
« J’utilise un instrument qui va induire du bien-être, comme le tambour océanique », indique Isabelle Deloffre.
Bols chantants tibétains ou de cristal, diapasons, carillons ou simple voix… « Il n’est pas nécessaire d’être musicien: on utilise ces objets pour créer une vibration et une résonance au niveau du cerveau, mais aussi du corps puisqu’il est principalement fait d’eau », explique Valérie Colombet, sonothérapeute intervenant notamment en Ehpad.
Si la sonothérapie existe depuis des siècles, son développement en Occident est plus récent. Ses professionnels, qui utilisent les sons et les vibrations pour apporter de la relaxation, sont de plus en plus sollicités en France par les structures du secteur, en particulier du grand âge et du handicap.
Impacts physiques et psychiques
La majorité d’entre eux exercent en libéral et proposent des prestations, dont la fréquence varie selon le projet et le budget des structures. Isabelle Deloffre est un cas particulier : cette infirmière a été embauchée à temps plein pour le service psychiatrie par l’Association hospitalière de Bourgogne-Franche-Comté (AHBFC), désireuse de « proposer de nouvelles techniques de soin non médicamenteuses, axées davantage sur les médiations thérapeutiques », raconte Aurore Detrie, cadre supérieure de santé à la direction des soins. Pour lever les a priori, Isabelle Deloffre a organisé, à son arrivée un atelier pour permettre à l’équipe de juger, en fonction du profil des patients, de la pertinence des séances, réalisées sur prescription médicale. Le suivi est aussi cadré – des comptes rendus étant rédigés à l’issue.
Les séances commencent en général par un échange pour mieux connaître les besoins de la personne, avant de l’installer confortablement. Isabelle Deloffre débute souvent par l’utilisation d’« un instrument qui va induire du bien-être, comme le tambour océanique, avant de passer aux bols, posés ou non sur le corps de la personne ». Et d’observer les réactions du corps et la respiration, pour s’adapter ou abréger la séance. Cette relaxation profonde, qui touche à l’inconscient, peut parfois faire ressentir des émotions trop fortes.
Les équipes en constatent déjà les bienfaits. « Les personnes sont plus détendues, cela apaise ainsi également les relations dans le groupe et avec les professionnels », observe Camille Lamboley, responsable du pôle ergothérapie et médiations thérapeutiques à l’AHBFC. Les vibrations agissent sur le psychisme et le physique. « C’est comme un accordage avec la fréquence du corps, cela produit un apaisement profond et allège les tensions musculaires. Une personne tendue en début de séance pourra ensuite mieux vivre la toilette et s’ouvrir dans sa relation avec l’autre », constate la sonothérapeute Valérie Colombet, ancienne animatrice auprès d’un public polyhandicapé, qui rappelle que « ces séances ne remplacent pas un suivi médical ».
Une nécessaire formation
La reconnaissance du métier met du temps en France, « contrairement à d’autres pays, comme la Suisse, où les séances de sonothérapie sont remboursées par l’assurance maladie », assure Isabelle Deloffre. Faute de diplôme reconnu, difficile donc de juger du sérieux des enseignements. « Certains se disent sonothérapeutes après une seule journée de formation ! Il faut avoir suivi un cursus plus long et s’être spécialisé », estime Brigitte Snoeck, co-fondatrice de la Fédération francophone des sonopraticiens Peter Hess, méthode utilisée par quelques centaines de personnes. « Une formation solide permet de s’appuyer sur des protocoles et d’acquérir une déontologie et un savoir autour de l’approche relationnelle », abonde Valérie Colombet, passée par l’école québécoise MedSon. « Tout est encore en construction, reprend Brigitte Snoeck, optimiste. Nous essayons d’obtenir une reconnaissance professionnelle de la formation et d’unifier les méthodes. »
Delphine Dauvergne
Point de vue
Amandine Lamouret, ergothérapeute à l’Ehpad Le Château des cèdres à Conches-sur-Gondoire (77)
« Depuis un an, nous travaillons avec le sonothérapeute Fabrice Jeraphin qui vient donner une séance collective par mois. Une vingtaine de résidents atteints de démence, d’Alzheimer ou maladies apparentées ont pu en profiter. Les effets sont positifs : relaxation, apaisement des tensions, diminution du stress et de l’agitation, travail sur les émotions… Ceux à qui l’on propose ces temps, auxquels assistent toujours au moins deux soignants, ont été sélectionnés par l’équipe. Car tous les résidents ne sont pas réceptifs : s’ils ont des troubles psychiatriques, il faut s’assurer que leur état est assez stable. Nous envisageons de proposer davantage de séances, individuelles ou collectives, pour les personnes très dépendantes, pour l’accompagnement en fin de vie, ou encore pour les professionnels. »
Publié dans le magazine Direction[s] N° 238 - février 2025