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Droit du travail
Forfait-jours : sept écueils à éviter

07/05/2025

Le forfait-jours est souvent pratiqué pour les directeurs et cadres du secteur. Pourtant, ses règles sont rarement strictement respectées, au risque de nourrir un contentieux coûteux.

Le forfait-jours évite le décompte des temps supplémentaires et le respect de la durée maximale du travail.

Le forfait en jours est un dispositif dérogatoire à la durée légale, qui permet de décompter le temps de travail en jours et non plus en heures. Il a pour principal intérêt d’éviter le décompte des temps supplémentaires et le respect de la durée maximale journalière et hebdomadaire du travail. Dans le secteur, cette organisation du temps de travail est très fréquemment mise en place pour les directeurs et autres cadres. Néanmoins, les règles encadrant ce dispositif sont rarement respectées, faisant courir aux organismes des risques importants. Sept erreurs sont fréquentes.

1) Mettre en œuvre le forfait-jours sans accord collectif

On ne peut recourir au forfait annuel en jours que si un accord collectif d’entreprise ou, à défaut, une convention de branche, étendue ou non, l’autorise expressément.

Dans la branche associative sanitaire et sociale, il faut ainsi impérativement conclure un accord d’entreprise. Cela vaut même pour les organismes gestionnaires relevant de la convention collective du 31 octobre 1951 (CCN 1951), dans laquelle l’article 8 de l’avenant 2002-02 du 12 avril 2000 fixe le forfait à 208 jours par an (incluant la journée de solidarité), mais renvoie pour sa mise en place à la négociation d’un accord d’entreprise.

Dans la branche de l’aide à domicile (BAD), les articles 62 et 65 de la convention collective unique (CCU) prévoient un forfait annuel de 217 jours. Ces dispositions conventionnelles autorisent la mise en œuvre du forfait en jours, sans accord d’entreprise, mais n’étant pas à jour, elles nécessitent de définir unilatéralement, et de communiquer par tout moyen aux salariés, les modalités d'exercice de leur droit à la déconnexion [1].

À noter. Il est toujours possible de prévoir des règles différentes par accord d’entreprise.

En cas de négociation d’un tel accord, les mentions obligatoires suivantes doivent être prévues :

• la catégorie de salariés concernés ;

• le nombre de jours compris dans le forfait, dans la limite du forfait légal de 218 jours ;

• la période de référence ;

• les conditions de prise en compte des absences ainsi que des arrivées et des départs en cours de période, pour la rémunération ;

• les caractéristiques principales des conventions individuelles de forfait, qui doivent notamment fixer le nombre de jours compris dans le forfait ;

• les modalités d’évaluation et de suivi régulier de la charge de travail du salarié, l’articulation entre la vie professionnelle et la vie personnelle, la rémunération ainsi que l’organisation du travail dans l’entreprise ;

• les modalités d’exercice du droit à la déconnexion.

2) Le proposer à des salariés non autonomes

Le forfait en jours est réservé aux personnels cadres qui disposent d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable au sein du service auquel ils sont intégrés.

En outre, certains salariés non cadres pourraient théoriquement se voir proposer le forfait. Il s’agit des personnels dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur planning pour l’exercice des responsabilités qui leur sont confiées. Cette dernière catégorie peut, par exemple, concerner les salariés itinérants.

En tout état de cause, pour justifier du recours au forfait en jours, il est indispensable que le salarié dispose d’une autonomie suffisante. Il faut donc éviter de proposer ce dispositif aux collaborateurs dont l’organisation de l’emploi du temps ne résulte que des seules directives de leur hiérarchie, dont les horaires de travail sont imposés et dont le niveau de responsabilité ne permet aucune latitude dans l’organisation de leurs missions. Le seul fait d’être cadre ne suffit pas, dans certains cas, le recours à ce dispositif pour les chefs de service peut être contesté.

3) Ne pas signer de convention individuelle

La mise en œuvre du forfait en jours requiert l’accord exprès du salarié. La convention individuelle de forfait prendra obligatoirement la forme d’un contrat de travail lors de l’embauche ou bien d’un avenant.

Elle doit préciser le nombre de jours travaillés. Elle peut aussi mentionner :

• les modalités de décompte des jours travaillés et absences ;

• les conditions de rachat des jours en cas de dépassement du nombre de jours à travailler sur l’année ;

• les conditions de prise des jours de repos ;

• la rémunération, qui doit être en rapport avec les sujétions imposées ;

• les modalités de surveillance de la charge de travail, l’organisation du travail dans l’entreprise et l’articulation entre les activités professionnelles et la vie personnelle et familiale.

Attention à la cohérence entre les différents écrits. La convention individuelle de forfait doit être établie en conformité avec l’accord collectif. Toute contradiction sera interprétée en faveur du salarié.

