cadres dirigeants les salariés participant effectivement à la direction de l’entreprise [4]. En revanche, cette participation peut avoir lieu à un niveau « décentralisé » [5]. À titre d’exemple, la Cour a pu juger qu’un directeur d’établissement qui était seulement chargé d’assurer la mise en œuvre du projet d’établissement approuvé par l’association (et non de le mettre en place), ne disposait pas d’une large autonomie de décision permettant de lui reconnaître ce statut [6]. Au contraire, la qualité de cadre dirigeant a été reconnue à un salarié dès lors qu’il résultait des statuts et du règlement intérieur de l’association, ainsi que de l’annexe au contrat de travail, que les établissements et l’ensemble du personnel étaient placés sous son autorité, qu’il disposait du pouvoir de recruter (exception faite pour les médecins), qu’il assurait la préparation des travaux du conseil d’administration et du projet d’établissement et était chargé de la mise en œuvre de la politique définie par ce dernier [7].

2) Comment formaliser ?

Ce statut s’impose de plein droit au regard de la réalité des fonctions exercées par le salarié [8]. Ainsi et par exemple, selon l’organisation existante au sein de la structure gestionnaire, un directeur administratif et financier ou un directeur des ressources humaines aura ou non la qualité de cadre dirigeant.

S’il est recommandé de préciser ce statut dans la rédaction du contrat de travail, aucun accord entre le salarié et l’employeur n’est nécessaire et il est indifférent que les dispositions conventionnelles applicables qualifient la fonction occupée par le salarié de cadre dirigeant – comme c’est par exemple le cas au sein de la convention collective nationale du 31 octobre 1951 (CCN 51). Si cette qualification « d’office » est indépendante du contenu des bulletins de paie, de la convention collective ou du contrat de travail [9], elle ne doit toutefois pas entrer en contradiction avec des dispositions insérées dans le contrat : par exemple, la mention d’un forfait-jours [10] ou d’un forfait mensuel en heures [11] est incompatible avec le statut de cadre dirigeant.

3) Quelles sont les conséquences ?

 Comme tout salarié, le cadre dirigeant demeure soumis à un lien de subordination à l’égard de l’employeur : il reste assujetti à ses directives, son contrôle et, le cas échéant, à l’exercice de son pouvoir disciplinaire. En revanche, la qualification de cadre dirigeant entraîne de plein droit l’exclusion des dispositions légales et réglementaires relatives à la durée du travail : heures supplémentaires, repos quotidien et hebdomadaire, durées maximales de travail, contrôle de la durée du travail ou encore jours fériés et travail de nuit [12].  Ceci explique l’appellation parfois donnée de « forfait tous horaires » : le salarié perçoit une rémunération forfaitaire, indépendante du nombre d’heures de travail réalisées.

Les autres dispositions légales et réglementaires lui sont applicables : congés payés, tickets-restaurants, protection attachée à la parentalité, etc. S’agissant des avantages conventionnels, il convient de se référer aux dispositions applicables au sein de la structure : par exemple, les cadres dirigeants se voyant appliquer la CCN 51 bénéficient de dix-huit jours ouvrés de repos annuels supplémentaires.

Pour l’employeur, ce statut présente donc un intérêt majeur puisqu’il n’y a plus aucun suivi du temps de travail, contrairement aux salariés au forfait-jours. Or, et sans doute en réaction au plafonnement des indemnités en cas de licenciement injustifié, le contentieux prud’homal connaît une expansion significative des litiges relatifs à la durée du travail, en particulier s’agissant de demandes de paiement d’heures supplémentaires formulées par des cadres. La qualité de cadre dirigeant peut alors constituer, pour l’employeur, un moyen de s’opposer à de telles demandes sous réserve de pouvoir établir de la réalité de ses critères de qualification. Inversement, un salarié s’étant vu appliquer à tort le statut de cadre dirigeant pourra être fondé à réclamer un rappel salarial et le cas échéant indemnitaire.

[1] C. trav., art. L. 3111-2

[2] Cass. soc. 3 février 2021, n° 18-20.812

[3] Cass. soc. 19 janvier 2012, n° 10-21.969

[4] Cass. soc. 4 février 2016, n° 14-23.663

[5] Cass. soc. 11 mai 2017, n° 15-27.118

[6] Cass. soc. 11 janvier 2017, n° 14-21.548

[7] Cass. soc. 18 novembre 2015, n° 14-17.590

[8] Cass. soc. 6 juillet 2016, n° 15-10.987

[9] Cass. soc. 28 octobre 2008, n° 07-42.487

[10] Cass. soc. 12 janvier 2022, n° 19-25.080

[11] Cass. soc. 11 mai 2023, n° 21-25.522

[12]  C. trav., art. L. 3111-2

Cécile Noël, avocate counsel, Picard avocats

Quelle compatibilité avec un mandat social ?

Le cumul entre un mandat social et un contrat de travail – par exemple, un directeur des ressources humaines qui serait également administrateur – n’est admis que si le contrat de travail correspond à un emploi effectif. L’activité salariée doit donc correspondre à des fonctions techniques distinctes des fonctions résultant du mandat social. Dans le même sens, le lien de subordination doit demeurer : par exemple, les fonctions de président d’une association – qui a statutairement la qualité de représentant légal – apparaissent incompatibles avec des fonctions de directeur général salarié. À noter qu’il est possible d’interroger France Travail pour vérifier si le salarié cumulant mandat social et contrat de travail peut ou non être indemnisé au titre de l’assurance chômage.

Publié dans le magazine Direction[s] N° 233 - septembre 2024






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