La convention individuelle doit toujours être signée postérieurement à l’accord collectif l’ayant institué. Dès lors, en cas de révision de l’accord d’entreprise régissant les forfaits en jours, il faut envisager de négocier des avenants.

En outre, le bulletin de paie doit mentionner le nombre de jours du forfait. Cette mention fait parfois défaut, remplacée par la mention générique d’un horaire à temps plein de 151,67 heures, ce qui est susceptible d’entraîner la remise en cause du forfait.

4) Ne pas contrôler la durée du travail

Si l’on peut s’affranchir d’un certain nombre de règles de contrôle de la durée du travail (contrôle des heures travaillées, des pauses, du dépassement de la durée légale, des durées maximales…), en revanche, il est impératif de tracer le suivi des jours travaillés, des jours de repos, des repos hebdomadaires et des jours de congés payés.

C’est ce que prévoit la CCU de la BAD, selon laquelle l’employeur est tenu d’établir un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées, ainsi que la qualification des repos en jours de repos hebdomadaires, de congés payés, de congés conventionnels ou de RTT. Ce document peut être tenu par le salarié sous la responsabilité de l'employeur.

5) Ne pas veiller au caractère raisonnable de la charge de travail

L’employeur doit respecter les modalités d’évaluation et de suivi régulier de la charge de travail du salarié qui sont définies par l’accord d’entreprise [2]. En cas de contentieux, le juge vérifie l’effectivité des mesures de suivi de la charge de travail. Il vérifie aussi que l’employeur suit bien les jours travaillés, s’assure que la charge de travail est compatible avec les temps de repos quotidiens et hebdomadaires, organise un entretien annuel pour évoquer la charge de travail (qui doit être raisonnable), l’organisation du travail du salarié, l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération.

Dans la BAD, il est d’ailleurs prévu que le salarié bénéficie, chaque année, d’un entretien avec son supérieur hiérarchique au cours duquel sont évoquées l’organisation du travail de l’intéressé, sa charge de travail et l’amplitude de ses journées d'activité. Cette amplitude et cette charge doivent rester raisonnables et assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail du collaborateur.

6) Ne pas respecter les repos et le droit à la déconnexion

Le forfait en jours ne permet pas de s’affranchir de toutes les règles encadrant la durée du travail. Il est impératif de respecter celles applicables au repos journalier (11 heures consécutives), hebdomadaire (un repos tous les six jours, d’une durée ininterrompue de 35 heures), ainsi que les jours fériés, les congés payés et la journée de solidarité.

En outre, l’accord, ou à défaut l’employeur, doit définir les modalités selon lesquelles le salarié peut exercer son droit à la déconnexion. Il convient de veiller à faire respecter ce droit, en évitant de le solliciter sur ce temps.

7) Dépasser le nombre de jours du forfait

Il est impératif d’anticiper tout dépassement du nombre de jours prévus dans le forfait. En effet, cela n’est possible qu’avec l’accord du salarié, entériné par un avenant de renonciation à des jours de repos signé en contrepartie d’une majoration de salaire d’au minimum 10 %. Il doit être signé avant la fin de la période de référence et respecter le nombre maximal de jours travaillés dans l’année prévu par l’accord (dans la limite du maximum légal de 235 jours).

[1] Code du travail, article L. 3121-65

[2] Ou à défaut par l’article L. 3121-65

Frédérique Marron, avocate, Capstan Lyon

Les sanctions encourues

En cas d’inopposabilité ou de nullité de la convention de forfait en jours, l’employeur est exposé au paiement des heures supplémentaires effectuées par le salarié au-delà de 35 heures par semaine, dans la limite de la prescription triennale applicable aux rappels de salaire. Or, puisqu’il n’a logiquement réalisé aucun décompte du temps de travail, l’employeur est, en cas de contentieux, dépendant des décomptes horaires produits par le salarié. En outre, en cas de remise en cause d’un forfait-jours, le salarié peut revendiquer l’octroi de dommages et intérêts. Toutefois, dans deux arrêts rendus le 11 mars 2025 [1], la Cour de cassation retient qu’un manquement de l’employeur en matière de forfaits en jours n’ouvre pas, à lui seul, droit à réparation. En conséquence, il incombe au salarié de démontrer l’existence d’un préjudice distinct de celui déjà réparé par l’octroi d’un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires effectuées. Ce faisant, la Cour confirme son souhait de limiter la notion de préjudice nécessaire causé automatiquement dès lors qu’une convention de forfait est déclarée nulle ou privée d’effet. Si le salarié veut obtenir réparation, il doit démontrer l’existence d’un préjudice distinct, dont l’évaluation relève du pouvoir souverain des juges. Enfin, l’employeur encourt également le paiement d’une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé de six mois de salaires [2].

[1] Cass. soc. 11 mars 2025, nos 23-19.669 et 24-10.452

[2] C. trav., art. L. 8221-5

Publié dans le magazine Direction[s] N° 241 - mai 2025






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